Le même jour beaucoup de gens virent dans la ville sainte le seigneur Adhémar, évêque du Puy, homme plein de vertus et dont la mémoire est immortelle, et qui, comme je l'ai rapporté, était mort à Antioche, plusieurs hommes vénérables et dignes de foi affirmèrent alors et soutinrent constamment l'avoir vu aussi de leurs yeux mortels monter le premier sur les murailles de la ville et exciter tous les fidèles à y pénétrer ; dans la suite il apparut aussi d'une manière manifeste à un grand nombre de Chrétiens tandis qu'ils visitaient les saints lieux.
Plusieurs autres encore, en l'honneur desquels on avait célébré les offices des morts pendant le cours du voyage et qui s'étaient pieusement endormis dans le sein du Christ, se montrèrent à beaucoup de Croisés dans la même ville, entrant avec eux et s'approchant des lieux saints. Ainsi il devenait évident que, quoiqu'ils se fussent retirés de la vie temporelle, appelés à l'éternelle béatitude, ils n'avaient point été frustrés dans leurs voeux, qu'ils obtenaient pleinement ce qu'ils avaient recherché avec une si pieuse ardeur, et tous trouvaient dans ces faits une grande preuve de leur future résurrection. Et comme, lors de la résurrection du Seigneur, beaucoup de saints, ensevelis dans le sommeil, s'étaient relevés et avaient apparu à beaucoup de gens dans la cité sainte, de même, au moment où les fidèles délivraient le lieu de la sainte résurrection des superstitions des Gentils, il était digne d'un si grand événement que les anciens miracles fussent renouvelés et que l'on crût voir ressusciter en esprit ceux qui s'étaient si religieusement consacrés au service du Seigneur, ressuscitant lui-même une seconde fois. Ainsi, et de beaucoup d'autres manières encore, se manifestait dans la cité sainte, en présence du peuple de Dieu, cette surabondance de la grâce céleste, opérant par des voies miraculeuses, mais qui ne causaient plus d'étonnement.
Le peuple chrétien se sentait animé de tels transports d'une douce joie qu'il oubliait tous ses travaux, les fatigues infinies qu'il avait eu à souffrir, et s'estimait heureux puisqu'il lui était accordé de prendre part à ces dons divins. Toute la ville retentissait de chants sacrés qui s'élevaient au Seigneur, et célébrait cette solennité comme si elle en eût reçu l'ordre de Dieu même : on voyait s'accomplir littéralement cet oracle du prophète : Réjouissez-vous avec Jérusalem, soyez dans l'allégresse avec elle, vous tous qui l'aimez.
GUILLAUME DE TYR, HISTOIRE DES CROISADES, BnF - Gallica
Cielo invernale sopra le cupole della Basilica del Santo Sepolcro, photo Enrique Bermejo Cabrera