LYDWINE naquit, en Hollande, à Schiedam, près de la Haye, le lendemain de la fête de sainte Gertrude, le dimanche des Rameaux de l’an du Seigneur 1380.
Son père, Pierre, occupait l’emploi de veilleur de nuit de la ville et sa mère, Pétronille, était originaire de Ketel, un village voisin de Schiedam. Ils étaient issus, l’un et l’autre, paraît-il, de familles qui, après avoir connu une certaine aisance, étaient devenues pauvres. Les ancêtres de Pierre, qui auraient appartenu à la noblesse, étaient de valeureux capitaines, dit Thomas A Kempis.
Nous ne possédons aucun autre renseignement précis sur leurs lignées ; les historiens de la sainte nous entretiennent seulement du père de Pierre, c’est-à-dire du grand-père de Lydwine, Joannes, qu’ils nous présentent tel qu’un pieux homme, priant nuits et jours, ne mangeant de la viande que le dimanche, jeûnant deux fois par semaine et se contentant, le samedi, d’un peu de pain et d’eau. Il perdit sa femme à l’âge de quarante ans et fut opiniâtrement assailli par le Démon. Sa chaumine subit les phénomènes des maisons hantées ; le Diable la secouait du haut en bas, chassait les domestiques, brisait la vaisselle sans cependant, spécifie assez bizarrement Gerlac, que le beurre contenu dans les pots qui se cassaient, se répandit.
Quant à son fils Pierre, il eut de sa femme Pétronille neuf enfants, une fille, Lydwine, qui fut la quatrième par rang d’âge, et huit garçons dont deux nous sont signalés par les biographes, l’un par son nom de Baudouin simplement ; l’autre, Wilhelm, qui apparaît, à plusieurs reprises, dans l’histoire de sa sœur. Il se maria et eut une fille qui porta le nom de son aïeule Pétronille et un garçon qui s’appela comme son oncle Baudouin. Si nous citons encore un cousin Nicolas, dont on aperçoit deux fois le profil, à la cantonade dans ce récit, et un autre parent, Gerlac l’écrivain, qui, tout en étant moine demeura longtemps, sans qu’on sache pourquoi, dans la maison de la sainte, nous aurons donné, je pense, tout ce que les anciens textes nous apprennent sur cette famille.
Le jour où naquit Lydwine, sa mère, qui ne se croyait pas sur le point d’enfanter, se rendit à la grand’messe ; mais les douleurs la saisirent et elle dut rentrer précipitamment à la maison ; elle y accoucha, au moment même où, en cette fête des Palmes, l’on chantait à l’église la Passion de Notre-Seigneur, selon saint Mathieu. Sa délivrance fut indolore et facile, alors que ses précédentes gésines avaient été si laborieuses qu’elle avait failli y succomber.
L’enfant reçut sur les fonts baptismaux le nom de Lydwine, ou Lydwyd, ou Lydwich, ou Liedwich, ou Lidie, ou Liduvine, nom qui, sous ces orthographes et ces résonnances différentes, dériverait du mot flamand "lyden", souffrir, ou signifierait, d’après Brugman, en langue germanique, "grande patience".
Les biographes observent, à ce sujet, que cette appellation et que le moment même de la fête où la petite vint au monde, furent prophétiques.
J.-K. Huysmans
Huysmans, 1902