Je me remémore ces coïncidences qui existent entre certaines des Apparitions à Bernadette et certaines fêtes, et certains offices et je songe que ces rapprochements qu’Elle voulut attestent, une fois de plus, l’importance, dans le plan divin, de cette Liturgie si dédaignée et qui est pourtant la moelle de l’Église même.
Ainsi, la première fois où Elle se manifesta, en un halo de lumière, dans la grotte, c’était le jeudi 11 février 1858. Or, ce jour-là, l’on célébrait dans le diocèse de Tarbes la fête de la patronne des bergères. Lourdes avait dit, par conséquent, le matin, la messe et récité l’office de sainte Geneviève, également patronne de Paris, de ce Paris d’où Notre-Dame était venue pour se fixer à Lourdes.
Le choix de cette festivité à partir de laquelle la Vierge conversa pendant dix-huit jours, à divers intervalles, avec la fille de Soubirous, n’est-il pas significatif ? outre qu’il implique un souvenir affectueux pour la capitale et pour son sanctuaire de Notre-Dame des Victoires, il confirme encore la prédilection du Christ et de sa Mère pour les êtres restés les plus près de la terre, pour les gens de la campagne qui ont conservé, loin des centres civilisés, la profession biblique des patriarches, pour ces pâtres et ces bergerettes dont Bernadette faisait partie.
L’on peut même noter, à cette occasion, que les deux personnages du dix-neuvième siècle, les plus connus pour leur sainteté, le Bienheureux curé d’Ars, et Don Bosco, le fondateur des Salésiens, ont, eux aussi, gardé les troupeaux dans leur enfance.
A consulter l’Ordo de l’année 1858, du diocèse de Tarbes, l’on découvre encore d’autres coïncidences qui valent d’être signalées.
Par exemple : la première fois que la Vierge enjoignit de prier pour les pécheurs, c’était le dimanche de la Quadragésime et la messe de ce premier dimanche de Carême ne cesse, dans ses Collectes, de demander pardon à Dieu de nos péchés et nous invite, par la voix de l’Évangéliste, à expier, à force de macérations corporelles, l’abus toujours grandissant de nos fautes et à résister, comme le fit le Christ, dans le désert, aux assauts diaboliques et aux tentations sans cesse renouvelées de nos sens.
Le mercredi suivant où Elle s’écria, par trois fois Pénitence ! et le vendredi de la même semaine où Elle prescrivit à Bernadette de baiser la terre, étaient le mercredi et le vendredi des Quatre-Temps, plus particulièrement voués à l’exercice de la pénitence. Ce sont, en effet, jours d’abstinence, de jeûne, d’humiliation et l’Église prend soin de le notifier, après les Postcommunions de ses messes, alors que le prêtre adresse cet avis aux fidèles : Courbez, humiliez vos têtes !
Toutes ces recommandations de Notre-Dame concordent donc avec le caractère de la férie du Propre ; Elle ne fait que répéter, en les soulignant, les avertissements de l’office du jour.
De plus, à la fin des messes célébrées le lendemain de ce jeudi, 25 février, où Elle désigna l’emplacement de la source dans la Grotte, on lut l’Évangile selon saint Jean, relatant l’histoire de ce paralytique qui attendait un baigneur, afin de pouvoir descendre et guérir dans la piscine probatique que remuait un ange.
C’était, en effet, l’Évangile du vendredi des QuatreTemps dont la férie était remplacée dans le diocèse de Tarbes par la fête adventice de la Lance et des Clous.
Ce rappel, à travers les âges, de cette source de Béthsaïde qui semble la préfigure de celle de Lourdes, n’était-il pas, comme une promesse de ces miracles que la Vierge préparait, mais dont elle n’avait soufflé mot à Bernadette ?
Et cependant je ne puis m’empêcher de songer à ce propos, que Jésus n’aida pas le jeune homme à se plonger dans la piscine, mais qu’il lui dit simplement : "Lève-toi, prends ton lit et va-t’en !" préludant ainsi aux guérisons, sans le secours de l’eau, ainsi qu’Il en opère tant maintenant, ici !
Nous pouvons observer encore que, malgré toutes les instances de Bernadette, la Vierge ne lui révéla qu’elle était l’Immaculée Conception que le jour même où se célébrait, dans la chrétienté, la fête de l’Annonciation. Il n’est pas besoin d’insister sur le rapprochement qui se peut établir entre l’origine immaculée de la Mère et la Conception immaculée du Fils. Bien que ces deux panégyries catholiques ne se touchent pas dans le calendrier de l’Église, pour une fois, franchissant le mois qui les sépare, elles se sont, à la voix de Marie, juxtaposées dans la grotte de Lourdes.
Enfin la dernière apparition à Bernadette eut lieu, le vendredi 16 juillet, fête de Notre-Dame du Mont Carmel, vénérée jadis dans cette ville où un autel surmonté d’un vieux retable lui était dédié dans l’ancienne église.
Elle est partie, le jour d’une de ces festivités où la liturgie exprime, en son nom, les plus doux appels, les plus
tendres assurances. Voyez l’Êpître de sa messe : "Venez à moi, vous tous qui me désirez avec ardeur et remplissez-vous des fruits que je porte... celui qui m’écoutera ne sera point confondu
et ceux qui agissent par moi ne pécheront point ... Ceux qui me font connaître auront la vie éternelle ..."
Les Foules de
Lourdes Chapitre XIII
J.-K. HUYSMANS