Les Hôpitaux de Paris et le nouvel Hôtel-Dieu - À l’Hôtel-Dieu

Au montant de chaque lit est fixé un cadre in-octavo dans lequel on glisse une feuille formulée, qui est le bulletin particulier du malade. D’un coup d’œil on y voit son nom, son état civil, la date de l’entrée, s’il a été vacciné et revacciné avec ou sans succès, le nom, l’état, le siège, les variétés, la date de la maladie ; plus tard, et selon les circonstances, on inscrira sur ce même bulletin la date de la guérison ou de la mort, celle de l’autopsie si elle a été pratiquée, et les observations particulières qu’on aura trouvé intéressant de recueillir.

 

Ces feuilles, signées par le chef de service, sont précieusement conservées, et servent à dresser une statistique très curieuse où l’on pourrait retrouver la constatation quotidienne de la situation sanitaire de Paris. On m’a dit que certains médecins, fatigués d’avoir à remplir ces méticuleuses formalités administratives et n’en comprenant pas l’importance scientifique, s’amusaient à donner des diagnostics erronés ; on m’a dit que d’autres, cherchant à diminuer la nécrologie de leurs salles, se hâtaient de renvoyer les malades désespérés, afin que, mourant à domicile, ceux-ci ne figurassent point sur les états particuliers de leur service. Ce sont là sans doute de ces médisances puériles auxquelles le Parisien se livre volontiers, et dont il faut se contenter de sourire.

 

Les dispositions prises pour soigner un malade ont été imposées par un règlement général et sont analogues dans tous les hôpitaux : c’est la même literie, ce sont les mêmes vêtements, les mêmes ustensiles, mais par malheur ce ne sont pas partout les mêmes salles. Forcée de tirer parti des bâtiments souvent bien vieux, presque toujours mal distribués qu’on lui livrait, l’Assistance publique n’a pu encore donner à toutes ses infirmeries une ampleur désirable. Si les salles de La Riboisière sont vastes, aérées, éclairées par de larges fenêtres, quelques salles de l’Hôtel-Dieu, de la Pitié, de la Charité, sont trop étroites, ouvertes sous les combles, trop chaudes en été, trop froides en hiver, mal disposées pour le service, sans dégagements, et juchées en haut d’escaliers plus roides que l’échelle de Jacob.

 

À l’Hôtel-Dieu, on peut voir combien le système des agrandissements successifs et des adjonctions est déplorable. Le corps principal s’étend sur le parvis Notre-Dame ; pour le faire communiquer avec l’annexe du bureau central, on a creusé un tunnel qui passe sous la place, et pour le mettre en rapport avec le corps de logis situé sur le quai de Montebello, on a construit le pont Saint-Charles, pont couvert en bois, qu’une allumette mettrait en feu ; or ces deux couloirs formés par le pont et par le tunnel dégagent un courant d’air permanent tellement insupportable qu’on est forcé d’y tenir constamment allumé, en toute saison, un calorifère dont les tuyaux, serpentant le long des murailles, donnent un peu de chaleur à cette glaciale atmosphère.

 

De plus, pour se rendre du bureau d’admission aux bâtiments assis de l’autre côté de l’eau, à la salle d’accouchement par exemple, il faut gravir cent soixante-quatorze marches.

 

 

Maxime Du Camp, Les Hôpitaux de Paris et le nouvel Hôtel-Dieu, Revue des Deux Mondes, 1870

 

Hôtel-Dieu, vue d'ensemble prise de la place du Parvis Notre-Dame, Paris, 1925

Hôtel-Dieu, vue d'ensemble prise de la place du Parvis Notre-Dame, Paris, 1925

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