Non, Georges Bernanos n'aurait jamais parlé à la légère d'une œuvre, lui qui ne ménageait guère les personnes : c'est
qu'il savait ce qu'il en coûte d'en écrire une. Entendons-nous : un livre, beaucoup de livres ne font pas une oeuvre, et le talent tout seul n'en décide pas. A quel signe la reconnaître ? Quelle
est la marque de son authenticité ? Peut-être cet effort, le même chez les auteurs les plus différents, pour démêler, à travers la fiction, un écheveau très secret en eux, dont la plupart des
hommes n'ont en ce qui les concerne aucun souci, ni même aucune conscience. 'Mon étrange cœur ...', disait Maurice de Guérin. Mais quel cœur n'est étrange ? Et que celui de Bernanos l'était ! Ce
prêtre en lui, qui ne ressemblait à aucun prêtre de la vie réelle, et plus vivant qu'aucun d'eux, ce sacerdoce qu'il n'a pu manifester que fictivement et qu'à la lettre il a rêvé...
François Mauriac in Mémoires intérieurs
Pour ce qui concerne François Mauriac, il estimait hautement Bernanos. "Je vous ai toujours aimé et admiré", lui écrivait-il en 1946. "Telles
pages du Soleil de Satan, de l'Imposture, du Curé de campagne vous mettent à part dans mon cœur."
Mais pour Bernanos, Mauriac était "l'auteur torturé de tant de livres où le désespoir charnel suinte à chaque page, comme une eau boueuse aux murs d'un souterrain". Georges Bernanos / ses contemporains