Benoît est le père de l'Europe, c'est lui qui, par ses enfants, nombreux comme les étoiles du ciel et comme les sables
de la mer, a relevé les débris de la société romaine écrasée sous l'invasion des barbares, présidé à l'établissement du droit public et privé des nations qui surgirent après la conquête, porté
l'Evangile et la civilisation dans L'Angleterre, la Germanie, les pays du Nord, et jusqu'aux peuples slaves, enseigné l'agriculture, détruit l'esclavage, sauvé enfin le dépôt des lettres et des
arts, dans le naufrage qui devait les engloutir sans retour, et laisser la race humaine en proie aux plus désolantes ténèbres.
Et toutes ces merveilles, Benoît les a opérées par cet humble livre qui est appelé sa Règle. Ce code admirable de perfection chrétienne et de discrétion a discipliné les innombrables légions de
moines par lesquels le saint Patriarche a opéré tous les prodiges que nous venons d'énumérer. Jusqu'à la promulgation de ces quelques pages si simples et si touchantes, l'élément monastique, en
Occident, servait à la sanctification de quelques âmes, mais rien ne faisait espérer qu'il dût être, plus qu'il ne l'a été en Orient, l'instrument principal de la régénération chrétienne et de la
civilisation de tant de peuples. Cette Règle est donnée et toutes les autres disparaissent successivement devant elle, comme les étoiles pâlissent au ciel quand le soleil vient à se lever.
L'Occident se couvre de monastères, et de ces monastères se répandent sur l'Europe entière tous les secours qui en ont fait la portion privilégiée du globe.
Un nombre immense de saints et de saintes qui reconnaissent Benoit pour leur père, épure et sanctifie la société encore à demi-sauvage, une longue série de souverains Pontifes, formés dans le
cloître bénédictin, préside aux destinées de ce monde nouveau, et lui crée des institutions fondées uniquement sur la loi morale, et destinées à neutraliser la force brute, qui sans elles eût
prévalu ; des évêques innombrables, sortis de l'école de Benoît, appliquent aux provinces et aux cités ces prescriptions salutaires ; les Apôtres de vingt nations barbares affrontent des races
féroces et incultes, portant d'une main l'Evangile et de l'autre la Règle de leur père ; durant de longs siècles, les savants, les docteurs, les instituteurs de l'enfance, appartiennent presque
tous à la famille du grand Patriarche qui, par eux, dispense la plus pure lumière aux générations. Quel cortège autour d'un seul homme, que cette armée de héros de toutes les vertus, de Pontifes,
d'Apôtres, de Docteurs, qui se proclament ses disciples, et qui aujourd'hui s'unissent à l'Eglise entière pour glorifier le souverain Seigneur dont la sainteté et la puissance ont paru avec un tel
éclat dans la vie et les œuvres de Benoît !