" Il est probable que, sans les Romains, la Gaule eût été germanisée. " (Bainville, Histoire de France, Chapitre I)
La Germanie dans son ensemble a pour frontières le Rhin avec la Gaule, le Danube avec la Rétie et la Pannonie. Une peur réciproque des montagnes tient les Germains à l'écart des Sarmates et des Daces. Ailleurs, l'Océan la borde et enserre ses vastes péninsules et ses îles immenses où la guerre a fait découvrir (ce que nous en savons est donc récent), certains peuples et leurs rois.
(XIV 2). Si l'État dont ils sont issus, s'engourdit dans le désoeuvrement d'une paix trop longue, la plupart des jeunes gens de haute naissance s'en vont rejoindre d'autres peuples en guerre à ce moment-là, à la fois parce que le repos leur est insupportable et qu'ils se font plus facilement valoir dans les dangers. De plus on ne peut maintenir une grande escorte que dans la violence d'une guerre. En effet tout ce qu'ils exigent de la générosité de leur chef, c'est tel cheval de guerre, c'est telle lance mouillée du sang des vaincus. Des banquets, si peu raffinés soient-ils mais copieusement pourvus, leur tiennent lieu de solde.
(XIV 3). C'est le produit des guerres et des pillages qui permet ces libéralités. Il serait moins facile de les convaincre de labourer la terre et de patienter toute une année, que de provoquer l'ennemi et d'en remporter des blessures. Bien plus, acquérir en suant ce qu'on peut gagner en versant son sang n'est pour eux que paresse et inertie.
(XV 1). Quand ils ne guerroient pas, ils consacrent quelques moments à la chasse et le plus clair de leur temps au repos. Ils ne pensent plus qu'à dormir et manger. Les plus braves et plus belliqueux ne font plus rien et abandonnent la charge de la maison, du foyer et des champs aux femmes, aux vieillards et aux plus faibles de la famille. Ils s'abrutissent, comme pour illustrer ce curieux paradoxe de la nature qui veut que des mêmes hommes aiment à un tel point l'oisiveté et détestent tout autant une vie tranquille.
TACITE LA GERMANIE