Benoît XVI raconte Vatican II : le texte sur la Révélation

Le problème de la Révélation était encore plus conflictuel. Ici, il s’agissait de la relation entre l’Écriture et la Tradition, et ici les exégètes étaient surtout intéressés par une plus grande liberté ; ils se sentaient un peu – dirons-nous – dans une situation d’infériorité par rapport aux protestants, qui faisaient de grandes découvertes, alors que les catholiques se sentaient un peu ‘handicapés’ par la nécessité de se soumettre au Magistère. Ici était donc en jeu une lutte très concrète aussi : quelle liberté ont les exégètes ? Comment bien lire l’Écriture ? Que veut dire Tradition ? C’était une bataille pluridimensionnelle que je ne peux pas présenter maintenant, mais l’important est que l’Écriture est certainement la Parole de Dieu et que l’Église est sous l’Écriture, elle obéit à la Parole de Dieu, et elle ne situe pas au-dessus de l’Écriture. Et pourtant, l’Écriture est Écriture seulement parce qu’il y a l’Église vivante, son sujet vivant ; sans le sujet vivant qu’est l’Église, l’Écriture n’est qu’un livre et elle ouvre, s’ouvre à diverses interprétations et elle ne donne pas un ultime éclairage.

 

Comme je l’ai dit, ici, la bataille était difficile, et une intervention du Pape Paul VI fut décisive. Cette intervention montre toute la délicatesse du père, sa responsabilité pour l’évolution du Concile, mais aussi son grand respect pour le Concile. L’idée que l’Écriture est complète, que tout y est était née ; par conséquent, on n’a pas besoin de la Tradition, et c’est pourquoi le Magistère n’a rien à dire. Alors le Pape a transmis au Concile, me semble-t-il, 14 formulations d’une phrase à insérer dans le texte sur la Révélation et il nous donnait, il donnait aux Pères, la liberté de choisir une des 14 formules, mais il dit : l’une d’elles doit être choisie, pour rendre le texte complet. Je me souviens, plus ou moins, de la formule non omnis certitudo de veritatibus fidei potest sumi ex Sacra Scriptura, c’est-à-dire que la certitude de l’Église sur la foi ne naît pas seulement d’un livre isolé, mais elle a besoin du sujet Église éclairé, porté par l’Esprit Saint. C’est seulement ainsi que l’Écriture parle ensuite et a toute son autorité. Cette phase que nous avons choisie à la Commission doctrinale, l’une des 14 formulations, est décisive, je dirais, pour montrer l’indispensabilité, la nécessité de l’Église, et pour comprendre ainsi ce que veut dire Tradition, le Corps vivant dans lequel vit cette Parole depuis les débuts et dont elle reçoit sa lumière, dans lequel elle est née. Le fait du Canon est déjà un fait ecclésial : le fait que ces écrits soient l’Écriture dérive de l’illumination de l’Église, qui a trouvé en elle-même ce Canon de l’Écriture ; elle a trouvé, elle n’a pas créé, et c’est toujours et seulement dans cette communion de l’Église vivante que l’on peut aussi réellement comprendre, lire l’Écriture comme Parole de Dieu, comme Parole qui nous guide dans la vie et dans la mort.

 

Comme je l’ai dit, c’était une querelle assez difficile, mais grâce au Pape et grâce – disons – à la lumière de l’Esprit Saint, qui était présent au Concile, un document qui est l’un des plus beaux et des plus novateurs de tout le Concile, et qui doit être encore beaucoup plus étudié a été créé. Parce qu’aujourd’hui aussi l’exégèse tend à lire l’Écriture en dehors de l’Église, en dehors de la foi, seulement dans ce qu’on appelle l’esprit de la méthode historico-critique, méthode importante, mais jamais au point de pouvoir donner des solutions comme ultime certitude ; c’est seulement si nous croyons que ce ne sont pas des paroles humaines, mais que ce sont des paroles de Dieu, et seulement si le sujet vivant auquel Dieu a parlé et parle vit, que nous pouvons bien interpréter la Sainte Écriture. Et là – comme j’ai dit dans la préface de mon livre sur Jésus (cf. vol. I) – il y a encore beaucoup à faire pour arriver à une lecture vraiment dans l’esprit du Concile. Ici l’application du Concile n’est pas encore complète, elle est encore à faire.

 

Benoît XVI, rencontre avec le clergé de Rome, 14 février 2013

 

Benoît XVI 14.04.2010

 

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