Le mystère de l'Ascension se continue à chaque instant jusqu'à ce que le dernier des élus soit monté aux cieux

Il est donc monté aux cieux, l'homme que possédait la terre et qui résumait en lui toute sainteté. Elle n'est donc plus stérile pour le ciel, cette terre pourtant maudite ; la porte des cieux, fermée à notre race, a donc pu s'ouvrir pour laisser passer un fils d'Adam. Tel est le mystère de l'Ascension ; mais ceci n'en est qu'une partie, et il importe de le connaître tout entier.

 

Ecoutons ce que nous dit l'Apôtre des nations : "Dieu qui est riche en miséricorde, mû par l'excessive charité dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos péchés, il nous a rendus à la vie avec Jésus-Christ ; il nous a ressuscités avec lui, et il nous a fait asseoir dans les cieux en sa personne". Ainsi, de même que nous avons célébré la résurrection de notre Sauveur dans la Pâque comme notre propre résurrection, l'Apôtre nous convie à célébrer l'Ascension de ce divin Rédempteur comme étant aussi la nôtre Mesurons la force de l'expression : "Dieu nous a fait asseoir dans les cieux en Jésus-Christ" ; dans cette Ascension, ce n'est pas lui seulement qui monte aux cieux, nous y montons avec lui ; ce n'est pas lui seulement qui est intronisé dans la gloire, nous le sommes avec lui.

 

Et, en effet, le Fils de Dieu n'était pas venu se revêtir de notre nature pour que la chair qu'il a prise en Marie fût seule établie dans les conditions de la gloire éternelle ; il est venu afin d'être notre Chef, mais un Chef qui réclame ses membres dans l'adhésion desquels consiste l'intégrité de son corps. "Ô Père! s'écrie-t-il à la dernière Cène, ceux que vous m'avez donnés, je veux qu'ils soient là où je suis, afin qu'ils voient la gloire dont vous m'avez fait part". Et quelle gloire le Père a-t-il donnée à son Fils ? Ecoutons David qui a célébré cette auguste journée de l'Ascension : "Celui qui est le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite". C'est donc sur le trône même du Père, à la droite même du Père, que nous verrons éternellement celui que l'Apôtre appelle "notre avant-coureur" ; et nous lui adhérerons comme étant réellement les membres de son corps, en sorte que sa gloire sera la nôtre, et que nous serons rois avec lui, rois de sa royauté à jamais ; car il a dû partager tout avec nous, ayant voulu que nous fussions "ses cohéritiers".

 

Il suit de là que l'auguste mystère de l'Ascension, ouvert aujourd'hui, se continue à chaque instant, jusqu'à ce que le dernier des élus étant monté aux cieux, le corps mystique de notre Emmanuel ait atteint son entier complément. Voyez cette nuée innombrable d'âmes saintes qui se presse sur ses pas en ce jour : nos premiers parents à la tête, les patriarches, les prophètes, les justes de toute race, que quatre mille ans avaient préparés pour ce triomphe. Captifs naguère dans les demeures souterraines des limbes, maintenant brillants de clarté, ils suivent avec la rapidité de l'aigle celui dont ils ornent le triomphe. Ils sont ses trophées, en même temps qu'ils forment sa cour dans le trajet de la terre au ciel. En les suivant du regard, écrions-nous donc dans les transports de David : "Royaumes de la terre, chantez au Seigneur, chantez à Dieu qui s'élève sur les cieux des cieux, vers l'Orient".

 

 De leur côté les milices angéliques se pressent au-devant de l'Emmanuel, et alors commence le sublime dialogue que l'oreille prophétique de David entendit, et qu'il nous a rendu à l'avance. La légion innombrable et triomphante qui suit et accompagne l'Emmanuel crie aux gardiens de la Jérusalem céleste : "Princes, élevez vos portes ! portes éternelles, élevez-vous ; c'est le Roi de gloire qui va entrer". Et les Anges fidèles répondent avec majesté : "Et quel est-il, ce Roi de gloire ?" —"C'est le Seigneur", répondent les élus de la terre, "le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans les combats", comme l'attestent les victoires qu'il a remportées sur Satan, sur la mort et l'enfer, les victoires dont nous sommes l'heureux trophée. Après une seconde interpellation qui donne lieu d'exalter une seconde fois les grandeurs de l'Emmanuel, les portes éternelles se lèvent, et le Christ vainqueur pénètre dans les cieux avec son glorieux cortège.

 

 Elles ne retomberont plus désormais pour nous fermer le passage, ces portes éternelles qui ont donné entrée à notre libérateur : et c'est ici qu'il faut admirer l'incommunicable grandeur du mystère de l'Ascension. Ce mystère s'est ouvert aujourd'hui, Jésus l'a inauguré en s'élançant de la terre au ciel, mais il ne l'a pas clos ; il a voulu qu'il fût permanent, qu'il s'accomplit en tous ses élus successivement, soit qu'ils montent du lieu des expiations, soit qu'ils s'élèvent de notre terrestre vallée avec le vol de la colombe. Salut donc, ô glorieux mystère que tant d'autres mystères ont préparé, terme et accomplissement du dessein éternel de Dieu ! mystère qui fut suspendu durant des siècles par notre chute, mais qui reprend aujourd'hui son cours en l'Emmanuel, pour ne plus l'interrompre qu'au moment solennel où la voix éclatante de l'Ange criera : "Le temps n'est plus". Jusque-là tu demeures ouvert pour nous, et l'espérance vit dans notre cœur que tu t'accompliras aussi en nous.

 

 Daignez donc permettre, ô Jésus, que nous prenions pour nous cette parole que vous avez dite : "Je vais vous préparer une place". Vous avez tout disposé dans ce but ; et vous êtes venu en ce monde pour nous ouvrir la voie que vous avez vous-même franchie aujourd'hui. La sainte Eglise, votre Epouse, nous ordonne d'élever nos regards ; elle nous montre le ciel ouvert, et le sillon lumineux que tracent jusqu'à nous les âmes qui montent à chaque instant pour s'unir à vous.

 

Nos pieds posent encore sur la terre ; mais l'oeil de notre foi vous découvre au terme de cette voie, vous, "le Fils de l'homme, assis à la droite de l'Ancien des jours". Mais comment franchir l'espace qui nous sépare de vous ? Nous ne pouvons, comme vous, nous élever par notre propre vertu ; il faut, ô Emmanuel, que vous nous attiriez à vous. Vous l'avez promis, et nous n'attendons plus que l'heure. Marie, votre mère, qui consent à demeurer encore avec nous, l'attendit aussi, cette heure, dans la soumission et dans l'amour ; elle l'attendit dans la fidélité et dans le labeur, vivant avec vous sans vous voir encore.

 

Donnez-nous, Seigneur, une part à cette foi et à cet amour de notre commune mère, afin que nous puissions nous appliquer cette parole de l'Apôtre : "Déjà par l'espérance nous sommes sauvés". Il en sera ainsi, si vous daignez, selon votre promesse, nous envoyer votre Esprit que nous attendons avec ardeur ; car il doit venir confirmer en nous tout ce que la succession de vos mystères y a déjà préparé, et être le gage assuré de notre ascension glorieuse.

   

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

   

Ascension du Christ

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