XXXV. QUATRIÈME ET CINQUIÈME CHUTES DE JÉSUS - LES FEMMES DE JÉRUSALEM
Le cortège était encore à quelque distance de la porte qui est située dans la direction du sud-ouest. On arrive par un chemin un peu en pente à cette porte qui est fortifiée. On passe d'abord
sous une arcade voûtée, puis sur un pont, puis sous une autre arcade. A la sortie, les murs de la ville vont quelque temps au midi, puis au couchant, puis encore au midi, pour entourer la
montagne de Sion. A droite de la porte, la muraille va dans la direction du nord, jusqu'à la porte de l'angle, puis elle tourne vers le levant, en longeant la partie septentrionale de
Jérusalem.
Lorsque le cortège approcha de la porte, les archers accélérèrent leur marche. Le chemin était très inégal et, immédiatement avant la porte, il y avait un grand bourbier. Les archers tirèrent
violemment Jésus en avant et on se pressa les uns contre les autres. Simon de Cyrène voulut passer à côté, ce qui fit dévier la croix, et Jésus tombant pour la quatrième fois sous son fardeau,
fut rudement précipité dans le bourbier, en sorte que Simon put à peine retenir la croix. Il dit alors d'une voix affaiblie et pourtant distincte : “Hélas ! hélas ! Jérusalem, combien je t'ai
aimée ! j'ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu me chasses si cruellement hors de tes portes !” Le Seigneur parla ainsi avec une tristesse
profonde, mais les Pharisiens ayant entendu ces paroles, l'insultèrent de nouveau, disant : “ce perturbateur n'en a pas fini : il tient encore de mauvais propos” ; puis ils le frappèrent et le
traînèrent en avant pour le retirer du bourbier, Simon de Cyrène fut si indigné des cruautés exercées envers Jésus, qu'il s'écria : “Si vous ne mettez pas fin à vos infamies je jette là la croix,
quand même vous voudriez me tuer aussi.”
Au sortir de la porte on voit un chemin étroit et rocailleux, qui se dirige quelque temps au nord et conduit au Calvaire. La grande route d'où ce chemin s'écarte se partage en trois
embranchements à quelque distance de là : l'un tourne à gauche vers le sud-ouest, et conduit à Bethléhem, l'autre se dirige au couchant, vers Emmaüs et Joppe, le troisième tourne au nord-ouest
autour du Calvaire, et aboutit à la pointe de l'angle qui conduit à Bethsur. De la porte par laquelle Jésus sortit, on peut voir à gauche, vers le sud-ouest, celle de Bethléem. Ces deux portes
sont, parmi les portes de Jérusalem, les plus rapprochées l'une de l'autre. Au milieu de la route, devant la porte, à l'endroit où commence le chemin du Calvaire, on avait placé sur un poteau un
écriteau annonçant la condamnation à mort de Jésus et des deux larrons. Les caractères étaient blancs et en relief, comme si on les y eût collés.
Non loin de là, à l'angle de ce chemin, était une troupe de femmes qui pleuraient et gémissaient . C'étaient pour la plupart des vierges et de pauvres femmes de Jérusalem avec leurs enfants, qui
étaient allées en avant du cortège, d'autres étaient venues pour la Pâque, de Bethléem, d'Hébron et des lieux circonvoisins. Jésus tomba presque en défaillance mais il n'alla pas tout à fait à
terre, parce que Simon fit reposer la croix sur le sol, s'approcha de lui et le soutint. C'est la cinquième chute de Jésus sous la croix.
A la vue de son visage si défait et si meurtri, les femmes poussèrent des cris de douleur, et, suivant la coutume juive, présentèrent à Jésus des linges pour essuyer sa face. Le Sauveur se tourna
vers elles, et dit : “Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi : pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants, car il viendra bientôt un temps où l'on dira : Heureuses les stériles et les
entrailles qui n'ont point engendré et les seins qui n'ont point allaité ! Alors on commencera à dire aux montagnes : Tombez sur nous ! et aux collines : Couvrez-nous ! Car si on traite ainsi le
bois vert, que sera-ce de celui qui est sec ?" Il leur adressa d'autres belles paroles que j'ai oubliées : je me souviens seulement qu'il leur dit que leurs larmes seraient récompensées,
qu'elles marcheraient dorénavant sur d'autres chemins.
Il y eut une pause en cet endroit : les gens qui portaient les instruments du supplice se rendirent à la montagne du Calvaire suivis de cent soldats romains de l'escorte de Pilate, lequel avait
accompagné de loin le cortège ; arrivé à la porte, il rebroussa chemin vers l'intérieur de la ville.
LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine
Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès Gallica
'Die ekstatische Jungfrau Katharina
Emmerick' par Gabriel von Max, München, Neue Pinakothek