Parole du Seigneur : Crie à pleine gorge ! Ne te retiens pas ! Que ta
voix résonne comme le cor ! Dénonce à mon peuple ses fautes, à la maison de Jacob ses péchés. Ils viennent me consulter jour après jour, ils veulent connaître mes chemins. Comme une nation qui
pratiquerait la justice et n'abandonnerait pas la loi de son Dieu, ils me demandent de leur faire justice, ils voudraient que Dieu se rapproche.
" Pourquoi jeûner si tu ne le vois pas ? pourquoi nous mortifier si tu l'ignores ?"
Oui, mais le jour où vous jeûnez, vous savez bien trouver votre intérêt, et vous traitez durement ceux qui peinent pour vous. Votre jeûne se passe en disputes et querelles, en coups de poings
sauvages. Ce n'est pas en jeûnant comme vous le faites aujourd'hui que vous ferez entendre là-haut votre voix.
Est-ce là le jeûne qui me plaît ? Est-ce là votre jour de pénitence ? Courber la tête comme un roseau, coucher sur le sac et la cendre, appelles-tu cela un jeûne, un jour bien accueilli par le
Seigneur ?
Quel est donc le jeûne qui me plaît ?
N'est-ce pas faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ?
N'est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi le malheureux sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ?
Alors ta lumière jaillira comme l'aurore, et tes forces reviendront rapidement. Ta justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t'accompagnera.
Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : "Me voici."
Livre d'Isaïe
Isaïe par Duccio di
Buoninsegna
Les dispositions dans lesquelles le jeûne doit être accompli, tel est l'objet de la lecture que nous venons de faire dans le prophète Isaïe. C'est le Seigneur lui-même qui
parle, le Seigneur qui lui-même avait prescrit le jeûne à son peuple. Il déclare que le jeûne des aliments matériels n'est rien à ses yeux, si ceux qui s'y livrent n'arrêtent pas enfin le cours
de leurs iniquités.
Dieu exige le sacrifice du corps ; mais il ne peut l'accepter, si celui de l'âme n'est pas offert en même temps. Le Dieu vivant ne peut consentir à être traité comme les dieux de bois et de
pierre qu'adoraient les Gentils. Des hommages purement extérieurs étaient tout ce qu'il leur fallait ; car ces dieux étaient aveugles et insensibles.
Que l'hérétique cesse donc de reprocher à l'Eglise ses pratiques qu'il ose traiter de matérielles ; c'est lui-même qui, en voulant affranchir le corps de tout joug, s'est précipité dans
la matière.
Les enfants de l'Eglise jeûnent, parce que les saintes Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testament recommandent le jeûne à chaque page, parce que Jésus-Christ lui-même a jeûné quarante jours ;
mais ils n'estiment cette pratique qui leur est imposée de si haut, qu'autant qu'elle est relevée et complétée par l'hommage d'un cœur qui a résolu de réformer ses penchants vicieux. Il ne serait
pas juste, en effet, que le corps, qui n'est devenu coupable que par la perversité de l'âme, fût
dans la souffrance, tandis que celle-ci continuerait le cours de ses mauvaises œuvres.
De même aussi, ceux que la faiblesse de leur santé empêche de se soumettre , en ce saint temps, aux satisfactions qui pèsent sur le corps, ne sont point dégagés de l'obligation d'imposer à leur
âme ce jeûne spirituel qui consiste dans l'amendement de la vie, dans la fuite de tout ce qui est mal, dans la recherche de toute sorte de bonnes œuvres.
DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique