Pas un Parisien n'est chez lui

 

8 mai 1945, Paris

 

On ne donnera avis de la capitulation qu'à trois heures cet après-midi.

 

 

9 mai 1945, Paris, 3 heures du matin

 

Je rentre après avoir couru un peu partout pour voir. A Montmartre, les petites rues Saint-Vincent et autres du même genre sont si encombrées qu'on n'avance que lentement, comme dans les couloirs du métro aux heures d'affluence. Des projecteurs éclairent brillamment le Sacré-Cœur. Sur les marches de l'église, des milliers de personnes regardent Paris qui reprend vie et manifeste sa convalescence en s'illuminant. D'un peu partout, on voit s'élever des fusées rouges, vertes, blanches. A chacune la foule pousse le Oh ! traditionnel.

Je regagne le Trocadéro dont les eaux jouent et projettent un brouillard de lumière. Partout, la même foule immense. Pas un Parisien n'est chez lui. Peu d'ivrognes. On manque d'alcool et de vin. Pas de bals improvisés, ce sera sans doute pour la nuit prochaine. Pas de chants. Peu de bruit. C'est une promenade, une sortie, une fête qui n'est pas une vraie fête parce que l'on vient pour voir quelque chose qui ne se produit pas. La vraie fête est celle où l'on participe comme acteur et, en réalité, cette foule n'est faite que de spectateurs. Il manque quelque chose.

 

 

Maurice Garçon, Journal (1939-1945)

http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100890880

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