Bernard, après avoir appris pendant quelque temps à converser avec les hommes, à agir comme eux et à supporter les
choses inhérentes à l'humanité, commença à goûter au milieu de ses frères et avec eux les fruits de son changement de vie. Son père, qui était demeuré seul à la maison, vint rejoindre ses
enfants et partager leur genre de vie. Après avoir passé ainsi quelque temps avec eux, il mourut dans une heureuse vieillesse.
Leur sœur Ombeline, qui était restée dans le monde où elle s'était mariée, y menait une vie toute mondaine, au milieu de tous les dangers qui accompagnent les richesses de la terre. Un jour
pourtant, Dieu lui inspira la pensée d'aller voir ses frères, mais lorsqu'elle fut arrivée pour voir son vénérable frère, et qu'elle attendait avec une suite nombreuse et magnifique qu'il vînt
recevoir sa visite, Bernard ne lui témoigna que de l'horreur et une sorte d'aversion comme pour une personne qui aidait elle-même le démon à dresser des piéges aux âmes pour les prendre, et il ne
voulut point se montrer à elle pour recevoir sa visite.
En apprenant son refus, cette femme se sentit toute couverte de confusion, et, profondément affligée de voir que aucun de ses frères ne daignait se déranger pour la recevoir, elle ne put
s'empêcher de fondre en larmes en entendant les reproches que son frère André, qu'elle avait trouvé à la porte du monastère, lui adressait au sujet du luxe de vêtements dont elle environnait
le fumier de son corps. Je ne suis qu'une pécheresse, sans doute, s'écria-t-elle, mais c'est pour les pécheurs que le Christ est mort, et c'est précisément parce que je suis pécheresse que je
recherche l'entretien des saints, et si mon frère méprise mon corps, que le serviteur de Dieu ait pitié de mon âme. Qu'il vienne, qu'il parle et ordonne, tout ce qu'il me prescrira, je suis prête
à le faire !
Fort de cette promesse, Bernard vint la voir avec ses autres frères. Comme il ne pouvait la séparer de son mari, il commença par lui défendre toute recherche mondaine et tout luxe dans les
vêtements, toutes les pompes et les vanités du monde, lui ordonna ensuite d'imiter la vie dont leur mère leur avait donné l'exemple pendant les longues années qu'elle passa avec son mari, puis il
la congédia.
Ombeline se soumit très-religieusement à ses recommandations et revint chez elle changée du tout au tout, par un effet de la toute puissance de la main du Très-Haut. Tout le monde vit avec un
profond étonnement cette femme jeune, noble, délicate, changer tout-à-coup de manière de vivre, renoncer à la parure et au luxe pour mener la vie d'une ermite dans le monde, s'adonner aux
veilles, aux jeûnes et à la prière, et vivre tout-à-fait étrangère au monde. Elle vécut ainsi pendant deux ans avec son mari, qui, la seconde année, rendant gloire à Dieu et n'osant pas se
permettre de profaner le temple du Saint-Esprit, se laissa vaincre enfin par la force de sa persévérance et, la laissant libre de le quitter, lui permit de se donner selon le rite de l’Église, au
service de Dieu, à qui elle s'était consacrée.
Profitant donc de la liberté qu'elle avait si longtemps désirée, elle se rendit au monastère de Juilly, et y consacra à Dieu le reste de sa vie, parmi les saintes femmes qui s'y trouvaient déjà
réunies. Là, le Seigneur lui fit la grâce de l'élever à un tel degré de sainteté, qu'elle montra bien, non moins par l'âme que par le corps, qu'elle était sœur de tous ces hommes de
Dieu.
VIE ET GESTES DE SAINT BERNARD PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX
PAR GUILLAUME, QUI APRÈS AVOIR ÉTÉ ABBÉ DE SAINT THIERRY, PRÈS DE REIMS, DEVINT SIMPLE RELIGIEUX DE LIGNY, OÙ IL ÉCRIVIT
CHAPITRE VI. Grande confiance de Bernard en Dieu dans les moments les plus difficiles; son zèle pour la perfection ; conversion de sa
sœur
LIVRE I
ABBAYE SAINT BENOÎT DE PORT-VALAIS
Eglise d'Orgelet
Ce tableau constitue la seule pièce existante de l'ancien couvent des Bernardins d'Orgelet, fondé en 1652
Inscription donnant l'identité du modèle : STE OMBELINE SOEUR DE ST BERNARD
huile sur toile pendant restauration