Méritons d'être comptés parmi ces mystiques poissons

L'Evangile de ce Dimanche nous raconte une troisième apparition qui eut lieu à sept disciples seulement, sur les bords du lac de Génézareth, appelé aussi la mer de Tibériade , à cause de sa vaste étendue.

 

Rien de plus touchant que cette joie respectueuse des Apôtres à la vue de leur maître qui daigne leur servir un repas. Jean, le premier de tous, a senti la présence de Jésus ; ne nous en étonnons pas ; sa grande pureté éclaira l'œil de son âme, il est écrit : "Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu." Pierre se jette dans les flots pour être plus tôt arrivé près de son maître ; on reconnaît l'Apôtre impétueux, mais qui aime plus que les autres.

 

 Que de mystères ensuite dans cette admirable scène !

 

 Il y a d'abord une pêche ; c'est l'exercice de l'apostolat par la sainte Eglise. Pierre est le grand pêcheur ; c'est à lui de déterminer quand et comment il faut jeter le filet. Les autres Apôtres s'unissent à lui, et Jésus est avec tous. Il suit de l'œil la pêche, il la dirige ; car le résultat en est pour lui. Les poissons sont les fidèles ; car le chrétien, ainsi que nous l'avons déjà remarqué ailleurs, le chrétien, dans le langage des premiers siècles, est un poisson. Il sort de l'eau ; c'est dans l'eau qu'il puise la vie.

 

Nous avons vu comment l'eau de la mer Rouge fut propice aux Israélites. Dans notre Evangile, nous retrouvons encore le Passage : passage de l'eau du lac de Génézareth à la table du Roi du ciel. La pêche fut abondante, et il y a ici un mystère qu'il ne nous est pas donné encore de pénétrer. Ce n'est qu'au dernier jour du monde, quand la pêche sera complète, que nous comprendrons quels sont ces cent cinquante-trois gros poissons. Ce nombre mystérieux signifie, sans doute, autant de fractions de la race humaine, amenées successivement à l'Evangile par l'apostolat ; mais les temps n'étant pas accomplis encore, le livre demeure scellé.

 

De retour sur le rivage, les Apôtres se réunissent à leur maître ; mais voici qu'ils trouvent un repas préparé pour eux : un pain, avec un poisson rôti sur des charbons. Quel est ce Poisson qu'ils n'ont pas péché eux-mêmes, qui est soumis à l’ardeur du feu, et qui va leur servir de nourriture au sortir de l'eau ? L'antiquité chrétienne nous explique ce nouveau mystère : le Poisson, c'est le Christ qui a été éprouvé par les cuisantes douleurs de sa Passion, dans lesquelles l'amour  l’a dévoré comme un feu ; il est devenu l'aliment divin de ceux qui ont été purifiés en traversant l'eau. Nous avons expliqué ailleurs comment les premiers chrétiens avaient fait un signe de reconnaissance du mot Poisson en langue grecque, parce que les lettres de ce mot reproduisent dans cette langue les initiales des noms du Rédempteur.

 

 Mais Jésus veut unir dans un même repas, et lui-même, le Poisson divin, et ces autres poissons de l'humanité que le filet de saint Pierre a tirés des eaux. Le festin de la Pâque a la vertu de fondre en une même substance, par l'Amour, le mets et les convives, l'Agneau de Dieu et les agneaux ses frères, le Poisson divin et ces autres poissons qu'il s'est unis dans une indissoluble fraternité.

 

Ayant à traverser les flots de la mer orageuse du siècle, montons avec confiance sur le bois de la croix ; et livrons les voiles de notre foi au souffle favorable de l'Esprit-Saint. Le Christ assiste sur le rivage : et il nous donne une vision de son Eglise pleine de gloire et sans tache, lorsque nous voyons celle-ci  remplir de grands poissons ces filets qui  ne  rompent  pas. Il  veut que le navire ne quitte pas le côté droit ; parce que, à ce moment, il voulait nous représenter les justes seuls sous cette figure.

 

 Suivons et aimons la vérité de cet admirable mystère, et tenons-nous attachés avec force au principe de l'unité. Que nul ne se jette dans les schismes coupables, que nul n'ait le malheur de rompre les mailles des filets du Seigneur, en ce moment où on les tire sur le rivage.

 

 Méritons d'être comptés parmi ces mystiques poissons, destinés à devenir la nourriture du Seigneur, qui a daigné nous tirer du plus profond des eaux ; et puis que nous sommes ses membres les plus chers , purifions-nous par le sacrifice du salut.

 

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

 

Résurrection par Léonard Limosin

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