L'eau dans l'Évangile de Jean : l'eau et le sang forment un tout - "Jésus de Nazareth" de Benoît XVI (extrait du tome I)

Dans sa première Lettre, Jean a encore repris le thème du sang et de l'eau en lui donnant une autre connotation : "C'est lui, Jésus Christ, qui est venu par l'eau et par le sang : pas seulement l'eau, mais l'eau et le sang. Et celui qui rend témoignage, c'est l'Esprit, car l'Esprit est la vérité. Ils sont trois qui rendent témoignage, l'Esprit, l'eau et le sang, et tous les trois se rejoignent en un seul témoignage" (1 Jn 5, 6-8).

 

Ici, nous avons manifestement une tournure polémique contre un christianisme qui reconnaît, certes, le baptême de Jésus comme événement salvifique, mais pas sa mort sur la croix. Il s'agit d'un christianisme qui veut, pour ainsi dire, seulement le Verbe, mais pas la chair et le sang. Le corps de Jésus et sa mort sont, en dernière instance, sans importance. Du christianisme, il ne reste ainsi que "de l'eau" — le Verbe sans la corporéité de Jésus perd sa force. Le christianisme devient une simple doctrine, un simple moralisme et une affaire de l'intellect, mais il lui manque la chair et le sang. Le caractère rédempteur du sang de Jésus n'est plus accepté. Il perturbe l'harmonie intellectuelle.

 

 Comment ne pas y voir des menaces pour notre christianisme actuel ? L'eau et le sang forment un tout. L'incarnation et la croix, le Baptême, le Verbe et le sacrement sont indissociables. Et le Pneuma doit se joindre à cette triade du témoignage. À ce sujet, Schnackenburg signale à juste titre que le témoignage de l'Esprit dans l'Église et par l'Église est à comprendre à partir de Jean 15, 26 et de Jean 16, 10.

 

Triptych of the Redemption by Rogier van der Weyden

 

 Penchons-nous maintenant sur les paroles de révélation que Jésus prononce dans le contexte de la fête des Tentes et que Jean nous transmet. C'était le jour solennel où se terminait la fête. "Jésus, debout, s'écria : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l'Écriture : Des fleuves d'eau vive jailliront de son cœur" (Jn 7, 37-38).

 

À l'arrière-plan, nous avons le rite de la fête consistant à puiser de l'eau dans la source de Siloé afin de pouvoir faire des libations dans le Temple durant les sept jours que durait la fête. Le septième jour, les prêtres tournaient sept fois autour de l'autel avec le récipient d'eau doré avant de procéder à la libation. Ces rites d'eau renvoient d'abord à l'origine de la fête dans les religions de la nature. La fête était à l'origine une prière pour demander la pluie dont un pays menacé de sécheresse avait cruellement besoin. Ensuite, le rite commémorait un épisode de l'histoire du salut, c'est-à-dire l'eau que Dieu a fait jaillir du rocher pour les Hébreux, pendant la marche dans le désert, malgré leurs doutes et leurs peurs (Nb 20, 1-13).

 

 Finalement, l'eau jaillissant du rocher était devenue progressivement un thème de l'espérance messianique. Durant la marche dans le désert, Moïse avait donné à Israël le pain du ciel et l'eau du rocher. Par conséquent, on attendait aussi du nouveau Moïse, du Messie, ces deux dons essentiels pour la vie. Cette interprétation messianique du don de l'eau se reflète aussi dans la première Lettre de Saint Paul aux Corinthiens : "Tous, ils ont mangé la même nourriture, qui était spirituelle ; tous, ils ont bu à la même source, qui était spirituelle ; car ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher, c'était déjà le Christ" (1 Co 10, 3-4).

 

 Par la parole que Jésus prononce durant le rite de l'eau, il répond à cette espérance. Il est le nouveau Moïse. Il est lui-même le rocher qui dispense la vie. Comme il se révèle comme le pain véritable venant du ciel dans le discours sur le Pain de vie, de même il se présente, de manière analogue à ce qu'il a déjà dit face à la Samaritaine, comme l'eau vive à laquelle l'homme aspire dans sa soif la plus profonde, la soif de vie, de "vie en abondance" (Jn 10, 10) ; d'une vie qui ne serait plus marquée par les besoins qu'il faut assouvir en permanence, mais d'une vie qui jaillirait d'elle-même de l'intérieur.

 

Jésus répond aussi à cette question : comment boit-on cette eau de la vie ? Comment vient-on à la source, comment peut-on la puiser ? "Celui qui croit en moi..." Croire en Jésus, voilà la façon de boire l'eau vive, de boire la vie qui n'est plus menacée par la mort.

 

> fiche de l'édition de poche

demain : ce fleuve qui à travers les temps coule du Golgotha, du Jésus crucifié et ressuscité

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article