Comment vivaient ces hommes qui furent nos ancêtres et que nous reconnaissons pour nos maîtres. Quels ils étaient profondément, communément, dans le laborieux train de la vie ordinaire, dans le laborieux train de la pensée ordinaire, dans l’admirable train du dévouement de chaque jour. Ce que c’était que le peuple du temps qu’il y avait un peuple. Ce que c’était que la bourgeoisie du temps qu’il y avait un bourgeoisie. Ce que c’était qu’une race du temps qu’il y avait une race, du temps qu’il y avait cette race, et qu’elle poussait. Ce que c’était que la conscience et cœur d’un peuple, d’une bourgeoisie et d’une race. Ce que c’était que la République enfin du temps qu’il y avait une République.
Charles Péguy, Notre jeunesse
On y verra ce que c’était qu’une culture, comment c’était infiniment autre (infiniment plus précieux) qu’une science, une archéologie, un enseignement, un renseignement, une érudition et naturellement un système. On y verra ce que c’était que la culture du temps que les professeurs ne l’avaient point écrasée. On y verra ce que c’était qu’un peuple du temps que le primaire ne l’avait point oblitéré.
On y verra ce que c’était qu’une culture du temps qu’il y avait une culture ; comment c’est presque indéfinissable, tout un âge, tout un monde dont aujourd’hui nous n’avons plus l’idée.
On y verra ce que c’était que la moelle même de notre race, ce que c’était que le tissu cellulaire et médullaire. Ce qu’était une famille française. On y verra des caractères. On y verra tout ce que nous ne voyons plus, tout ce que nous ne voyons pas aujourd’hui. Comment les enfants faisaient leurs études du temps qu’il y avait des études.
Enfin tout ce que nous ne voyons plus aujourd’hui.
Charles Péguy, Notre jeunesse