Bienheureuse Véronique de Milan

À Milan, en 1497, la bienheureuse Véronique Negroni de Binasco, vierge, qui, entrée au monastère de Sainte Marthe, sous la Règle de saint Augustin, s’éleva jusqu’à la plus haute contemplation. 
Martyrologe romain sur Nominis

 

Véronique naquit dans un village peu éloigné de Milan. Ses parents, d'une condition vile aux yeux du monde, étaient entièrement dépourvus des biens de la fortune ; ils n'avaient que le travail de leurs mains pour faire subsister leur famille. Mais s'ils n'étaient pas riches, ils avaient en récompense la crainte de Dieu, qui est infiniment préférable à toutes les richesses. Les lois de la probité la plus exacte furent toujours la règle invariable de leur conduite, et ils portaient si loin l'horreur de la fraude, que quand le père de la sainte avait quelque chose à vendre, il en découvrait ingénument les défauts, afin de ne tromper personne.

 

La pauvreté dans laquelle ils vivaient ne leur permettant pas d'envoyer leur fille aux écoles, Véronique n'apprit point à lire ; cela ne l'empêcha pas de connaître et de servir Dieu, pour ainsi dire, dès le berceau. Elle avait continuellement sous les yeux des exemples domestiques qui gravèrent dans son cœur l'amour de la vertu. L'exercice de la prière était le plus cher objet de ses délices ; elle écoutait attentivement les instructions familières que l'on a coutume de faire aux enfants, et le Saint-Esprit lui en donnait l'intelligence. Les lumières intérieures que la grâce lui communiquait la mirent en état de méditer presque sans cesse les mystères et les principales vérités de notre sainte religion : c'était ainsi que son âme, nourrie d'une manne toute céleste, acquérait de jour en jour de nouvelles forces.

 

Les devoirs de la piété ne prenaient rien sur ceux de son état. Elle travaillait avec une ardeur infatigable, et obéissait à ses parents et à ses maîtres jusque dans les plus petites choses. Elle prévenait ses compagnes par mille manières obligeantes, et se regardait comme la dernière d'entre elles : sa soumission à leur égard était si entière, qu'on eût dit qu'elle n'avait point de volonté propre.

 

 Son recueillement avait quelque chose d'extraordinaire. Sa conversation était toujours dans le ciel, même au milieu des occupations extérieures ; elle ne remarquait rien de tout ce qui se passait parmi ceux qui travaillaient avec elle : était-on dans les champs, elle allait travailler à l'écart, afin d'être moins distraite, et de s'entretenir plus librement avec son divin époux. Cet amour de la solitude, qui faisait l'admiration de ceux qui en étaient les témoins, n'avait pourtant rien de sombre ni d'austère. Véronique n'avait pas plutôt rejoint sa compagnie, qu'une douce sérénité se répandait sur son visage ; ses yeux paraissaient souvent baignés de larmes, mais on n'en savait pas la cause, parce que la sainte cachait soigneusement ce qui se passait entre Dieu et elle.

 

 Cependant Véronique sentait un vif attrait pour la vie religieuse ; persuadée que Dieu l'appelait à cet état, elle prit la résolution d'entrer chez les Augustines de Sainte-Marthe de Milan, où l'on suivait une règle fort austère. Malheureusement elle ne savait ni lire ni écrire ; elle ne perdit pas pour cela courage. Comme elle était tous les jours occupée au travail, elle prenait sur la nuit pour apprendre à lire et à écrire, et elle y réussit sans le secours d'aucun maître. Qu'on imagine les difficultés qu'elle eut à surmonter. Un jour que la lenteur de ses progrès l'avait jetée dans une grande inquiétude, la Sainte Vierge, qu'elle avait toujours honorée avec une dévotion particulière, la consola dans une vision : "Bannissez cette inquiétude, lui dit-elle, il suffit que vous connaissiez trois lettres : la première, est cette pureté de cœur qui consiste à aimer Dieu par-dessus tout, et à n'aimer les créatures qu'en lui et pour lui ; la seconde est de ne murmurer jamais, et de ne point s'impatienter à la vue des défauts du prochain, mais de le supporter avec patience, et de prier pour lui ; la troisième est d'avoir chaque jour un temps marqué pour méditer sur la Passion de Jésus-Christ."

 

 Enfin, après une préparation de trois ans, notre sainte fut reçue dans le monastère de Sainte-Marthe. Elle s'y distingua bientôt par sa ferveur dans tous les exercices, et par son exactitude à observer tous les points de la règle. Sa fidélité embrassait les plus petites choses comme ïes plus importantes ; la volonté de ses supérieures était l'unique mobile de sa conduite. S'il lui arrivait de ne pas obtenir la permission de veiller dans l'église aussi longtemps qu'elle l'eût désiré, elle se soumettait humblement, dans la persuasion que l'obéissance est le plus agréable sacrifice que l'on puisse offrir à Dieu, puisque Jésus-Christ s'est rendu obéissant jusqu'à la mort pour accomplir la volonté de son Père.

 

Dieu permit que sa servante fut éprouvée par une maladie de langueur qui dura trois ans ; mais elle n'en fut pas moins exacte à l'observation de sa règle. On avait beau lui recommander d'avoir égard à sa mauvaise santé, elle répondait toujours : "Il faut que je travaille pendant que je le peux, et que j'en ai le temps". Elle n'avait jamais plus de plaisir que quand elle pouvait servir les autres et exercer les plus bas emplois ; elle ne voulait pour toute nourriture que du pain et de l'eau. On jugeait par son silence de la grandeur de son recueillement ; son cœur était continuellement à Dieu par la prière, et la vivacité de sa componction allait si loin, que ses larmes ne tarissaient presque jamais. Ce don des larmes et cet esprit d'oraison, elle les entretenait par des méditations fréquentes sur ses propres misères, sur l'amour de Dieu, sur la passion du Sauveur et sur les chastes délices du Paradis.

 

Quoique sa vie eût toujours été très pure et très innocente, elle la regardait pourtant comme fort criminelle, et elle n'en parlait qu'avec des sentiments de douleur et de pénitence. Ses discours avaient tant d'onction, que les pécheurs les plus endurcis en étaient vivement touchés. Tant de vertus réunie ne pouvaient manquer d'attirer sur Véronique les plus abondantes bénédictions du ciel. Elle mourut en 1497 à l'heure qu'elle l'avait prédit, étant âgée de cinquante-deux ans.

 

Sa sainteté fut aussitôt confirmée par plusieurs miracles. Le pape Léon X, après les informations nécessaires, donna une bulle par laquelle il permettait aux religieuses de Sainte-Marthe d'honorer Véronique avec le titre de Bienheureuse. Son nom a été inséré parmi ceux des saints de ce jour dans le Martyrologe romain que Benoît XIV publia en 1749.

 

Vie des Pères, Martyrs, et autres Saints, à l'usage des Séminaires et du Clergé, Paris, 1836  

 

 

Véronique de Milan par Navez (photo de l'article de La Tribune de l'Art)

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