À Paris, en 576, saint Germain, évêque. D’abord abbé de Saint-Symphorien d’Autun, puis appelé au siège épiscopal de Paris, il
conserva son mode de vie monastique en exerçant avec fruit sa tâche de pasteur, charitable envers les pauvres et veillant à la fondation du monastère de la Sainte-Croix, où il fut enterré et qui
prit son nom, l'église et le monastère de Saint-Germain des Prés.
Martyrologe romain
L'église et le monastère de Saint-Germain des Prés remontent, comme l'église cathédrale de Notre-Dame dans la Cité, et comme l'église collégiale de Saint-Germain-l'Auxerrois sur la rive droite, aux plus anciennes époques de la monarchie mérovingienne, c'est-à-dire à Childebert Ier et à Ultrogothe, sa femme, qui régnèrent à Paris de 511 à 538.
Childebert, revenant d'une expédition contre les Wisigoths, rapporta d'Espagne comme trophées de sa victoire la tunique de saint Vincent, une croix d'or et de pierreries conquises à Tolède, et des vases qui passaient pour avoir appartenu à Salomon. Par le conseil de saint Germain, évêque de Paris, il construisit, pour recevoir et garder les saintes reliques, une église et un monastère à l'extrémité occidentale des jardins dépendant du palais des Thermes. Le jour même de la mort de Childebert, en 558, saint Germain dédia la nouvelle église sous le titre de Sainte-Croix et de Saint-Vincent, et il y fut lui-même inhumé lorsqu'il mourut en 596.
Bientôt l'abbaye de Saint-Vincent ne porta plus d'autre nom que celui de Saint Germain, et devint la sépulture des rois, des princes et des reines de la dynastie mérovingienne. L'abbaye demeura longtemps isolée sur le versant méridional du petit Pré aux Clercs ; les hautes murailles élevées autour du couvent en 1239 par Simon, abbé de Saint-Germain, devinrent en 1368 de véritables fortifications par ordre de Charles V, qui, en guerre avec les Anglais, craignait une surprise de leur part contre les faubourgs de Paris ; en même temps fut creusé un petit canal large de huit à onze toises et profond de cinq toises, qui mettait les fossés de l'abbaye en communication avec la Seine. Ce canal, appelé la petite Seine ou la Noue, et qui séparait le petit Pré aux Clercs du grand, comblé vers le milieu du XVIe siècle, devint ensuite la rue des Petits-Augustins, puis la rue Bonaparte.
A la même époque, l'enceinte de l'abbaye, qui s'étendait sur la rue de l'Échaudé à l'est, la rue Sainte-Marguerite (Gozlin) au midi, la rue Saint-Benoît à l'ouest, et la rue Jacob au nord, fut démantelée, et les terrains qu'elle circonscrivait se couvrirent rapidement de constructions privées. Deux des anciennes portes par lesquelles on y pénétrait, celles de Sainte-Marguerite et de Saint-Benoît, subsistaient encore au XIXe siècle ; elles ont été emportées, ainsi que les rues d'Erfurt, de Childebert et Sainte-Marthe, qui dessinaient une sorte de cloître autour de la place Saint-Germain des Prés, par le percement de la rue de Rennes.
Il ne reste de l'abbaye et de ses dépendances que des fragments épars ; enfin, l'église elle-même, privée des sépultures mérovingiennes qui, après avoir été violées et dispersées, se trouvent aujourd'hui réunies dans les caveaux de l'abbaye de Saint-Denis, a été cruellement mutilée. Trois fois brûlée et ruinée par les Normands, elle fut rebâtie aux frais du roi Robert dans les premières années du XIe siècle (1001 à 1014), quoiqu'elle n'eût été achevée que longtemps après. Le pape Alexandre III en fit la dédicace le 21 août 1163 ; elle demeure, dans ses parties les plus anciennes, plus âgée d'environ deux siècles que Notre-Dame de Paris.
Le plan de ce vénérable sanctuaire est une croix latine dont les croisillons ou transepts sont extrêmement courts relativement à la longueur de la nef, 21 mètres sur 65 ; sa hauteur est de 19 mètres. La nef, accompagnée de bas côtés, se partage dans sa longueur en cinq travées ; elle a été refaite, depuis l'abbé Morard, son premier constructeur, sous Robert II, d'abord en 1644, puis de 1820 à 1824, et restaurée encore une fois sous Napoléon III ; les chapiteaux qui soutiennent les arcs latéraux de la nef ont été refaits pour la plupart sur le modèle des anciens, qui sont conservés, au nombre de douze, dans la grande salle du palais des Thermes.
Le choeur a gardé intact le style du XIIe siècle, époque de transition, où le cintre et l'ogive se trouvent en présence. Au-dessus du choeur règne une galerie dont les baies sont supportées par des colonnes presque toutes en marbres rares et les autres en pierres ; leurs chapiteaux sont admirés des connaisseurs ; ils représentent le plus étrange fouillis de têtes humaines, de lions, de harpies, de branches de feuillages et d'oiseaux. La nef, entre le porche d'entrée et le transept, n'est éclairée que par les hautes fenêtres percées dans le mur du midi, tandis que la muraille du nord est pleine, les jours, s'il en exista jamais de ce côté, étant bouchés par l'une des ailes non démolies de l'ancien cloître, qui s'applique exactement au côté gauche de l'église.
A l'intérieur de Saint-Germain des Prés, on voit, dans une chapelle de gauche le tombeau du roi de Pologne Jean-Casimir Sobieski, mort abbé de Saint-Germain des Prés en 1672 ; dans une chapelle de droite le tombeau d'Olivier et Louis de Castellan, tués au service de Louis XIV ; un peu plus loin, la chapelle des Douglas, princes d'Écosse. Une double plaque de marbre noir, érigée en 1819 par les soins de l'Académie française, renferme les épitaphes de Boileau, de Descartes, du P. Mabillon et du P. Montfaucon, dont les restes, recueillis par Alexandre Lenoir au Musée des Petits-Augustins, furent déposés à Saint-Germain des Prés après la suppression du musée.
Au cours de sa dernière restauration, l'église entière, depuis la voûte jusqu'aux murailles, a été peinte de diverses couleurs, sous la direction de l'architecte Baltard ; cette décoration polychrome s'applique même aux colonnes, dont les chapiteaux sont dorés. Tout autour du chœur et de la nef, Hippolyte Flandrin, le plus célèbre des élèves d'Ingres, a peint à la cire une suite de compositions tirées de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Cet artiste distingué, et pénétré de la foi chrétienne qui guidait ses pinceaux, mourut en 1864 avant d'avoir complété son oeuvre en peignant les croisillons du transept ; Alexandre Hesse et Sébastien Cornu ont achevé cette partie de la décoration générale. Un monument en marbre blanc, exécuté par le sculpteur Oudiné, surmonté du buste d'Hippolyte Flandrin, a été érigé par ses admirateurs et ses amis dans le bas côté septentrional, qui n'a ni fenêtres ni chapelles.
Saint-Germain des Prés ne possède plus un seul vitrail ancien ; les fenêtres sont garnies de verres légèrement teintés qui n'arrêtent pas la lumière ambiante. C'est une surprise toujours nouvelle, pour les visiteurs habitués à voir les vitraux des églises catholiques réfléchir les rayons colorés sur des murailles blanches et nues, d'apercevoir l'effet inverse dans l'église de Saint-Germain des Prés, où les fenêtres versent la lumière blanche sur des murailles colorées.
A l'extérieur, la vieille église s'annonce par un porche mesquin, construit au XVIIe siècle et surmonté d'une grosse tour carrée ; à son plus haut étage, deux baies cintrées du XIIe siècle, accompagnées de colonnes, s'ouvrent sur chacune de ses quatre faces et laissent échapper les vibrations de ses cloches sonores ; terminée par une haute flèche couverte en ardoises, la tour de Saint-Germain des Prés, avec ses arceaux romans, domine majestueusement cette région de Paris, qui est née et s'est développée sous son ombre. Un souvenir curieux s'y rattache : le 2 novembre 1589, Henri IV, assiégeant Paris, monta au sommet de la tour, accompagné d'un seul religieux, pour examiner la situation de la ville ; il fit ensuite le tour du cloître sans entrer dans l'église, et se retira sans dire un mot.
Dans les angles du choeur et du transept, on aperçoit à droite, du côté du boulevard Saint-Germain, et à gauche, du côté de la rue de l'Abbaye, deux masses carrées, s'arrêtant à la naissance de la voûte : c'est la base des deux autres tours, qui donnaient une physionomie originale à Saint Germain des Prés et l'avaient fait surnommer l'église aux trois clochers ; elles ont été détruites en 1822, sous Louis XVIII, "par économie", afin d'épargner les frais de leur restauration ; et si on les a laissées subsister dans leur partie inférieure, c'est qu'elles ont paru nécessaires comme appui de l'église.
Le côté nord de celle-ci est isolé par une rue dite de l'Abbaye, ouverte en l'an VIII à travers le magnifique cloître dont il ne subsiste plus que l'aile droite, appuyée à l'aile gauche de l'église. Au bout de la rue de l'Abbaye, derrière le choeur de l'église, s'élève le palais abbatial construit vers 1586 par le cardinal de Bourbon. On admire son imposante façade, en briques et pierres, décorée de refends, de pilastres et de frontons ; au sommet du pavillon de gauche, une femme assise tient un écusson aux armes du fondateur.
Le palais abbatial est habité depuis longtemps par l'industrie privée. Au droit du palais abbatial, une courte et large rue descend de la rue de l'Abbaye à la rue Jacob. Ouverte en 1699, elle porte le nom du cardinal de Furstenberg, qui fut abbé de Saint-Germain des Prés. Elle était encadrée originairement par les communs du palais ; la grande maison n° 6 en conserve la livrée architecturale, briques et pierres. Habitée par des artistes, et renfermant des ateliers spacieux, elle a vu mourir le grand peintre Eugène Delacroix (aujourd'hui -2011- musée Eugène Delacroix).
L'aile occidentale du cloître renfermait la bibliothèque de Saint-Germain des Prés, la plus considérable de Paris en ce temps-là, et qui était ouverte au public ; commencée par le P. du Breul, l'historien des Antiquités de Paris, elle avait reçu par dons testamentaires les bibliothèques du médecin Noël Vaillant, de l'abbé Baudran, de l'abbé Jean d'Estrées, de l'abbé Renaudot, du chancelier Séguier, du cardinal de Gesvres, du conseiller d'État de Harlay, et de M. de Coislin ; ensemble cent mille volumes imprimés et vingt mille manuscrits, qui ont été versés à la Bibliothèque nationale.
De l'autre côté du palais abbatial, en marge du boulevard Saint-Germain, sur la face occidentale de la place Gozlin, s'élevait la prison de l'Abbaye, témoin des massacres du 2 septembre 1792 ; avant la Révolution, elle était particulièrement affectée aux gardes françaises ; plus lard, elle reprit cette destination, généralisée aux soldats de toutes armes, jusqu'à l'époque où les anciens bâtiments du couvent du Bon-Pasteur, rue du Cherche-Midi, furent convertis en prison militaire. Devant la prison de l'Abbaye s'élevait le pilori, signe visible de la justice seigneuriale qui appartenait aux abbés sur tout le bourg Saint-Germain ; et devant le pilori s'ouvrait la rue de la Foire, devenue rue de Bissi, aujourd'hui rue Montfaucon.
La rue de Bissi semblait continuer la rue de Buci, de l'autre côté du boulevard Saint-Germain actuel, de là des confusions fréquentes. Au XVe siècle, la foire Saint-Germain tenait directement au petit jardin du presbytère de l'église Saint-Sulpice ; le marché en est aujourd'hui séparé par la rue Saint-Sulpice, ouverte dans sa partie orientale par le cardinal abbé de Bourbon dont elle porta longtemps le nom, tandis que la partie occidentale débouchant sur la place Saint-Sulpice s'appela rue de l'Aveugle, puis des Aveugles, en souvenir d'un riche aveugle qui possédait en 1595 plusieurs maisons en bordure de l'église, et que celle-ci racheta plus tard à ses héritiers.
Henri Gourdon De Genouillac, Paris à travers les siècles, Histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, 1879, Paris