Jésus-Christ naît à Bethléem de Juda. Quelle faveur pour cette cité ! Ce n'est point à Jérusalem, la ville des
rois de Juda, mais à Bethléem, la moindre de toutes les villes de Juda. O Bethléem, tu es bien petite, mais le Seigneur t'a bien grandie maintenant !
Oui, celui qui, de grand qu'il est, a voulu naître petit dans tes murs, t'a comblée de gloire. Réjouis-toi donc, ô Bethléem, et que l'Alléluia de fête retentisse dans tes carrefours aujourd'hui.
Quelle cité au monde, en apprenant cette nouvelle, ne t'enviera point cette précieuse étable, et la gloire de ta crèche ? Déjà ton nom est célèbre dans toute la terre ; toutes les nations te
proclament bienheureuse. On dit de toi des choses glorieuses, ô cité de Dieu. Partout on chante ces paroles : Un homme est né dans cette ville, et le Très-Haut lui-même l'a fondée. Oui, partout
on dit, partout on répète : "Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est né à Bethléem de Juda."
Il ne faut pas regarder comme inutile ce mot même, de Juda ; car il nous fait souvenir de la promesse faite aux patriarches - "Le sceptre ne sortira point de Juda, ni le prince de la postérité,
jusqu'à ce que celui qui doit être envoyé et qui sera l'attente des nations, soit venu." En effet, le salut doit venir des Juifs et, de chez eux, se répandre au bout du monde. "Juda, dit le
Patriarche, tes frères te loueront, et ta main fera peser le joug sur tes ennemis", et le reste, qui ne s'est jamais accompli en Juda, mais qui l'est sous nos yeux, un Jésus-Christ.
C'est lui, en effet, qui est ce Lion de la tribu de Juda, dont il a été dit : "Juda est un jeune lion ; tu t'es levé, mon fils, pour saisir ta proie." Ce grand ravisseur, "qui se charge
des dépouilles de la Samarie, avant même de savoir nommer son père et sa mère" n'est autre que le Christ, car c'est lui qui, en s'élevant en l'air, a emmené avec lui, comme en triomphe, une
grande multitude de captifs ; ou plutôt non, il ne nous a rien ravi, tout au contraire, il a comblé les hommes de ses dons. Ces mots "Bethléem de Juda" me rappellent donc à l'esprit ces
prophéties et plusieurs autres semblables qui se sont accomplies en Jésus-Christ à qui elles se rapportaient ; aussi n'y a-t-il pas à rechercher pour nous s'il peut venir quelque chose de bon de
Bethléem.
Remarquez donc bien que le Christ naît à Bethléem, de Juda, et efforcez-vous de devenir une autre Bethléem, de Juda, si vous voulez qu'il vous fasse la grâce de le recevoir aussi en vous. Or,
Bethléem signifie la maison du pain, et Juda, la confession. Pour vous donc, si vous nourrissez votre âme du pain de la parole divine ; si, tout indignes que vous soyez, vous recevez avec toute
la foi et la piété dont vous êtes capables ce pain qui est descendu du ciel et donne la vie au monde, je veux dire le corps du Seigneur Jésus, en sorte que cette nouvelle chair de résurrection
répare et fortifie la vieille outre de votre corps, en resserre le tissu et la rende capable de supporter le vin nouveau dont elle est remplie ; si enfin vous vivez de la foi et ne gémissez point
pour avoir oublié de manger votre pain, vous êtes une autre Bethléem, et il ne vous manque plus que la confession pour être tout à fait digne de recevoir le Sauveur. Que la Judée soit donc votre
sanctification.
Revêtez-vous de la confession et de la beauté, qui sont le plus beau vêtement que le Christ recherche avant tout dans ses ministres. D'ailleurs l'Apôtre vous les recommande l'une et l'autre en
deux mots, quand il dit : "On croit de coeur pour obtenir la justice, et on confesse de bouche pour obtenir le salut." Or, la justice dans le coeur, c'est du pain dans la main ; car la
justice est un pain selon ces paroles : "Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés."
Que votre coeur possède donc la justice, mais cette justice qui vient de la foi, car il n'y a que celle-là qui soit en honneur auprès de Dieu. Mais en même temps que votre bouche la confesse pour
obtenir le salut, après cela vous pouvez en toute sécurité recevoir celui qui naît à Bethléem de Juda, c'est-à-dire Jésus-Christ, le Fils de Dieu.
SAINT BERNARD
PREMIER SERMON POUR LA VEILLE DE NOËL. Sur ces paroles du martyrologe : Jésus-Christ, fils de Dieu, naît à Bethléem de Juda
Œuvres complètes de Saint
Bernard
Nativité par Rogier van den
Weyden