Comme ensevelie au milieu d'amas de pierre froids et tristes

Les parois de la chapelle haute, dont le pavé était de niveau avec celui des appartements royaux, ne présentent aux regards que des faisceaux de colonnettes entre lesquels brillent des verrières éclatantes de la plus harmonieuse coloration.

 

Une riche arcature garnit le soubassement sous les appuis des fenêtres, et, derrière l'autel unique, s'élève une clôture ajourée, avec plate-forme, sur laquelle étaient placées les saintes reliques protégées par un édicule en bois. Deux retraits ménagés entre les contre-forts, à droite et à gauche, étaient destinés à recevoir les sièges du roi et de la reine ; car la chapelle haute était réservée au souverain et à sa cour, tandis que la chapelle basse devait contenir les familiers. Un porche à deux étages et auquel on arrivait latéralement par les galeries du palais dessert les deux chapelles.

 

Les statues des douze Apôtres sont adossées aux piliers de la chapelle haute, au niveau de l'appui des fenêtres. Supportées par des culs-de-lampe et surmontées de dais, elles rompent la sécheresse des lignes verticales de ces piliers. Richement peintes, dorées et revêtues de pâtes coloriées, elles détachent, sur les mosaïques lumineuses des verrières leurs tons vigoureux d'or et d'émaux, présentant ainsi comme une zone animée au-dessus du soubassement.

 

Au nord de la Sainte-Chapelle s'élevait, avant l'incendie qui, en 1776, détruisit une partie du Palais, un petit édifice à deux étages destiné au trésor des chartes et au service de la sacristie. C'était une gracieuse construction due également à Louis IX. Reliée à la chapelle royale par une courte galerie qui existe encore, son voisinage faisait ressortir la grandeur du vaisseau principal et composait avec celui-ci un ensemble de l'effet le plus pittoresque.

 

Bien que le sinistre de 1776 n'eût pas entamé le trésor des chartes, on jugea bon alors de le démolir pour donner à la cour du Mai un aspect symétrique et pour reproduire, à gauche de cette cour, en façon de pendant, la galerie qui longe la grand'salle des Pas-Perdus. Ce culte prodigieux pour la symétrie, plus fatal à nos édifices anciens que ne l'ont été les fureurs populaires, la foudre et l'action du temps, fit cacher, derrière un lourd placage d'architecture, tout un côté de l'oratoire de saint Louis, autrefois dégagé.

 

Du côté sud, les bâtiments de la police correctionnelle, élevés il y a une vingtaine d'années, diminuèrent la largeur de l'ancienne cour, de sorte qu'aujourd'hui, contrairement à ce qui s'est pratiqué pour tous nos monuments parisiens, la Sainte-Chapelle, engagée plus qu'elle ne le fut jamais, ne laisse voir d'aucun côté ses belles proportions d'ensemble, demeure comme ensevelie au milieu d'amas de pierre froids et tristes, et ne montre qu'à grand'peine ses œuvres hautes par-dessus des toits et de lourds tuyaux de cheminée.

 

Le passant cherche le long de ces murs monotones l'issue qui lui permet d'arriver au pied de l'édifice de saint Louis, signalé au loin par sa flèche dorée, et ne peut deviner où cet édifice prend racine.

 

 

Eugène-Emmanuel VIOLLET-LE-DUC, Les églises de Paris, LA SAINTE-CHAPELLE, Éditeur : C. Marpon et E. Flammarion, Paris, 1883

 

La Sainte Chapelle, photographie d'Edouard Baldus, entre 1852 et 1857

La Sainte Chapelle, photographie d'Edouard Baldus, entre 1852 et 1857

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