Par un pèlerin
A propos des origines de la Saeta
Calixto Sanchez : Nous sommes là dans le domaine des conjectures, et chacun raconte ce qu’il a envie. Il y a par exemple un ouvrage de Hipólito Rossy dans lequel il affirme que le premier à avoir chanté une saeta por siguiriyas fut Manuel Senteno. D’autres pensent plutôt que la saeta provient de la cantillation monastique, plus particulièrement de celles des frères augustins ; et là, je suis d’accord, parce qu’on peut le vérifier, ne serait-ce que par le fait que les saetas ont conservé un fond grégorien très marqué. Dans des villages comme Mairena ou Marchena, où il y avait jusqu’à récemment des monastères augustins, on dit que les moines sortaient la nuit dans les rues pour exhorter les gens à la prière et au repentir par des chants qu’on appelait saetas del pecado mortal, et d’autres saetas del arrepentimiento, ou quelque chose comme ça. Et aujourd’hui, il est frappant de constater que ce sont justement ces villages qui ont conservé leur propre style de saeta. Lorsqu’on envisage les saetas globalement, on s’aperçoit qu’elles présentent de fortes similitudes entre elles ; mais, avec le temps, des formes distinctes se sont développées sur une base commune. Mairena a conservé deux types de saeta autochtones, Marchena au moins six ; il y en a aussi à Puente Genil, la saeta pontonera, à Cabra et dans une quantité d’autres villages andalous, qui avaient tous un monastère. On peut encore mentionner, à propos de la saeta, un moine, frère Diego de Cadix, qui passe pour avoir été un bon chanteur et qui, le premier, composa des saetas à quatre vers, alors que les plus anciennes n’en comportent que deux.
Laurent Aubert : Saeta signifie « flèche ». Sait-on d’où provient cette appellation ?
Calixto Sanchez : En fait, non, mais il y a bien sûr eu de nombreuses spéculations sur ce nom. On dit par exemple que la saeta est une invocation adressée directement du chanteur à la Vierge ou au Christ, un chant qui va directement au Ciel.
L’essence du cante flamenco, entretien avec Calixto Sanchez, propos recueillis et traduits de l’espagnol par Laurent Aubert, Cahiers d'ethnomusicologie, 1991
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