Bref Pacis nuntius de S. S. Paul VI
PAUL VI, PAPE
En perpétuelle mémoire
Messager de paix, artisan d'union, maître die civilisation, et, avant tout, hérault de la religion du Christ et fondateur de la vie monastique en Occident, tels sont les titres qui justifient la glorification de saint Benoît, Abbé.
Alors que s'écroulait l'Empire romain désormais à son terme, que des régions de l'Europe s'enfonçaient dans les ténèbres et que d'autres ne connaissaient pas encore la civilisation et les valeurs spirituelles, ce fut lui qui, par son effort constant et assidu, fit se lever sur notre continent l'aurore d'une ère nouvelle. C'est lui principalement et ses fils qui, avec la croix, le livre et la charrue, apporteront le progrès chrétien aux populations s'étendant de la Méditerranée à la Scandinavie, de l'Irlande aux plaines de Pologne.
Avec la croix, c'est-à-dire avec la loi du Christ, il affermit et développa l'organisation de la vie publique et privée. Il convient de rappeler qu'il enseigna aux hommes la primauté du culte divin avec l'Opus Dei, c'est-à-dire la prière liturgique et assidue. C'est ainsi qu'il cimenta cette unité spirituelle de l'Europe grâce à laquelle des peuples de langues, de races et de cultures diverses prirent conscience de constituer l'insigne peuple de Dieu ; unité qui, grâce à l'effort constant de ces moines qui se mettaient à la suite d'un maître si remarquable, devint la caractéristique du Moyen Age. Cette unité, ainsi que l'affirme saint Augustin, est le modèle de toute beauté. Elle a malheureusement été brisée par les vicissitudes de l'histoire, et aujourd'hui, tous les hommes de bonne volonté travaillent à la rétablir.
Avec le livre, ensuite, c'est-à-dire avec la culture, au moment où le patrimoine humaniste allait se perdre, saint Benoît, en donnant à tant de monastères renommée et autorité, a sauvé avec une sollicitude providentielle la tradition classique des anciens en la transmettant intacte à la postérité et en restaurant le culte du savoir.
Et enfin avec la charrue, c'est-à-dire avec l'agriculture et d'autres initiatives analogues, il réussit à transformer des terres désertiques et incultes en champs très fertiles et en gracieux jardins. En unissant la prière au travail matériel, selon son mot fameux : Ora et labora, il ennoblit et éleva le travail de l'homme.
Aussi, Pie XII salua-t-il à juste titre, dans saint Benoît, le père de l'Europe pour avoir inspiré aux peuples de ce continent ce souci et cet amour de l'ordre et de la justice, comme base de la vraie vie sociale ; et Notre Prédécesseur désirait que Dieu, par les mérites de ce grand Saint, seconde les efforts de tous ceux qui s'efforcent d'établir les liens d'une véritable fraternité entre les nations européennes.
Jean XXIII, lui aussi, dans sa paternelle sollicitude, désirait vivement qu'il en soit ainsi.
Il est donc naturel que Nous aussi Nous donnions Notre plein assentiment à ce mouvement qui tend à réaliser l'unité de l'Europe. C'est pourquoi Nous avons accueilli volontiers les instances de nombreux cardinaux, archevêques, évêques, supérieurs généraux d'ordres religieux, recteurs d'universités et d'autres insignes représentants du laïcat des diverses nations européennes, demandant que saint Benoît soit déclaré patron de l'Europe. Et l'occasion de cette proclamation Nous a été donnée aujourd'hui avec la cérémonie de reconsécration à Dieu, en l'honneur de la Très Sainte Vierge et de saint Benoît, de ce temple du mont Cassin qui, détruit en 1944, durant le terrible conflit mondial, a été reconstruit par la ténacité de la piété chrétienne. Nous le faisons bien volontiers en répétant le geste de certains de Nos Prédécesseurs qui, au cours des siècles, voulurent procéder personnellement à la dédicace de ce centre de spiritualité monastique rendu fameux par le tombeau de saint Benoît.
Que ce Saint si insigne daigne donc exaucer nos vœux, et, de même qu'autrefois il parvint, avec la lumière de la civilisation chrétienne, à chasser les ténèbres et à faire rayonner le don de la paix, qu'ainsi maintenant il préside à toute la vie de l'Europe, et, par son intercession, la développe et l'accroisse toujours davantage.
C'est pourquoi, sur la proposition de la sacrée congrégation des Rites, après avoir mûrement réfléchi et de science certaine, en vertu de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, par le présent Bref et pour toujours, Nous constituons et proclamons saint Benoît, Abbé, patron principal de toute l'Europe, lui concédant tous les honneurs et privilèges liturgiques qui reviennent de droit aux patrons principaux. Nonobstant toute chose contraire.
C'est ce que Nous édictons et statuons par les présentes lettres qui doivent demeurer et rester toujours en vigueur, valides et avec tous leurs pouvoirs, ayant et gardant leurs effets pleins et entiers pour le bien présent et futur de tous ceux qu'elles concernent ou pourront concerner, et qu'ainsi il en soit jugé et défini selon les règles, devenant désormais vain et sans effet tout ce qui serait tenté sciemment ou non à l'encontre de ces lettres, par quelque autorité que ce soit.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, sous l'anneau du Pécheur, le 24 octobre de l'an 1964, second de Notre pontificat.
PAULUS PP. VI.