SAINT MARC, ÉVANGÉLISTE

SAINT MARC ÉVANGÉLISTE par Ghirlandaio

 

Le Lion évangélique qui assiste devant le trône de Dieu, avec l'Homme, le Taureau et l'Aigle, se montre aujourd'hui sur le Cycle. Ce jour a vu Marc s'élancer de la terre au ciel, le front ceint de la triple auréole de l'Evangéliste, de l'Apôtre et du Martyr.

 

 De même que les quatre grands Prophètes, Isaïe. Jérémie, Ezéchiel et Daniel, résument en eux la prédiction en Israël ; ainsi Dieu voulait que la nouvelle Alliance reposât sur quatre textes augustes, destinés à révéler au monde la vie et la doctrine de son Fils incarné. Les quatre Evangiles, nous disent les anciens Pères, sont les quatre fleuves qui arrosaient le jardin des délices, et ce jardin était la figure de l'Eglise à venir. Le premier des quatre oracles de la nouvelle Alliance est Matthieu, qui avant tout autre initia les hommes a la vie et à la doctrine de Jésus : nous verrons poindre son astre en septembre ; le second est Marc, qui nous illumine aujourd'hui ; le troisième est Luc, dont nous attendrons le lever jusqu'en octobre ; le quatrième est Jean, que nous avons connu près de la crèche de l'Emmanuel en Bethléhem. Arrêtons-nous à contempler les grandeurs du second.

 

 Marc est le disciple chéri de Pierre, le brillant satellite du Soleil de l'Eglise. Son Evangile a été écrit à Rome, sous les yeux du Prince des Apôtres. Le récit de Matthieu avait déjà cours dans l'Eglise ; mais les fidèles de Rome désiraient y joindre la narration personnelle de leur Apôtre. Pierre ne consent pas à écrire lui-même ; il engage son disciple à prendre la plume, et l'Esprit-Saint conduit la main du nouvel Evangéliste. Marc s'attache à la narration de Matthieu ; il l'abrège, mais en même temps il la complète. Un mot, un trait de développement, viennent attester à chaque page que Pierre, témoin et auditeur de tout, a suivi de près le travail de son disciple. Mais le nouvel Evangéliste passera-t-il sous silence ou cherchera-t-il à atténuer la faute de son maître ? Loin de là ; l'Evangile de Marc sera plus dur que celui de Matthieu dans le récit du reniement de Pierre. On sent que les larmes amères provoquées par le regard de Jésus dans la maison de Caïphe, n'ont pas encore cessé de couler. Le travail de Marc étant terminé, Pierre le reconnut et l'approuva, les Eglises accueillirent avec transport ce second récit des mystères du salut du monde, et le nom de Marc devint célèbre par toute la terre.

 

 Matthieu, qui ouvre son Evangile par la généalogie humaine du Fils de Dieu, avait réalisé le type céleste de l'Homme ; Marc remplit celui du Lion ; car il débute par le récit de la prédication de Jean-Baptiste, rappelant que le rôle de ce Précurseur du Messie avait été annoncé par Isaïe, quand il avait parlé de la Voix de celui qui crie dans le désert ; voix du lion qui ébranle les solitudes par ses rugissements.

 

 La carrière d'Apôtre s'ouvrit devant Marc lorsqu'il eut écrit son Evangile. Pierre le dirigea d'abord sur Aquilée, où il fonda une insigne Eglise ; mais c'était trop peu pour un Evangéliste.

 

 Le moment était venu où l'Egypte, la mère de toutes les erreurs, devait recevoir la vérité, où la superbe et tumultueuse Alexandrie allait voir s'élever dans ses murs la seconde Eglise de la chrétienté, le second siège de Pierre. Marc fut destiné par son maître à ce grand œuvre. Par sa prédication, la doctrine du salut germa, fleurit et produisit le bon grain sur cette terre la plus infidèle de toutes ; et l'autorité de Pierre se dessina dès lors, quoique à des degrés différents, dans les trois grandes cités de l'Empire : Rome, Alexandrie et Antioche.

 

 Sous l'inspiration de Marc, la vie monastique préluda à ses saintes destinées, dans Alexandrie même, par l'institution chrétienne des Thérapeutes. L'intelligence de la vérité révélée prépara de bonne heure, dans ce grand centre des études humaines, les éléments de la brillante école chrétienne qui commença d'y fleurir dès le second siècle. Tels furent les effets de l'influence du disciple de Pierre dans la seconde Eglise du monde.

 

 Mais la gloire de Marc fût restée incomplète, si l'auréole du martyre ne fût pas venue la couronner. Les succès de la prédication du saint Evangéliste ameutèrent contre lui les fureurs de l'antique superstition égyptienne. Dans une fête de Sérapis, Marc fut maltraité par les idolâtres, et on le jeta dans un cachot. Ce fut là que le Seigneur ressuscité, dont il avait raconté la vie et les œuvres divines, lui apparut la nuit, et lui dit ces paroles célèbres qui sont la devise de l'antique république de Venise : "Paix soit avec toi, Marc,  mon Evangéliste !" A quoi le disciple ému répondit : "Seigneur !" Sa joie et son amour ne trouvèrent pas d'autres paroles. Ainsi Madeleine, au matin de Pâques, avait gardé le silence après ce cri du cœur : "Cher Maître !" Le lendemain, Marc fut immolé par les païens ; mais il avait rempli sa mission sur la terre, et le ciel s'ouvrait au Lion, qui allait occuper au pied du trône de l'Ancien des jours la place d'honneur où le Prophète de Pathmos le contempla dans sublime vision.

 

 Au IXe siècle, l'Eglise d'Occident s'enrichit de la dépouille mortelle de Marc. Ses restes sacrés fuient transportés à Venise, et sous les auspices du Lion évangélique commencèrent pour cette ville les glorieuses destinées qui ont duré mille ans. La foi en un si grand patron opéra des merveilles dans ces îlots et ces lagunes d'où s'éleva bientôt une cité aussi puissante que magnifique. L'art byzantin construisit l'imposante et somptueuse Eglise qui fut le palladium de la reine des mers, et la nouvelle république frappa ses monnaies à l'effigie du Lion de saint Marc : heureuse si, plus filiale envers Rome et plus sévère dans ses mœurs, elle n'eût jamais perdu de sa gravité antique, ni de la foi de ses plus beaux siècles !

 

 

L'Eglise grecque, dans ses Ménées, célèbre le saint Evangéliste par de nombreuses strophes, entre lesquelles nous choisissons les suivantes :

Célébrons, ô fidèles, par de dignes louanges l’écrivain sacré, le grand patron de l'Egypte, et disons : Ô Marc rempli de sagesse, par ton enseignement et tes prières conduis-nous tous, comme un Apôtre, à cette vie tranquille qui ne connaît plus les tempêtes.

 

Tu fus d'abord le compagnon des voyages de celui qui est le Vase d'élection, et avec lui tu parcourus toute la Macédoine ; venu ensuite à Rome, tu apparus en cette ville comme l'interprète de Pierre, et après de dignes combats soutenus pour Dieu, l'Egypte fut le lieu de ton repos.

 

Tu rendis la vie aux âmes brûlées de soif, en faisant tomber sur elles la blanche neige de ton Evangile ; c'est pour cela, divin Marc, que Alexandrie célèbre aujourd'hui ta fête avec nous par des chants magnifiques, et s'incline avec respect devant tes reliques.

 

Heureux Marc, tu t'es désaltéré au torrent des délices célestes, et tu as jailli du Paradis comme un fleuve de paix dont les eaux sont éclatantes de lumière, arrosant la face de la terre par les ruisseaux de ta prédication évangélique, versant les flots de ta doctrine divine sur les plantations de l'Eglise.

 

Si Moïse autrefois engloutit les Egyptiens dans les abîmes de la mer, c'est toi, ô Marc digne de toute louange, qui par la sagesse de tes enseignements les as retirés du gouffre de l'erreur, étant assisté du divin pouvoir de celui qui a daigné être pèlerin dans ce pays, et a détruit dans la Force de son bras les idoles que la main de l'homme avait faites.

 

Ô divin Marc, tu as été la plume de l'écrivain sage et rapide, en racontant d'une façon merveilleuse l'incarnation du Christ, et annonçant dans un splendide langage les paroles de l'éternelle vie qui sont rapportées dans ton livre ; adresse au Seigneur tes prières en faveur de ceux qui célèbrent et honorent ta glorieuse mémoire.

 

Ô Marc digne de louange, par ton Evangile tu as parcouru la terre entière ; elle était couverte des ténèbres de l'idolâtrie ; tu l'as éclairée comme un soleil des rayons de la foi : prie Dieu maintenant qu'il daigne octroyer à nos âmes la paix et sa grande miséricorde.

 

Apôtre Marc, tu as accompli ta prédication dans la région où régna tout d'abord la folie de l'impiété ; messager de Dieu, l'éclat de tes paroles dissipa les ombres de l'Egypte ; demande aujourd nui à Dieu qu'il nous donne la paix et sa grande miséricorde.

 

Disciple de Pierre, qui fut maître de la sagesse, honoré de son adoption, Marc, digne de toute louange, tu es devenu l'interprète des mystères du Christ et le cohéritier de sa gloire.

 

Ta voix a retenti par toute la terre ; la vertu de tes paroles, comme la trompette de David, a résonné jusqu'aux confins du monde, nous annonçant le salut et une nouvelle naissance.

 

Tes paroles ont été comme de doux ruisseaux de piété, et toi tu as été comme la montagne divine d'où ils émanent, toute rayonnante des feux du Soleil spirituel de la grâce, ô Marc très heureux !

 

Tu as jailli de la maison du Seigneur comme une source, et tu as arrosé les âmes altérées des eaux abondantes de l'Esprit-Saint, faisant produire à leur stérilité des fruits abondants, ô bienheureux Apôtre !

 

Pierre, le prince des Apôtres, t'a initié à sa merveilleuse doctrine ; il t'a chargé d'écrire l'Evangile sacré, et t'a désigné comme le ministre de la grâce ; alors tu as fait briller à nos yeux la lumière qui fait connaître Dieu.

 

La grâce de l'Esprit-Saint étant descendue sur toi. Apôtre, tu as anéanti les subtilités de l'éloquence humaine, et semblable à un pécheur, tu as entraîné au Seigneur dans ton filet toutes les nations, ô Marc digne de tout éloge, prédicateur du divin Evangile.

 

Tu as été le digne disciple du Prince des Apôtres ; comme lui tu as proclame-le Christ Fils de Dieu ; tu as établi sur la Pierre de vérité ceux qui flottaient au vent de l'erreur. Etablis-moi aussi sur cette Pierre, ô Marc plein de sagesse ; dirige les pas de mon âme, afin que j'échappe aux pièges de l'ennemi, et que je puisse te glorifier sans obstacles, ô toi qui as répandu la lumière sur tous les hommes en leur adressant l'Evangile divin.

 

 

SAINT MARC par Fra Angelico

 

Vous êtes, ô Marc, le Lion mystérieux attelé avec l'Homme, le Taureau et l'Aigle, au char sur lequel le Roi des rois s'avance à la conquête du monde. Dès l'ancienne Alliance, Ezéchiel vous vit dans le ciel, et Jean, le Prophète de la Loi nouvelle, vous a reconnu près du trône de Jehovah. Quelle gloire est la vôtre ! Historien du Verbe fait chair, vous racontez à toutes les générations ses titres à l'amour et à l'adoration des hommes ; l'Eglise s'incline devant vos récits, et les proclame inspirés par l'Esprit-Saint.

 

Nous vous avons entendu au jour même de la Pâque nous raconter la résurrection de notre Sauveur ; faites, ô saint Evangéliste, que ce divin mystère produise en nous tous ses fruits ; que notre cœur, comme le vôtre, s'attache au divin Ressuscité, afin que nous le suivions partout dans cette vie nouvelle qu'il nous a ouverte en ressuscitant le premier. Demandez-lui qu'il daigne nous donner sa paix, comme il l'a donnée à ses Apôtres en leur apparaissant dans le Cénacle, comme il vous la donna à vous-même dans la prison.

 

Glorieux Marc, vous fûtes le disciple chéri de Pierre ; Rome s'honore de vous avoir possédé dans ses murs ; priez aujourd'hui pour le successeur de Pierre votre maître, pour l'Eglise Romaine battue par la tempête.

 

Lion évangélique, implorez le Lion de la tribu de Juda en faveur de son peuple ; réveillez-le de son sommeil ; priez-le de se lever dans sa force : par son seul aspect, il dissipera tous les ennemis.

 

Apôtre de l'Egypte, qu'est devenue votre florissante Eglise d'Alexandrie, le second siège de Pierre, empourpré de votre sang ? Les ruines mêmes ont péri. Le vent brûlant de l'hérésie avait désolé l'Egypte, et Dieu dans sa colère déchaîna sur elle, il y a douze siècles, le torrent de l'islamisme. Ces contrées doivent-elles renoncer pour jamais à voir briller de nouveau le flambeau de la foi, jusqu'à l'arrivée du Juge des vivants et des morts ? Nous l'ignorons : mais au milieu des événements qui se succèdent, nous osons vous prier, ô Marc, d'intercéder pour ces régions que vous avez évangélisées, et où les âmes sont aussi dévastées que le sol.

 

Vous vous souviendrez aussi de Venise, ô Marc ! Sa couronne est tombée, peut-être sans retour ; mais là vit encore ce peuple dont les ancêtres se donnèrent à vous. Conservez la foi dans son sein ; faites qu'il prospère, qu'il se releve de ses épreuves, qu'il rende gloire à Dieu qui l'a châtié dans sa justice. Toute nation qui s'unit à l'Eglise sera bénie : que Venise revienne aux traditions de son antique fidélité à Rome ; et qui sait si le Seigneur, fléchi par vos instances, ô céleste protecteur, ne rouvrira pas pour elle le cours de ces nobles destinées qui ne s'arrêtèrent qu'au jour où, devenue infidèle à tout son passé, elle s'éleva contre sa mère, et oublia les palmes glorieuses de Lépante ?

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
 

 

View of the Bacino di San Marco

Vue du Canal Saint Marc de Venise par Canaletto

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article