C’est à la tête de sa glorieuse armée qu'apparaît aujourd'hui l'Archange : Il y eut un grand combat dans
le ciel ; Michel et ses Anges combattaient le dragon, et le dragon et ses anges combattaient contre lui.
LES TROIS ARCHANGES par Marco d'Oggiono
Au VIe siècle, la dédicace des églises du mont Gargan et du Cirque romain sous le nom de saint Michel accrut la gloire de ce jour ; mais il ne fut choisi pour cet honneur, dont il garde à jamais
le souvenir, qu'en raison de la fête plus ancienne déjà consacrée par Rome à cette date aux Vertus des cieux.
L'Orient, qui célèbre au six du présent mois l'apparition personnelle du vainqueur de Satan à Chône en Phrygie, renvoie au huit novembre, sous le titre qui suit, la solennité plus générale
correspondant à la fête de ce jour : Synaxe de Michel, le prince de la milice, et des autres puissances incorporelles. Or, bien que ce terme de synaxe s'applique d'ordinaire aux assemblées
liturgiques d'ici-bas, nous sommes avertis que, dans la circonstance, il exprime encore le ralliement des Anges fidèles au cri de leur chef, leur union pour toujours affermie par la victoire.
La Congrégation des Archanges par Angelos Akotantos au monastère de Vatopedi du Mont Athos
Quelles sont donc ces puissances des cieux, dont la lutte mystérieuse ouvre
l'histoire ? Les traditions de tous les peuples, aussi bien que l'autorité de nos Ecritures révélées, attestent leur existence. Si, en effet, nous interrogeons l'Eglise, elle nous enseigne qu'au
commencement Dieu créa simultanément deux natures, la spirituelle et la corporelle, puis l'homme, unissant l'une et l'autre. Ordre grandiose, graduant l'être et la vie du voisinage de la cause
suprême aux confins du néant. De ces lointaines frontières, la création remonte vers Dieu par ces mêmes degrés.
Dieu, infini : sans limitation aucune, intelligence et amour. La créature, à jamais finie : mais s'élevant dans l'homme jusqu'à la raison discursive, dans l'ange jusqu'à l'intuition directe de la
vérité ; dans chacun d'eux, reculant par la purification incessante de son être initial les bornes provenant de l'imperfection de sa nature, pour arriver par plus de lumière à la perfection d'un
plus grand amour.
Car Dieu seul est simple, de cette simplicité immuable et féconde qui est la perfection absolue excluant tout progrès : acte pur, en qui substance, puissance, opération, ne diffèrent pas. L'ange,
si dégagé qu'il soit de la matière, n'échappe pas à la faiblesse native résultant pour tout être créé de la composition qui nous montre en lui l'action distincte de la puissance, et celle-ci de
l'essence. Autre encore est chez l'homme l'infirmité de sa nature mixte, avec les sens pour introducteurs obligés aux régions de l'intelligible !
Près de la nôtre, dit un des plus lumineux frères du Docteur angélique, "comme elle est tranquille et lumineuse la science des purs esprits ! Ils ne sont pas condamnés à ces pénibles chevauchées de la raison qui court après la vérité, compose, divise, et
arrache péniblement les conclusions aux principes. Ils saisissent d'un seul coup d'œil toute la portée des vérités premières. Leur intuition est si prompte, si vive, si profonde qu'il leur est
impossible d'être, comme nous, surpris par l'erreur. S'ils se trompent, c'est qu'ils le veulent bien. La perfection de la volonté est en eux égale à la perfection de l'intelligence.
Ils ne savent pas ce que c'est que d'être troublés par la violence des appétits. Leur amour ne les agite point. Tranquille et sagement mesurée comme leur amour est leur haine du mal.
Une volonté ainsi dégagée ne peut connaître ni la perplexité des desseins, ni l'inconstance des résolutions. Tandis qu'il nous faut de longues et anxieuses méditations avant de nous
décider, le propre des anges est de se fixer par un seul acte à l'objet de leur choix. Dieu leur a proposé comme à nous une béatitude infinie dans la vision de son essence, et pour les
égaler à une si grande fin il leur a donné la grâce en même temps qu'il leur donnait l'être. En un instant ils ont dit oui ou non, en un instant ils ont librement déterminé leur sort."
(Jacques-Marie-Louis Monsabré o.p.)
L'Archange Michel à la basilique Saint Marc de
Venise
Ne soyons point envieux. Par sa nature, l'ange nous est supérieur. A qui des anges pourtant fut-il dit jamais : Vous êtes mon fils ? Le premier-né n'a point choisi pour lui la nature des anges.
Sur terre, lui-même reconnut la subordination qui soumet dans le temps l'humaine faiblesse à ces purs esprits ; il reçut d'eux, comme ses frères dans la chair et le sang, notification des décrets divins, secours et réconfort ; mais ce n'est point aux anges qu'est
soumis le monde de l'éternité, dit l'Apôtre. Attrait de Dieu pour ce qu'il y a de plus faible, comment vous comprendre, sans l'humble acquiescement de la foi s'inclinant dans l'amour ? Vous
fûtes, au jour du grand combat, l'écueil de Lucifer. Mais se relevant de leur adoration joyeuse aux pieds de l'Enfant-Dieu, qui d'avance leur était montré sur le trône des genoux de Marie, les
Anges fidèles chantèrent : Gloire à Dieu au plus haut des deux, et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté.
O Christ, mon Christ, ainsi vous nomme l'Aigle d'Athènes : l'Eglise, ravie, vous proclame en cette fête la beauté des saints Anges. Vous êtes l'humain et divin sommet d'où pureté, lumière, amour,
s'épanchent sur la triple hiérarchie des neuf chœurs. Hiérarque suprême, unité des mondes, vous présidez aux mystères déifiants de la fête éternelle.
Séraphins embrasés, étincelants Chérubins, inébranlables Trônes ; noble cour du Très-Haut, possesseurs de la meilleure part : au témoignage du sublime Aréopagite, c'est dans une communion plus
immédiate aux vertus du Sauveur que s'alimentent votre justice, vos splendeurs et vos feux. De lui, par vous, déborde toute grâce sur la cité sainte.
Dominations, Vertus, Puissances ; ordonnateurs souverains, moteurs premiers, régulateurs des mondes : pour qui
gouvernez-vous cet univers ?
Pour celui, sans nul doute, dont il est l'apanage : le Roi de gloire, l'Homme-Dieu, le Seigneur fort et puissant, le Seigneur des vertus.
Anges, Archanges, Principautés ; messagers, ambassadeurs, surintendants du ciel ici-bas : tous aussi, n'êtes-vous pas, au dire de l'Apôtre, les ministres du salut accompli sur terre par Jésus le
Pontife des cieux ?
Le Jugement Dernier par Rogier van der Weyden
Nous aussi, par ce même Jésus, Trinité sainte, nous vous glorifions avec ces trois augustes hiérarchies dont les neuf cercles immatériels entourent votre Majesté comme un multiple rempart.
Tendre à vous et vous ramener toutes choses est leur commune loi. Purification, illumination, union : voies successives ou simultanées, par lesquelles leurs nobles
essences, attirées vers Dieu, attirent celles qui les suivent. Sublimes esprits, c'est le regard en haut que vous agissez au-dessous de vous comme à l'entour. Pour vous et pour
nous, puisez largement au foyer divin : purifiez-nous, non point seulement, hélas ! de l'involontaire défectuosité de notre nature ; éclairez-nous ; embrasez-nous des célestes
flammes. Pour la même raison que Satan nous déteste, vous nous aimez; protégez contre l'ennemi commun la race du Verbe fait chair. Gardez-nous dignes d'occuper parmi vous les places laissées
vides par ceux que perdit l'orgueil.
Saint
Michel combattant les démons
Adam de Saint-Victor chante dans sa plénitude le mystère de ce jour :
Empressée soit la louange ; que notre chœur chante en présence des citoyens des cieux : agréée sera-t-elle et convenable, cette louange, si la pureté des âmes qui chantent est à l'unisson de la
mélodie.
Que Michaël soit célébré par tous ; que nul ne s'excommunie de la joie de ce jour : fortuné jour, où des saints Anges est rappelée la solennelle victoire !
L'ancien dragon est chassé, et son odieuse légion mise en fuite avec lui ; le troubleur est troublé à son tour, l'accusateur est précipité du sommet du ciel.
Sous l'égide de Michel, paix sur la terre,paix dans les cieux, allégresse et louange ; puissant et fort, il s'est levé pour le salut de tous, il sort triomphant du combat.
Banni des éternelles collines, le conseiller du crime parcourt les airs, dressant ses pièges, dardant ses poisons ; mais les Anges qui nous gardent réduisent à néant ses
embûches.
Leurs trois distinctes hiérarchies sans cesse contemplent Dieu et sans cesse le célèbrent en leurs chants ; ni cette contemplation, ni cette perpétuelle harmonie ne font tort à leur incessant
ministère.
O combien admirable est dans la céleste cité la charité des neuf chœurs ! Ils nous aiment et ils nous défendent, comme destinés à remplir leurs vides.
Entre les hommes, diverse est la grâce ici-bas ; entre les justes, divers seront les ordres dans la gloire au jour
de la récompense. Autre est la beauté du soleil, autre celle de la lune ; et les étoiles diffèrent en leur clarté : ainsi sera la résurrection.
Que le vieil homme se renouvelle, que terrestre il s'adapte à la pureté des habitants des cieux : il doit leur être égal un jour ; bien que non pleinement pur encore, qu'il envisage ce qui
l'attend.
Pour mériter le secours de ces glorieux esprits, vénérons-les dévotement, multipliant envers eux nos hommages ; un culte sincère rend Dieu favorable et associe aux Anges.
Taisons-nous des secrets du ciel, en haut cependant élevons et nos mains et nos âmes purifiées.
Ainsi daigne l'auguste sénat voir en nous ses cohéritiers ; ainsi puisse la divine grâce être célébrée par le concert de l'angélique et de l'humaine nature.
Au chef soit la gloire, aux membres l'harmonie !
Amen.
DOM GUÉRANGER
L'année Liturgique
ARCHANGE au fronton d'une église à La Lonja, Palma de Majorca