L'eau dans l'Évangile de Jean : promesses de l'eau nouvelle - "Jésus de Nazareth" de Benoît XVI (extrait du tome I)

L'eau est l'un des éléments originaires de la vie et par conséquent aussi l'un des symboles premiers de l'humanité. Elle se présente à l'homme sous différents aspects et donc aussi sous différentes acceptions.

 

 Tout d'abord nous avons la source, l'eau jaillissant toute fraîche du sein de la terre. La source est origine, commencement dans sa pureté ; elle est encore limpide et intacte. Ainsi, la source apparaît comme l'élément proprement créateur, mais aussi comme le symbole de fécondité, de maternité.

 

Ensuite, nous avons le fleuve. Les grands fleuves - le Nil, l'Euphrate, le Tigre - sont les grands dispensateurs de vie, quasi divins, dans les grands pays qui entourent Israël. En Israël, c'est le Jourdain qui donne vie à ce pays. Lors du baptême de Jésus cependant, nous avons vu que le symbolisme du fleuve présente également une autre face. Par sa profondeur, il représente aussi le danger. La descente dans la profondeur peut par conséquent signifier la descente dans la mort, et la remontée à la surface, la renaissance.

 

 Pour finir nous avons la mer comme puissance admirée et sidérante par sa majesté, mais surtout comme antipode, redouté de tous, de la terre, qui est l'espace vital de l'homme. Le créateur a assigné à la mer sa limite, qu'elle n'a pas le droit de dépasser. Elle n'a pas le droit d'engloutir la terre. La traversée de la mer Rouge est devenue pour Israël avant tout un symbole de salut, tout en renvoyant naturellement aussi à la menace qui fut fatale aux Égyptiens. Si les chrétiens considéraient la traversée de la mer Rouge comme une préfiguration du Baptême, c'est pourtant la mer comme symbole de mort qui domine. Elle devient l'image du mystère de la Croix. Pour renaître, l'homme doit d'abord entrer avec le Christ dans la "mer Rouge", descendre avec lui dans la mort, pour accéder de nouveau à la vie avec le Ressuscité.

 

 Après ces remarques d'ordre général, nous abordons, dans la perspective de l'histoire des religions, le symbolisme de l'eau dans l'Évangile de Jean. Ce symbolisme de l'eau traverse l'Évangile de bout en bout. Nous le rencontrons d'abord dans l'entretien avec Nicodème au troisième chapitre. Pour pouvoir entrer dans le royaume de Dieu, l'homme doit devenir autre, il doit naître de nouveau d'eau et d'Esprit (cf. Jn 3, 5). Qu'est-ce que cela signifie ?

 

Baptême du Christ dans le Jourdain par Jacob de Wit

 

 Le Baptême comme entrée dans la communauté du Christ est interprété comme une "renaissance", qui, par analogie avec la naissance naturelle par fécondation de l'homme et conception de la femme, implique un double principe : l'esprit divin et "l'eau, comme "mère universelle de la vie naturelle" — élevée dans le sacrement par la grâce, à la ressemblance de la Theotokos virginale, Theotokos : littéralement "celle qui a enfanté Dieu.

 

En d'autres termes, la renaissance implique le pouvoir créateur de l'Esprit de Dieu, mais par le sacrement, elle implique aussi le sein maternel de l'Église qui accueille et qui accepte. Photina Rech cite Tertullien : "Jamais le Christ n'est sans l'eau", et interprète correctement cette expression un peu énigmatique de l'écrivain ecclésiastique. "Jamais le Christ ne fut et n'est sans l'ecclesia". L'Esprit et l'eau, le ciel et la terre, le Christ et l'Église, forment un tout. Ainsi, la "renaissance" a lieu. Dans le sacrement l'eau représente la terre maternelle, la sainte Église, qui reçoit la création en elle et qui la représente.

 

Immédiatement après, au chapitre 4, nous rencontrons Jésus au puits de Jacob. Le Seigneur promet à la Samaritaine l'eau qui deviendra une source, une source jaillissant en vie éternelle (cf. Jn 4, 14) en celui qui la boit, de sorte que celui qui en boit ne connaîtra plus la soif. Ici, le symbolisme du puits est lié à l'histoire du salut d'Israël. Lors de la vocation de Nathanaël, Jésus s'était déjà révélé comme le nouveau, le plus grand Jacob. Au-dessus de la pierre qui lui servait d'oreiller pendant son sommeil, Jacob avait vu, dans une vision nocturne, les anges de Dieu monter et descendre. Jésus prédit à Nathanaël que ses disciples verront le ciel ouvert au-dessus de lui, et qu'ils verront monter et descendre les anges de Dieu (cf. Jn 1, 51). Ici, près du puits de Jacob, nous rencontrons Jacob comme le grand ancêtre qui a donné le puits et, avec le puits, l'eau, l'élément fondamental de la vie. Mais l'homme ressent une soif plus grande, au-delà de l'eau du puits, parce qu'il est en quête d'une vie qui transcende la sphère biologique.

 

Nous allons rencontrer la même tension intrinsèque à l'être humain dans le chapitre sur le pain. Moïse a donné la manne, il a donné le pain venu du ciel. Mais c'était tout de même du "pain" terrestre. La manne est une promesse. Le nouveau Moïse donnera de nouveau du pain. Et il faudra donner plus, plus que ce que la manne a pu être. On voit de nouveau que l'homme est tendu vers l'infini, vers un autre "pain", qui sera vraiment le "pain venu du ciel".

 

Ainsi, les promesses de l'eau nouvelle et du pain nouveau se correspondent. Elles correspondent à l'autre dimension de la vie, à laquelle l'homme aspire inévitablement. Jean distingue entre bios et zoé, la vie biologique et la vie plus vaste qui, étant elle-même source, n'est pas soumise à la mort ni à la destinée qui marquent la création tout entière. Dans l'entretien avec la Samaritaine, l'eau redevient, certes sous une forme différente, le symbole du Pneuma, de la véritable puissance de vie qui étanche la soif la plus profonde de l'homme en lui donnant la vie intégrale qu'il attend sans la connaître. 

 

> fiche de l'édition de poche

demain : les deux sacrements principaux de l'Église jaillissent du cœur transpercé de Jésus

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