Ma sainte promenade où je n'avais eu pour guide que l'Évangile

 

Le temps que j'avais prescrit à mon séjour à Jérusalem s'écoulait rapidement ; je voulus encore visiter les lieux témoins de la Passion, mais, cette fois, dans l'ordre du récit de l'Évangile, que je feuilletais en marchant.

 

Je traversai donc Jérusalem dans sa longueur ; passant la grande piscine, la porte de Sitti Mariam le lieu du martyre de saint Étienne, et, laissant à droite le sépulcre de la Vierge, j'arrivai dans la vallée de Josaphat ; puis, m'élevant sur les flancs de la montagne, j'allai me placer au jardin de Gethsémani, où commence cette sublime histoire. Quelques oliviers, vieux comme elle, couvrent encore de leurs troncs énormes ce lieu sacré. Ces arbres, qui se succèdent par des rejets nombreux et toujours respectés, portent une marque distinctive ; ils sont vénérés des Turcs et exempts d'une partie de l'impôt. J'ajoute que la piété des pèlerins laisse rarement parvenir leurs fruits à maturité.

 

Ici, s'endormirent les disciples ; là, Jésus-Christ pria, languit et s'affligea dans la grotte dite de l'Agonie, où sont dressés quelques autels ; on montre la place du baiser de Judas et de l'arrestation de Notre-Seigneur. Toujours dans ce même jardin des Olives qui est un seul grand champ aujourd'hui, le cortège descendit la vallée de Josaphat, tandis que les fils de Zébédée se cachaient dans les grottes des tombeaux, lesquelles sont à droite sous la montagne qui fait face à Jérusalem. On traversa le lit pierreux du Cédron, et, montant la colline de Sion par un sentier tracé sur ses flancs entre le torrent et les nouveaux remparts de la ville, on parvint à la maison d'Anne qui est aujourd'hui un couvent arménien.

 

Je continuai sur la montagne mon pieux itinéraire, et, de la maison d'Anne pontife, je passai au palais de Caïphe, son gendre, prince des prêtres, lequel était situé un peu plus haut sur le sommet de Sion ; puis, comme je descendais vers la ville et rentrais par la porte des Maugrebins, autrefois la porte Sterquiline, les hautes murailles de la mosquée qui a remplacé le temple de Salomon m'obligèrent à un long détour pour arriver au prétoire compris dans la nouvelle enceinte de la ville.

 

C'est encore là qu'habite le gouverneur, mais ce n'est plus Rome qui l'envoie, c'est Constantinople ; les mêmes portes qui conduisaient chez Pilate s'ouvrent aujourd'hui pour mener chez le Moutselim ; ces murs qui virent Jésus Christ ont vu Titus, Cosroës, Omar, Saladin, des rois de France et d'Angleterre, des soudans d'Egypte, Godefroy, Lusignan, et Yacoub Mohammed Aga, gouverneur actuel de Jérusalem la Sainte.

 

La fenêtre de l'Ecce Homo domine encore ces ruines, et la, voûte qui la supporte traverse la rue comme un pont. Le lieu de la flagellation est une grotte qu'on laissé à droite, en remontant la Voie Douloureuse ; les tchaouch (soldats-gardes) du gouverneur y mettent leurs chevaux. La colonne à laquelle Jésus Christ fut attaché pendant l'ignoble torture s'y trouvait autrefois ; elle se conserve aujourd'hui dans l'intérieur de l'église du Saint-Sépulcre.

 

Je suivis, en quittant le prétoire, la rue nommée en arabe Harat-el-àllam, Chemin de douleur. Elle est au centre de Jérusalem. Des signes tracés sur les murs à diverses distances, indiquent les lieux où Notre Seigneur tomba sous le faix de la croix, et une croix rouge marque l'endroit de la rencontre avec Simon le Cyrénéen.

 

Plus loin, à un coude que fait la rue, la tradition qui se mêle partout aux récits de l'Évangile raconte que Marie aperçut son fils courbé sous le honteux fardeau et s'évanouit ; Sainte Hélène avait fait construire à ce même endroit une chapelle, qui n'a jamais été achevée, sous le nom de Défaillance de la Vierge.

 

En face, est une chambre basse et obscure assez semblable à une prison c'est la maison du pauvre Lazare ; car la tradition veut encore que cette parabole soit le récit d'une histoire véritable. On voit, dans l'angle gauche de la rue qui se replie à cette hauteur, la maison du mauvais riche. C'est aujourd'hui une des plus belles de Jérusalem, toute vieille qu'elle soit en apparence.

 

Plus haut, le Sauveur rencontra les filles de Jérusalem et leur adressa des paroles prophétiques. Puis viennent la maison de Sainte Véronique et la porte Judiciaire ; il n'y a plus alors que quelques pas jusqu'au lieu du supplice. Je me fis de nouveau ouvrir la porte de l'église du Saint-Sépulcre, et là, sous la voûte, montant les dix-neuf degrés qui vont du sol au sommet du Golgotha, je me trouvai sur le Calvaire où tout fut consommé.

 

Je redescendis ensuite auprès de la tombe, sublime dénouement de cette histoire si simple et si touchante. Ainsi se termina ma sainte promenade où je n'avais eu pour guide que l'Évangile.

 

 

Vicomte de Marcellus, Souvenirs de l'Orient, 1839

 

Ma sainte promenade où je n'avais eu pour guide que l'Évangile

Début du Chemin de Croix, photographie de Jean-Michel Berts, Jérusalem 2013

 

" Je traversai donc Jérusalem dans sa longueur, passant la grande piscine, la porte de Sitti Mariam le lieu du martyre de saint Étienne. "

 

 

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