" Reste avec nous, Seigneur, car le jour est sur son déclin " (Lc 24, 29). Les disciples d'Emmaüs avaient le cœur déjà tout brûlant au-dedans d'eux-mêmes après
avoir entendu expliquer sur le chemin, les merveilles du plan de salut révélé dans les Écritures. Par la fraction du pain, le Seigneur achève de se révéler à eux, ressuscité, dans la plénitude de
son amour.
Nous sommes à Montmartre, dans la basilique du Sacré-Cœur, consacrée à la contemplation de l'amour du Christ présent dans le Saint-Sacrement. Ici, jour et nuit, des chrétiens se rassemblent et se
succèdent pour rechercher " les insondables richesses du Christ " (Ep 3,8-19)
Nous venons ici à la rencontre du Cœur transpercé pour nous, d'où jaillissent l'eau et le sang. C'est l'amour rédempteur, qui est à l'origine du salut, de notre
salut, qui est à l'origine de l'Église.
Nous venons ici contempler l'amour du Seigneur Jésus : sa bonté compatissante pour tous durant sa vie terrestre ; son amour de prédilection pour les petits, les malades, les affligés. Contemplons
son cœur brûlant d'amour pour son Père, dans la plénitude du Saint Esprit. Contemplons son amour infini, celui du Fils éternel, qui nous conduit jusqu'au mystère même de Dieu.
Maintenant encore, aujourd'hui, le Christ vivant nous aime et nous présente son cœur comme la source de notre rédemption : " Semper vivens ad inter pellandum pro nobis " (Hb 7, 25). A chaque
instant, nous sommes enveloppés, le monde entier est enveloppé, dans l'amour de ce cœur " qui a tant aimé les hommes et qui en est si peu aimé ".
" Je vis, dit saint Paul, dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé, et qui s'est livré pour moi " (Ga 2, 2o). La méditation de l'amour du Seigneur passe nécessairement par celle de sa passion :
" Il s'est livré pour moi ". Ceci implique que chacun prenne conscience non seulement du péché du monde en général, mais de ce péché par lequel chacun est réellement en cause, négativement, dans
les souffrances du Seigneur.
Cette méditation de l'amour manifesté dans la Passion doit aussi nous conduire à vivre conformément aux exigences du baptême, à cette purification de notre être par l'eau jaillie du cœur du
Christ ; à vivre conformément à l'appel qu'il nous adresse chaque jour par sa grâce. Puisse-t-il nous donner maintenant " de veiller et de prier " pour ne plus succomber à la tentation ! Qu'il
nous donne d'entrer spirituellement dans son mystère ; d'avoir en nous, comme dit encore saint Paul, les sentiments qui étaient dans le Christ Jésus... " qui s'est fait obéissant jusqu'à la mort
" (Ph 2,5-8).
Par-là, nous sommes appelés à répondre pleinement à son amour, à lui consacrer nos activités, notre apostolat, toute notre vie.
Ce mystère de l'amour du Christ, nous ne sommes pas appelés à le méditer et à le contempler seulement ; nous sommes appelés à y prendre part. C'est le mystère de la sainte Eucharistie,
centre de notre foi, centre du culte que nous rendons à l'amour miséricordieux du Christ manifesté dans son Sacré-Cœur, mystère qui est adoré ici nuit et jour, dans cette basilique, qui devient
par-là même un de ces centres d'où l'amour et la grâce du Seigneur rayonnent mystérieusement mais réellement sur votre cité, sur votre pays et sur le monde racheté.
Dans la sainte Eucharistie, nous célébrons la présence toujours nouvelle et active de l'unique sacrifice de la croix dans lequel la Rédemption est un événement éternellement présent,
indissolublement lié à l'intercession même du Sauveur.
Dans la sainte Eucharistie, nous communions au Christ lui-même, unique prêtre et unique hostie, qui nous entraîne dans le mouvement de son offrande et de son adoration, lui qui est la source de
toute grâce.
Dans la sainte Eucharistie - c'est aussi le sens de l'adoration perpétuelle - nous entrons dans ce mouvement de l'amour d'où découle tout progrès intérieur et toute efficacité apostolique : "
Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes " (Jn 12,32).
Jean-Paul II
(lors de sa visite au Sacré-Coeur en 1980)
photos : Jean-Paul II au Sacré-Cœur en 1980
Acclamé sur le parvis de Montmartre par une foule considérable, le Pape entre vers minuit dans la basilique, monte au chœur, se prosterne longuement devant le Saint Sacrement exposé et se joint
aux prières des adorateurs ; après quoi, il se rend à l'ambon pour lire la méditation.
Avant de quitter la basilique pour donner sa bénédiction sur la ville de Paris, il ajoute en substance : "Je vous confesse que cette visite est un instant privilégié pour moi et pour toute ma vie
" ; il recommande ensuite aux prières des adorateurs " l'Église et le monde entier ".