Aujourd'hui c'est jour d'anniversaire, un jour comme les autres, un jour comme tous les jours... 60 ans pourtant ! dans un monde
qui ne ressemble plus à rien... alors lui qui ne ressemble à personne, forcément il ne comprend pas ce monde, qui peut comprendre d'ailleurs ? à part ceux qui comprennent tout, toujours, qui
admettent tout, justifient tout, de peur de ne pas avoir l'air de comprendre, de ne pas être dans le coup, que lui importe après tout !
Dehors il pleut, c'est un temps triste, tant mieux. Qui se souvient de lui ? lui qui se rappelle tout et se souvient de tous, lui
que la vie a ballotté et déposé ici... à l'écart, près de l'espérance !
Dans le jardin, à l'autre bout de la ville, là où c'est déjà la campagne, Bêtoven sous la pluie contemple la maison d'à côté où ne
luit plus ni chandelle, ni camping gaz, le temps semblera long avant que son nouvel occupant ne revienne à la fin de la semaine continuer à s'installer. Bêtoven non plus ne comprend pas le monde,
mais il sent les choses et son instinct ne le trompe pas... on l'a amené ici où il s'ennuie, il garde la nostalgie de son pays, là-haut dans la montagne !
En ce jour d'anniversaire, perdu dans cette petite ville ventée de Vendée, le cœur se serre, et lui, qui a soixante ans
maintenant, se remémore les journées d'enfance passées au village où, tout au fond du bistrot, pour un verre de blanc, le joueur de pipeau venait jouer la mélodie du vent... comme tout cela est
loin, et pourtant si proche ! tiens ! il va se mettre la chanson du joueur de pipeau.
Là-bas, à l'autre bout de la ville, Bêtoven s'est arrêté de tourner dans le jardin, a dressé les oreilles, vite il sort et remonte
les rues battues par la pluie dans la nuit. Arrivé derrière la maison où les carreaux de la cuisine sont allumés, il s'arrête et lêve la tête... Et les vieux vous diront qu’ici, quand il fait
chaud, on entend la chanson du joueur de pipeau...
Bêtoven aboie trois fois et s'en retourne en trottinant. La fenêtre s'ouvre, une silhouette se penche et scrute la ruelle déserte,
puis scrute longuement le ciel, la pluie s'est arrêtée, des nuages filent, poussés par le vent qui s'est levé, tiens ! peut-être demain fera-t-il beau !
Bêtoven himself photographié par le petit Placide le mois dernier (tous droits animaliers réservés !)