Des bulletins portant le nombre des lits vacants dans chaque hôpital sont remis aux chirurgiens et aux médecins qui donnent les consultations au bureau central ; ceux-ci savent donc toujours à combien de malades ils peuvent accorder l’hospitalité.
Parmi les individus qui se sont adressés à eux, ils font un premier choix, et réservent pour un examen ultérieur ceux qui leur paraissent le plus gravement atteints. C’est là le groupe privilégié de la souffrance ; lorsque la consultation est terminée, il s’agit de faire une sélection définitive, car la proportion de ces malheureux dépasse invariablement celle des lits dont on peut disposer. On désigne alors ceux qui sans danger pour eux-mêmes, sans péril pour la santé publique, ne peuvent attendre. Selon le mal dont ils souffrent, selon les vacances indiquées, on les dirige sur tel ou tel hôpital. Ils ont parfois des sourires d’une joie navrante : enfin ils vont donc pouvoir étendre leurs pauvres membres endoloris et dormir à leur aise ! Les autres sont mécontents, ils se plaignent, ils sont injustes. On les remet au lendemain, on leur dit que la place seule et non pas la bonne volonté fait défaut ; mais on ne réussit guère à les calmer, et la plupart se retirent en maugréant. Ce spectacle est très-pénible. On a beau comprendre que le possible a été fait, que les hôpitaux, si vastes qu’ils soient, ne peuvent recevoir tous les malades qui se présentent, on a beau savoir que l’encombrement deviendrait promptement un danger redoutable, on se sent ému de pitié, et l’on voudrait pouvoir, d’un coup de baguette, centupler les ressources dont dispose notre organisation hospitalière.
Il est intéressant de constater quel a été le mouvement des nombreux services du bureau central, qu’on nomme aussi le dispensaire des hôpitaux. Du 1er mai 1869 au 1er mai 1870, on y a dirigé 16 128 malades sur les hôpitaux, et l’on en a ajourné 1 801, qui tous ont été placés peu de jours après, ou du moins ont été soignés à domicile ; le traitement général a compris 6 592 consultations, 14 093 pansements et 12 030 délivrances de médicaments ; les traitements spéciaux se sont trouvés en présence de 10 350 cas particuliers se groupant en six catégories distinctes : maladies des yeux, 2 823 ; maladies de femmes, 2 592 ; maladies du larynx, 738 ; teigne, 1 628 ; orthopédie, 1 590 ; maladies des dents, 879. Les diverses opérations des services particuliers s’élèvent à 19 017 et se divisent ainsi : consultations pour les aveugles et les paralytiques, 355 ; délivrances de certificats pour l’admission dans les maisons de retraite, 1 281 ; vaccinations et revaccinations, 1 078 ; bains, 6 778 ; applications de ventouses et électrisations, 1 304 ; soupes et bouillons, 1 086 ; enfin délivrances d’appareils, 6 235.
On parait fort large dans la distribution des appareils, car dans la nomenclature détaillée qui note tous ceux qui ont été donnés, on a indiqué des voitures mécaniques, des fausses dents et des yeux artificiels. Si dans la première année de son installation le bureau central a fait une pareille besogne, si ses services réunis totalisent 78 210 opérations de toute nature, on peut présumer dès à présent quel énorme et fécond développement une telle institution est appelée à recevoir sous l’impulsion de l’Assistance publique et avec l’aide du corps médical.
Maxime Du Camp, Les Hôpitaux de Paris et le nouvel Hôtel-Dieu, Revue des Deux Mondes, 1870
Consultation à l'Hôpital Bretonneau, tableau de Georges Chicotot, peintre et médecin radiologue, Musée de l'Assistance Publique, Paris, 1904 - pendant ses études à l’Ecole des Beaux-Arts, Georges Chicotot s’est passionné pour l’anatomie au point d’entreprendre des études de médecine tout en poursuivant son activité de peintre -