A part le canal Saint-Martin, qui s’y jette au bassin de l’Arsenal par un des anciens fossés de la Bastille, la Seine ne reçoit à Paris même qu’un seul affluent : c’est la Bièvre, triste ruisseau qui tombe en amont du pont d’Austerlitz, un peu au-dessus de la gare monumentale que la compagnie du chemin de fer d’Orléans vient de construire.
La Bièvre, qui aujourd’hui s’échappe honteusement par une bouche d’égout, était jadis redoutable pour les quartiers qu’elle traversait. «La nuit du mercredi 1er avril 1579, dit Pierre de l’Estoile, la rivière de Saint-Marceau, au moyen des pluies des jours précédents, crût à la hauteur de quatorze ou quinze pieds, abattit plusieurs moulins, murailles et maisons, noya plusieurs personnes surprises en leurs maisons et leurs lits, ravagea grande quantité de bétail et fit un mal infini». Les deux affluents urbains n’apportent pas grande force à la Seine ; en revanche, elle est grevée de quatre prises d’eau, dont trois, celles de Bercy, de Chaillot, d’Auteuil, alimentent les quartiers voisins, et dont la quatrième, celle du Gros-Caillou, dessert la manufacture des tabacs.
Le département de la Seine est divisé en neuf arrondissemens de navigation, dont six appartiennent à Paris : le troisième, qui va des fortifications d’amont jusqu’au pont de Bercy, le quatrième du pont de Bercy au Pont-Neuf, le cinquième du Pont-Neuf au pont de la Concorde, le sixième du pont de la Concorde aux fortifications d’aval, le huitième embrassant le canal Saint-Martin, et le neuvième comprenant le bassin de la Villette, le canal de l’Ourcq et le canal Saint-Denis. Ces six arrondissemens contiennent trente ports affectés au débarquement et à l’embarquement de différentes marchandises. Le personnel chargé de veiller au maintien des conditions qui rendent la navigation facile sur un fleuve aussi encombré que la Seine à Paris est composé d’un inspecteur général, de six inspecteurs de première classe, de six inspecteurs de seconde classe et de deux inspecteurs-adjoints. Ce service important sous tant de rapports appartient à la seconde division de la préfecture de police.
La Seine parisienne est par elle-même en communication avec la Champagne et la Normandie ; par les canaux de Loing et du Centre, elle se relie à la Loire et à la Saône ; par le canal de Bourgogne, l’Yonne et la Saône, elle touche au Rhône et du Rhône au Rhin ; par le canal de Saint-Quentin et par l’Oise, elle se rattache aux départemens du nord ; par le canal Saint-Denis et le canal de l’Ourcq, elle rectifie et annule les coudes trop accusés de son propre cours, de même que, par le canal Saint-Maur, la Marne évite un détour plein de lenteur et arrive plus vite aux grands entrepôts de Paris.
Comme on le voit, par les canaux, la Seine a l’est et le nord ; par la mer, le cabotage et son embouchure du Havre, elle a l’ouest, auquel le midi se rejoint par les voies canalisées. Elle est donc en relation avec la France entière. Aussi la navigation de la Seine, à Paris même, est-elle très active et plus importante pour nos besoins journaliers qu’on ne le croit généralement. Les chemins de fer, il faut le reconnaître, lui ont porté un rude coup et lui ont enlevé une partie de son utilité ; néanmoins elle offre encore des conditions de sécurité et de bon marché qui la rendent très précieuse au commerce.
Maxime Du Camp, La Seine à Paris, Revue des Deux Mondes, 1867