Les Mystères des offrandes des Mages

Les Mages ne se contentèrent pas d'adorer le grand Roi que Marie présentait à leurs hommages. A l'exemple de la Reine de Saba qui vint honorer le Roi pacifique, en la personne du sage et opulent fils de David, les trois Rois de l'Orient ouvrirent leurs trésors et en tirèrent de riches offrandes. L'Emmanuel daigna agréer ces dons mystérieux ; mais, à l'exemple de Salomon son aïeul, il ne laissa point partir les Princes sans les combler lui-même de présents qui dépassaient infiniment en richesse ceux qu'il avait daigné agréer. Les Mages lui présentaient les offrandes de la terre ; et Jésus les comblait des dons célestes. Il confirmait en eux la foi, l'espérance et la charité ; il enrichissait, en leurs personnes, son Eglise tout entière qu'ils représentaient ; et les paroles du divin Cantique de Marie recevaient leur accomplissement sur eux, et aussi sur la Synagogue qui les avait laissés seuls marcher à la recherche du Roi d'Israël : "Ceux qui avaient faim, il les a remplis de biens ; et ceux qui étaient opulents, il les a renvoyés dans la disette."

Mais considérons ces présents des Mages, et reconnaissons, avec l'Eglise et les Pères, les Mystères qu'ils exprimaient.

Ces dons étaient au
nombre de trois, afin d'honorer le nombre sacré des Personnes dans l'Essence divine ; mais le nombre inspiré trouvait une nouvelle application dans le triple caractère de l'Emmanuel. Ce Fils de Dieu venait régner sur le monde : il convenait de lui offrir l'Or qui marque la puissance suprême. Il venait exercer le souverain Sacerdoce, et réconcilier, par sa médiation, le ciel et la terre : il convenait de lui présenter l'Encens qui doit fumer dans les mains du Prêtre. Sa mort pouvait seule le mettre en possession du trône préparé à son humanité glorieuse ; cette mort devait inaugurer le Sacrifice éternel de l'Agneau divin : la Myrrhe était là pour attester la mort et la sépulture d'une victime immortelle.

L'Esprit-Saint qui inspira les Prophètes avait donc dirigé les Mages dans le choix de ces mystérieuses offrandes ; et c'est ce que nous dit éloquemment saint Léon, dans un de ses Sermons sur l'Epiphanie : "O admirable foi qui mène à la science parfaite, et qui n'a point été instruite à l'école d'une sagesse terrestre, mais éclairée par l'Esprit-Saint lui-même ! Car où avaient-ils découvert la nature inspirée de ces présents, ces hommes qui sortaient de leur patrie, sans avoir encore vu Jésus, sans avoir puisé dans ses regards la lumière qui dirigea si sûrement le choix de leurs offrandes ! Tandis que l'Etoile frappait les yeux de leur corps, plus pénétrant encore, le rayon de la vérité instruisait leurs cœurs. Avant d'entreprendre les fatigues d'une longue route, ils avaient déjà connu Celui à qui étaient dus, par l'Or, les honneurs de Roi ; par l'Encens, le culte divin ; par la Myrrhe, la foi dans sa mortalité."

Si ces présents représentent merveilleusement
les caractères de l'Homme-Dieu, ils ne sont pas moins remplis d'enseignements par les vertus qu'ils signifient, et que le divin Enfant reconnaissait et confirmait dans l'âme des Mages. L'Or signifie pour nous, comme pour eux, la charité qui unit à Dieu ; l'Encens, la prière qui appelle et conserve Dieu dans le cœur de l'homme ; la Myrrhe, le renoncement, la souffrance, la mortification, par lesquels nous sommes arrachés à l'esclavage de la nature corrompue. Trouvez un cœur qui aime Dieu, qui s'élève à lui par la prière, qui comprenne et goûte la vertu de la croix : vous aurez en ce cœur l'offrande la plus digne de Dieu, celle qu'il agréera toujours.

Nous ouvrons donc aussi notre trésor, ô Jésus ! et nous mettons à vos pieds nos présents. Après avoir confessé votre triple gloire de Dieu, de Prêtre et d'Homme, nous vous supplions d'agréer le désir que nous avons de répondre par l'amour à l'amour que vous nous témoignez ; nous osons môme vous dire que nous vous aimons, ô Dieu ! ô Prêtre ! ô Homme ! Augmentez cet amour que votre grâce a fait naître. Recevez aussi notre prière, tiède et imparfaite, mais cependant unie à celle de votre Eglise. Enseignez-nous à la rendre digne de vous, et proportionnée aux effets que vous voulez qu'elle produise ; formez-la en nous, et qu'elle s'élève sans cesse de notre cœur, comme un nuage de parfums. Recevez enfin l'hommage de nos cœurs contrits et pénitents, la volonté que nous avons d'imposer à nos sens le frein qui les règle, l'expiation qui les purifie.

Illuminés par les hauts mystères qui nous révèlent la profondeur de notre misère et l'immensité de votre amour, nous sentons qu'il nous faut, plus que jamais, nous éloigner du monde
et de ses convoitises, et nous attacher à vous. L'Etoile n'aura pas lui en vain sur nous ; elle ne nous aura pas en vain conduits jusqu'à Bethléhem, où vous régnez sur les cœurs. Quand vous vous donnez vous-même, ô Emmanuel ! quels trésors pourrions-nous avoir que nous ne devions être prêts à déposer à vos pieds ?

Protégez notre offrande, ô Marie ! Celle des Mages, accompagnée de votre médiation, fut agréable à votre Fils ; la nôtre, présentée par vous, trouvera grâce, malgré son imperfection. Aidez notre amour par le vôtre ; soutenez notre prière par l'intervention de votre Cœur maternel ; fortifiez-nous dans la lutte avec le monde et la chair. Pour assurer notre persévérance, obtenez-nous de ne jamais oublier les doux mystères qui nous occupent présentement ; qu'à votre exemple, nous les gardions toujours gravés dans notre cœur. Qui oserait offenser Jésus dans Bethléhem ? qui pourrait refuser quelque chose à son amour, en ce moment où, sur vos genoux maternels, il attend notre offrande ?

O Marie ! ne nous laissez jamais oublier que nous sommes les enfants des Mages, et que Bethléhem nous est toujours ouverte.


D
OM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 


Adoration by Master of the Vienna Adoration

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