LA RÉSURRECTION : l'apparition de Jésus au Prince des Apôtres

Il faut cependant que Jésus ressuscité se manifeste à ceux qui doivent porter jusqu'aux extrémités du monde le témoignage de sa divinité. Jusqu'à cette heure, il n'a apparu encore que pour satisfaire sa tendresse filiale pour sa mère, et son infinie bonté envers les âmes qui avaient répondu, selon leur pouvoir, à ses bienfaits. Le moment semble venu pour lui de songer à sa gloire ; du moins serions-nous portés à le penser. Attendons encore cependant. Jésus a voulu d'abord récompenser l'amour ; mais, avant de proclamer son triomphe, il éprouve le besoin de signaler sa générosité. Le collège apostolique, dont tous les membres ont fui au moment du péril, a vu son chef s'oublier jusqu'à renier, à la parole d'une servante, le maître qui l'avait comblé d'honneurs ; mais depuis le regard de reproche et de pardon que lui a lancé Jésus chez le Grand-Prêtre, Pierre n'a cessé de déplorer sa lâcheté avec les larmes les plus amères. Jésus veut, avant tout, consoler l'humble pénitent, l'assurer de vive voix qu'il lui pardonne, et confirmer de nouveau, par cette marque de prédilection divine, les sublimes prérogatives qu'il lui a conférées naguère devant tous les autres. Pierre doute encore de la résurrection ; il  ne s'est  pas rendu au témoignage de Madeleine ; mais il ne tardera pas à reconnaître le divin ressuscité dans la personne de ce maître offensé, qui s'apprête à se montrer à lui sous les traits d'un ami qui pardonne.

 

 Déjà, dès ce matin, par le commandement d'un maître si. généreux, l'Ange  a dit aux femmes : "Allez,  et dites à ses disciples et à Pierre qu'il vous précédera en Galilée". Pourquoi Pierre est-il nommé ici  par son nom, si ce n'est afin qu'il sache que, s'il a eu le malheur de  renier Jésus, Jésus ne l’a pas  renié ? Pourquoi  n'est il pas nommé, cette fois, à la tête des autres, si ce n'est afin de  lui  épargner l'humiliation qu'offrirait le contraste de sa haute dignité avec la faiblesse indigne qu'il a commise ? Mais cette mention spéciale indique  aussi  qu'il  n'a cessé d'être présent au cœur de son maître, et que bientôt il sera à portée d'expier par ses regrets, par son amende honorable aux pieds de ce maître si glorieux et si rempli de bonté, le malheur qu'il a eu de lui être infidèle. Pierre est lent à croire ;  mais son repentir est sincère et mérite récompense.

 

 Tour à coup, à l'une des heures de cette après-midi, l'Apôtre voit paraître devant lui ce même Jésus qu'il vit, il y a trois jours, garrotté et traîné par les valets de Caïphe, et dont il craignit d'avoir à partager le sort. Mais ce Jésus, alors si humilié, brille maintenant de toutes les splendeurs de sa résurrection : c'est un vainqueur, un Messie glorieux ; mais ce qui rayonne le plus vivement aux yeux de l'Apôtre, c'est l'ineffable bonté de ce divin Roi, qui rassure le pécheur plus encore que son éclat ne l'éblouit. Qui oserait essayer de rendre ce colloque entre le coupable et le divin offensé : les regrets de l'Apôtre, qu'une telle générosité couvre de la plus profonde confusion ; l'assurance du pardon descendant de cette bouche sacrée et remplissant de la joie pascale ce cœur si abattu ? Soyez béni, ô Jésus, qui avez relevé de son abaissement celui que vous nous laisserez pour Chef et pour Père, lorsque vous remonterez au ciel pour n'en plus redescendre qu'à la fin des temps.

 

Après avoir rendu hommage à cette infinie miséricorde qui réside dans le Cœur de notre Sauveur ressuscité, avec non moins de puissance et d'expansion qu'il la daigna manifester dans les jours de sa vie mortelle, admirons la sublime sagesse avec laquelle il continue d'accomplir en saint Pierre le mystère de l'unité de l'Eglise, mystère qui doit résider en cet Apôtre et dans ses successeurs. Jésus lui a dit en présence des autres, à la dernière Cène : "J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas : lorsque tu seras converti, tu confirmeras tes frères". Le moment est venu d'établir en Pierre cette foi qui ne doit jamais manquer : Jésus la lui donne à l'heure même. C'est lui qu'il instruit d'abord par lui-même, afin de poser le fondement.

 

Bientôt il va se montrer aux autres Apôtres ; mais Pierre y sera présent avec ses frères ; en sorte que si cet Apôtre obtient des faveurs auxquelles les autres ne participent pas, ceux-ci n'en reçoivent jamais qu'il n'y ait sa part. C'est à eux de croire sur la parole de Pierre, comme ils le firent ; par le témoignage de Pierre, ils reçoivent la foi de la résurrection et ils la proclament, ainsi que nous le verrons bientôt. Jésus ensuite leur apparaîtra à eux-mêmes ; car il les aime, il les appelle ses frères, il les destine à prêcher sa gloire par toute la terre ; mais il trouvera déjà établie en eux la foi de sa résurrection, parce qu'ils ont cru au témoignage de Pierre ; et le témoignage de Pierre a opéré en eux le mystère de l'unité, qu'il opérera dans l'Eglise jusqu'au dernier jour du monde.

 

 L'apparition de Jésus au Prince des Apôtres est appuyée sur l'Evangile de saint Luc et sur la première Epître de saint Paul aux Corinthiens, et elle est la quatrième de celles qui eurent lieu le jour de la résurrection.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique 

 

Saint Pierre repentant par Le Greco

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article