La cathédrale Notre-Dame de Paris - Il fallut se résoudre à faire des cathédrales des édifices purement religieux

Alors Notre-Dame de Paris était élevée, sauf les flèches en pierre des deux tours, ainsi que nous l'avons dit tout à l'heure; l'église était entièrement bâtie sur le programme mi-religieux, mi-civil des cathédrales françaises de la fin du XIIe siècle.

 

Elle ne possédait point de chapelles. L'autel seul, au milieu du rond-point de l'abside, était entouré des stalles du chapitre, la chaire de l'évêque dans l'axe. Les collatéraux de cette abside étaient de plain-pied avec le chœur. C'était la basilique antique avec son tribunal, ses galeries latérales à rez-de-chaussée et au premier étage.

 

Le transsept était marqué, mais ne formait point de saillies sur les bas-côtés. Des fenêtres larges, sans meneaux, percées dans les murs des bas-côtés, éclairaient la partie basse de l'église; d'autres baies plus longues, ouvertes sous les voûtes des galeries supérieures, les éclairaient ainsi que la nef centrale; et, enfin, un troisième rang d'ouvertures, également sans meneaux, faisait pénétrer le jour sous les hautes voûtes.

 

Des roses, percées sous les combles des galeries supérieures, occupaient l'espace libre entre les arcs de ces galeries et l'appui des fenêtres supérieures. Cette disposition était simple, large, sévère. La cathédrale, ainsi faite, avait un caractère d'unité et de grandeur que les adjonctions postérieures lui ont fait perdre en partie.

 

Dans ces basiliques, au milieu desquelles l'autel unique semblait présider, se tenaient des assemblées qui n'avaient rien de religieux. Des marchands s'établissaient intérieurement dans les collatéraux. Là, à toute heure du jour, on pouvait se réunir, s'occuper des affaires de la cité. Il faut se rappeler qu'alors tout acte, même civil, se rattachait par un certain côté aux habitudes religieuses ; qu'en toute occasion il fallait avoir recours à l'intervention des clercs, et on reconnaîtra que les évêques étaient parfaitement entrés dans l'esprit de leur époque en élevant ces larges abris dont ils occupaient le centre et où il semblait qu'ils dussent être pour toujours les arbitres des intérêts de la cité.

 

La féodalité laïque et la royauté, réunies cette fois, mirent fin à ce rêve d'une théocratie féodale. Il fallut se résoudre à faire des cathédrales des édifices purement religieux. Les communes, désormais assurées de trouver dans la royauté un pouvoir judiciaire régulier, supérieur aux justices seigneuriales, ayant fait l'expérience des cours où l'excommunication se mêlait aux procédures, ne donnèrent plus d'argent. Cet enthousiasme, que les historiens modernes présentent trop comme exclusivement religieux, s'éteignit comme il s'était allumé, avec les causes qui l'avaient fait naître.

 

La cathédrale de Beauvais, fondée en 1225, restait inachevée; celles de Troyes, de Tours, d'Auxerre, commencées en même temps, n'étaient à peu près terminées que beaucoup plus tard. Les constructions de celle d'Amiens, commencées en 1220, étaient interrompues vers 1240, et ne pouvaient être poursuivies qu'à l'aide des plus grands efforts, pauvrement, en abandonnant même' une partie des projets primitifs. La première pierre de la cathédrale de Reims était posée en 1212 ; vers 1250, l'œuvre n'était pas entièrement achevée et ne put l'être qu'à grand'peine ; encore les flèches des deux tours de la façade occidentale ne furent-elles pas construites.

 

 

Eugène-Emmanuel VIOLLET-LE-DUC, Les églises de Paris, NOTRE-DAME, Éditeur : C. Marpon et E. Flammarion, Paris, 1883

 

Cathédrale Notre-Dame de Reims, photographie de Jean Gourbeix, 1972

Cathédrale Notre-Dame de Reims, photographie de Jean Gourbeix, 1972

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