LA RÉSURRECTION : ainsi se passa la sixième apparition de Jésus ressuscité

La conversation continuait entre ces hommes simples et droits, ces hommes si obscurs alors, et dont le monde entier devait plus tard connaître les  noms  immortels. Les portes  de la maison étaient fermées cependant ; car la petite troupe craignait une surprise. Les gardes du tombeau avaient fait leur rapport aux princes des prêtres dans la matinée ; ceux-ci avaient cherché à les suborner, et leur avaient même donné de l'argent pour les engager à dire que, pendant leur sommeil, les disciples de Jésus étaient venus dérober le corps. Ce système déloyal des autorités juives pouvait amener quelque réaction populaire contre les Apôtres, et ceux-ci avaient jugé devoir prendre des précautions. A ce moment, ils se trouvaient dix rassemblés ; car Thomas, qui avait été présent au moment de l'entrée des disciples d'Emmaüs, était sorti plus tard dans la ville, à la faveur des ténèbres.

 

 Au moment où les Apôtres repassaient entre eux les émotions de cette mémorable journée, voici Jésus qui paraît devant eux, et les portes ne se sont pas ouvertes pour lui donner passage.

 

  

C'est bien lui, ce sont bien ses traits ; c'est sa voix pleine de bonté. "La paix soit avec vous !" leur dit-il avec tendresse. Toutefois ils demeurent interdits ; cette entrée mystérieuse et inattendue les a bouleversés. Ils ignorent encore les prérogatives d'un corps glorieux ; et sans douter de la résurrection de leur maître, ils ne savent s'ils ne sont point en présence d'un fantôme. Jésus, qui, dans toute cette journée, semble avoir plus souci de témoigner son amour aux siens que de proclamer sa gloire, daigne leur donner à toucher ses membres divins ; il fait plus, et pour leur prouver la réalité de son corps, il leur demande à manger et mange devant eux.

 

Qui pourrait dire la joie dont leurs coeurs sont remplis à la vue de cette ineffable familiarité, les larmes d'attendrissement qui coulent de leurs veux ? Avec quelle allégresse naïve ils disent à Thomas, lorsque cet Apôtre est de retour auprès d'eux : "Nous avons vu le Seigneur !" Ainsi se passa la sixième apparition de Jésus ressuscité,en ce jour de Pâques. Elle nous est rapportée par saint Luc, dont la sainte Eglise nous donne à lire le récit à la Messe de l'un des jours de l'Octave.

 

 Soyez donc béni et glorifié, vainqueur de la mort, qui en ce seul jour avez daigné vous montrer aux hommes jusqu'à six fois, pour satisfaire votre amour et pour appuyer notre foi en votre divine Résurrection.

 

Soyez béni et glorifié d'avoir consolé, par votre chère présence et vos douces caresses, le cœur si oppressé de votre Mère et la nôtre.

 

Soyez béni et glorifié d'avoir calmé la désolation de la pauvre Madeleine par une seule parole de votre amour.

 

Soyez béni et glorifié d'avoir essuyé en un moment les larmes des saintes femmes par votre vue soudaine, et de leur avoir donné à baiser vos pieds sacrés.

 

Soyez béni et glorifié d'avoir donné à Pierre de votre propre bouche l'assurance de son pardon, et d'avoir confirmé en lui les dons de la Primauté, en lui révélant, à lui avant tous, le dogme fondamental de noire foi.

 

Soyez béni et glorifié d'avoir rassuré avec tant de douceur le cœur chancelant des deux disciples, sur la route d'Emmaüs, et d'avoir mis le comble à cette faveur, en vous dévoilant à eux.

 

Soyez béni et glorifié de n'avoir pas achevé cette journée sans visiter vos Apôtres, et sans leur avoir donné de si touchantes preuves de votre adorable condescendance à leur faiblesse.

 

Soyez enfin béni et glorifié, ô Jésus, de ce que vous daignez aujourd'hui, par l'organe de votre sainte Eglise, nous faire entrer en participation, après tant de siècles, des joies si pures et si enivrantes que goûtèrent à pareil jour et Marie, votre mère, et Madeleine avec ses compagnes, et Pierre, et les disciples d'Emmaüs, et les Apôtres rassemblés.

 

Rien ici n'est effacé ; tout est vivant, tout est renouvelé ; vous êtes le même, et notre Pâque aujourd'hui est aussi la même que celle qui vous vit sortir du tombeau. Tous les temps sont à vous ; et le monde des âmes vit par vos mystères, comme le monde matériel se soutient par votre pouvoir, depuis le moment où, à pareil jour, il vous plut de commencer votre œuvre, en créant la lumière visible qui doit éclairer ce monde, jusqu'à ce qu'elle pâlisse et s'efface devant l'éternelle clarté que vous nous avez conquise aujourd'hui.

 

 Célébrons en ce jour le premier des six jours de la création, celui qui vit la lumière sortir des ténèbres à l'appel souverain du Verbe de Dieu. Il est la lumière incréée du Père, et il a débuté dans son œuvre en produisant du néant cette image matérielle de sa propre splendeur ; et il a voulu que les justes fussent appelés enfants de la lumière, et les pécheurs enfants des ténèbres. Lorsqu'il s'est montré aux hommes dans la chair, il leur a dit : "Je suis la Lumière du monde : celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres ; mais il aura la lumière de vie".

 

Enfin, pour montrer la parfaite harmonie et le lien sacré de l'ordre de nature et de l'ordre de grâce, il s'est élancé des ombres du tombeau le jour même où il fit sortir du chaos la lumière visible qui nous éclaire, et qui est pour nous le premier des biens dans l'ordre matériel.

 

L'Eglise Gothique d'Espagne exprimait la reconnaissance de  l'humanité régénérée pour  le double bienfait qui se rattache à ce grand jour, dans cette belle prière que nous empruntons à son  Bréviaire : 

 

CAPITULA

 

Ô Dieu, à qui nous devons ce jour, le premier de tous, dans lequel vous avez voulu manifester à tous les êtres créés la lumière visible et celui qui est la forme de l'invisible lumière, faisant jaillir dans un même jour le flambeau qui éclaire le monde, et la splendeur divine qui illumine les âmes ; vous qui par un calcul céleste avez joint ensemble le dimanche, premier jour de votre labeur, et le moment de la résurrection, afin que le même mystère ouvrit et terminât la solennité pascale ; jetez un regard, dans ce temps favorable et dans ces jours de salut, sur vos serviteurs que vous avez rachetés.

 

Dans le désert de cette vie, daignez marcher devant nous, comme un nuage qui nous couvre de son ombre durant le jour, et tempère l'ardeur de nos tentations ; comme une colonne de feu qui, durant la nuit,  nous préserve  par sa lumière dès ténèbres du péché, ainsi vous serez notre Sauveur par votre présence, et vous nous conduirez au lieu de notre repos.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

tableau de Duccio di Buoninsegna 

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M
<br /> <br /> Merci cher Pélerin ! <br /> <br /> <br /> Mimi<br /> <br /> <br /> <br />
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