L’Exaltation de la Sainte Croix célébrée à l’autel du Calvaire au Saint-Sépulcre à Jérusalem
le Dimanche 14 septembre 2008
" Par vous la Croix sainte est honorée et adorée dans toute la terre." Ainsi, au lendemain du jour où fut
vengée à Ephèse la divine maternité, Cyrille d'Alexandrie saluait Notre-Dame. L'éternelle Sagesse a voulu que l'Octave de la naissance de Marie n'eût pas de plus bel ornement que celui qu'elle
reçoit aujourd'hui de cette fête du triomphe de la Croix. C'est qu'en effet, la Croix est l'étendard de ces milices de Dieu dont Marie est la Reine ; c'est par la Croix qu'elle brise la tête du
serpent maudit, et remporte contre l'erreur et les ennemis du nom chrétien tant de victoires.
Tu vaincras par ce signe. Les siècles où Satan avait eu loisir d'essayer contre l'Eglise l'épreuve des tortures, touchaient à leur fin ; par l'édit de Sardique rendant aux chrétiens la liberté,
Galère mourant venait d'avouer l'impuissance de l'enfer. Au Christ maintenant de prendre l'offensive ; à sa Croix de revendiquer l'empire.
L'année 311 incline vers son terme. Au pied des Alpes, une armée romaine s'apprête à passer des Gaules en Italie ; provoqué par Maxence, son rival politique, Constantin qui la commande ne songe
qu'à venger son injure. Mais ses soldats, sans le savoir plus que leur chef, sont d'ores et déjà dévolus au vrai Dieu des batailles : le Fils du Très-Haut, devenu comme homme au sein de Marie Roi de ce monde, va se révéler à son premier lieutenant et du même coup montrer à sa
première armée l'étendard qui doit la guider à l'ennemi. Au-dessus des légions, dans un ciel sans nuage, la Croix proscrite trois siècles a soudain resplendi ; les yeux de tous la voient, faisant
du soleil qui penche vers l'horizon son piédestal, avec ces mots en traits de feu qui l'entourent : IN HOC VINCE, Par cela sois vainqueur !
Quelques mois plus tard, 27 octobre 312, du haut des sept collines tous les faux dieux dans la stupeur contemplaient, débouchant sur la voie Flaminienne, au delà du pont Milvius, le labarum au
monogramme sacré devenu l'enseigne des armées de l'empire, en attendant la décisive bataille qui, le lendemain, ouvrait au Christ seul Dieu, à jamais Roi, les portes de la Ville
éternelle.
" Salut, ô Croix, redoutable aux ennemis, boulevard de l'Eglise, force des princes ; salut dans ton triomphe ! La terre cachait encore le bois sacré, et il se montrait dans le ciel,
annonçant la victoire ; et un empereur, devenu chrétien, l'arrachait aux entrailles de la terre." Ainsi dès hier chantait l'Eglise grecque, préludant aux joies de ce jour ; c'est pour l'Orient,
qui ne connaît pas notre fête spéciale du trois Mai, tout l'objet de la solennité présente, à savoir : la défaite des idoles par le signe du salut manifesté à Constantin et à son armée, la
découverte de la sainte Croix quelques années après dans la citerne du Golgotha.
Mais une autre solennité, dont la mémoire annuelle demeure fixée par le Ménologe au treize Septembre, vint en l'année 335 compléter heureusement les souvenirs attachés à ce jour ; ce fut la dédicace des sanctuaires élevés par Constantin sur le Calvaire et le Saint
Sépulcre, à la suite des découvertes sans prix qu'avait dirigées la sagace piété de sa mère sainte Hélène. Dans le siècle même de ces événements, une pieuse voyageuse, sainte Silvia, croit-on, la
sœur de Rufin ministre de Théodose et d'Arcadius, atteste que l'anniversaire de cette dédicace se célébrait avec les honneurs des fêtes de Pâques et de l'Epiphanie ; on y voyait un concours
immense d'évêques et de clercs, de moines et de séculiers de tout sexe et de toute province : et la raison en est, dit-elle, que la Croix fut trouvée ce jour-là ; motif qui fit choisir ledit jour
pour celui de la consécration primitive, afin qu'une même date réunît l'allégresse et de cette consécration et de ce souvenir.
Pour n'avoir point eu présent à la pensée ce voisinage immédiat de la Dédicace de l'Anastasie, ou Eglise de la Résurrection, précédant la fête de la sainte Croix, plusieurs n'ont pas compris le
discours prononcé en cette fête, deux siècles et demi après Silvia, par le saint patriarche de Jérusalem, Sophronius : "C'est le jour de la Croix ; qui ne tressaillirait ? c'est le
triomphe de la Résurrection ; qui ne serait dans la joie ? Jadis, c'était la Croix qui marchait la première ; maintenant, la Résurrection se fait l'introductrice de la Croix. Résurrection et
Croix : trophées de notre salut !" Et le Pontife se complaisait à développer les instructions qui résultaient d'un pareil rapprochement.
C'était, semble-t-il, le temps où l'affinité des deux grands mystères amenait en quelque manière notre Occident à les rapprocher de même sorte ; sans abandonner la mémoire de la Croix au présent
jour, la piété des Eglises latines introduisait dans les splendeurs du Temps pascal une première fête de l'instrument du salut, détachant à cette fin du quatorze Septembre le souvenir de
l'Invention du bois rédempteur. Par une heureuse compensation, la solennité présente voyait alors son caractère de triomphe puiser un éclat nouveau dans les événements contemporains qui font,
ainsi qu'on va le voir, l'objet principal des lectures historiques de ce jour en la Liturgie Romaine.
Un siècle auparavant, saint Benoît fixait à cette date de l'année le point de départ de la carrière de pénitence connue sous le nom de Carême monastique, et qui s'étend jusqu'à l'ouverture de la
période quadragésimale proprement dite, où l'armée entière des chrétiens rejoint les phalanges du cloître dans le labeur de l'abstinence et du jeûne. "La Croix se rappelle à notre
souvenir : quel homme, dit saint Sophronius, ne se crucifiera pas lui-même ? L'adorateur sincère du bois sacré est celui qui soutient son culte de ses œuvres."
La victoire ainsi consignée dans les fastes de l'Eglise ne fut pas, ô Croix, votre dernier triomphe ; et les
Perses non plus ne furent pas vos derniers ennemis. Dans le temps même de la défaite de ces adorateurs du feu, se levait le Croissant, signe nouveau du prince des enfers. Par la sublime loyauté
du Dieu dont vous êtes l'étendard et qui, venu sur terre pour lutter comme nous, ne se dérobe devant nul ennemi, l'Islam aussi allait avoir licence d'essayer et d'user contre vous sa force :
force du glaive, unie à la séduction des passions. Mais là encore, dans le secret des combats de Satan et de l'âme comme sur les champs de bataille éclairés du grand jour de l'histoire, le succès
final était assuré à la faiblesse et à la folie du Calvaire.
Vous fûtes, ô Croix, le ralliement de notre Europe en ces expéditions sacrées qui empruntèrent de vous leur beau titre de Croisades, et portèrent si haut dans l'Orient infidèle le nom chrétien.
Tandis qu'alors elles refoulaient au loin la dégradation et la ruine, elles préparaient pour plus tard à la conquête de continents nouveaux l'Occident resté par vous la tête des
nations.
Campagnes immortelles dont les soldats, grâce à vos rayons, brillent aux premières pages du livre d'or de la noblesse des peuples. Aujourd'hui même, ces ordres nouveaux de chevalerie qui
prétendent grouper en eux l'élite de l'humanité ne voient-ils pas en vous l'insigne le plus élevé du mérite et de l'honneur ? Suite toujours du mystère de cette fête ; exaltation, jusqu'en nos
temps amoindris, de la Croix sainte qui dans les siècles antérieurs était passée de l'enseigne des légions au sommet du diadème des empereurs et des rois.
O Croix adorée, notre gloire, notre amour ici-bas, sauvez-nous quand vous apparaîtrez dans les cieux, au jour où le Fils de l'homme, assis dans sa majesté, jugera l'univers.
DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique
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Vénération des Reliques de la Sainte Croix à la chapelle Sainte Marie Madeleine au Saint-Sépulcre
à Jérusalem le Dimanche 14 septembre 2008 Custodia Terrae
Sanctae