Une troisième Vierge romaine, le front ceint de la couronne du martyre, vient partager les honneurs d'Agnès et
d'Emérentienne, et offrir sa palme à l'Agneau. C'est Martine, dont le nom rappelle le dieu païen qui présidait aux combats, et dont le corps glorieux repose au pied du mont Capitolin, dans un
ancien temple de Mars, devenu aujourd'hui la somptueuse Eglise de Sainte-Martine.
Chiesa dei Santi Luca e Martina-Roma
Le désir de se rendre digne de l'Epoux divin que son cœur avait choisi l'a rendue forte contre les tourments et la mort, et sa blanche robe a été aussi lavée dans son sang. L'Emmanuel est le Dieu
fort, puissant dans les combats, mais comme le faux dieu Mars, il n'a pas besoin de fer pour vaincre. La douceur, la patience, l'innocence d'une vierge lui suffisent pour terrasser ses ennemis ;
et Martine a vaincu d'une victoire plus durable que les plus grands capitaines de Rome.
Martine, Vierge romaine, de naissance illustre, était fille d'un père consulaire. Dès ses plus tendres années, elle perdit ses parents, et embrasée du feu de la piété chrétienne, elle distribua
aux pauvres, avec une admirable libéralité, les richesses abondantes dont elle jouissait.
Sous l'empire d'Alexandre Sévère, on lui ordonna d'adorer les faux dieux ; mais elle repoussa ce crime horrible avec une noble liberté. C'est pourquoi on la frappa de verges à plusieurs reprises,
on la déchira avec des crocs, des ongles de fer, des têts de pots cassés, on lui lacéra tous les membres avec des couteaux aigus ; puis elle fut enduite de graisse bouillante, enfin condamnée aux
bêtes de l'amphithéâtre. Mais ayant été miraculeusement protégée contre elles, on la jeta sur un bûcher ardent, d'où elle sortit saine et sauve par un nouveau
prodige. Quelques-uns de ses bourreaux, frappés de la nouveauté de ce miracle, et touchés de la
grâce de Dieu, embrassèrent la foi de Jésus-Christ ; et, après plusieurs tourments, ils eurent la tête tranchée, et méritèrent ainsi la palme glorieuse du martyre.
Aux prières de la Sainte, il y eut des tremblements de terre ; des feux tombèrent du ciel au milieu des tonnerres, renversèrent les temples des faux dieux, et consumèrent leurs statues. Tantôt
l'on voyait couler de ses blessures du lait avec du sang, et de son corps s'échappait une très brillante splendeur et une odeur très suave ; tantôt elle semblait élevée sur un trône royal,
chantant les louanges de Dieu avec les Saints.
Eglise de Saint Luc et Sainte Martine à Rome bâtie sur les ruines du
paganisme
Ces merveilles, et surtout la fermeté de la Vierge, exaspérèrent le juge, qui ordonna de lui trancher la tête. Aussitôt après, l'on entendit une voix d'en haut qui appelait au ciel la Vierge ;
toute la ville trembla, et plusieurs adorateurs des idoles se convertirent à la foi de Jésus-Christ.
Martine souffrit sous le Pontificat de saint Urbain Ier ; et sous celui d'Urbain VIII, on trouva son corps dans une antique église, avec ceux des saints martyrs Concordius, Epiphane et leurs
compagnons, près de la prison Mamertine, sur le penchant du mont Capitolin. On disposa cette église dans une forme plus digne, on la décora convenablement, et on y déposa le corps de la Sainte,
avec une pompe solennelle, en présence d'un grand concours de peuple, et aux cris de joie de la ville entière.
San Luca et Santa Martina située à côté du Forum romain, vue du Capitole
Demandez pour nous, ô Martine, à l'Agneau votre Epoux, la force nécessaire pour enlever de
notre cœur les idoles auxquelles il pourrait encore être tenté de sacrifier. Dans les attaques que les ennemis de notre salut dirigent contre nous, prêtez-nous l'appui de votre bras. Il a ébranlé
les idoles au sein même de Rome païenne ; il ne sera pas moins puissant contre le monde qui cherche à nous envahir. Pour prix de vos victoires, vous brillez auprès du berceau de notre Rédempteur
; si, comme vous, nous savons combattre et vaincre, ce Dieu fort daignera nous accueillir aussi. Il est venu pour soumettre nos ennemis ; mais il exige que nous prenions part à la lutte.
Fortifiez-nous, ô Martine, afin que nous ne reculions jamais, et que notre confiance en Dieu soit toujours accompagnée de la défiance de nous-mêmes.
DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
Santa Martina di Pietro da Cortona