XXXVI. JÉSUS SUR LE MONT GOLGOTHA - SIXIÈME ET SEPTIÈME CHUTES DE
JÉSUS
On se remit en marche, Jésus pliant sous son fardeau et sous les coups, monta péniblement entre les murs de la ville et le Calvaire. A l'endroit où le sentier tortueux se détourne et monte
vers le midi, il tomba pour la sixième fois, et cette chute fut très douloureuse. On le poussa, on le frappa plus brutalement que jamais, et il arriva au rocher du Calvaire où il tomba sous la
croix pour la septième fois.
Simon de Cyrène, maltraité et fatigué lui-même, était plein d'indignation et de pitié : il aurait voulu soulager encore Jésus, mais les archers le chassèrent en l'injuriant. Il se réunit bientôt
après aux disciples. On renvoya aussi tous les enfants et les manoeuvres qui avaient fait partie du cortège et dont on n'avait plus besoin. Les Pharisiens à cheval étaient arrivés par des
chemins commodes situés du côté occidental du Calvaire. On pouvait voir de là par dessus les murs de la ville. Le plateau supérieur, le lieu du supplice, est de forme circulaire ; son étendue est
à peu près celle d'un manège de moyenne grandeur : tout autour est un terrassement que coupent cinq chemins. Ces cinq chemins se retrouvent en beaucoup d'endroits du pays ; ainsi, aux lieux où
l'on prend les eaux, où l'on baptise, à la piscine de Bethsaida : plusieurs villes ont aussi cinq portes. C'est une disposition ordinaire dans les établissements des temps antiques ; elle s'est
conservée parfois dans ceux des temps plus récents, quand une bonne inspiration y a présidé. Il y a là, comme partout dans la Terre Sainte, un sens profond et comme une prophétie accomplie
aujourd'hui par l'ouverture des cinq voies de salut dans les cinq plaies sacrées du Sauveur.
Les Pharisiens à cheval s'arrêtèrent devant le plateau, du côté du couchant où la pente de la montagne est douce : le côté par où l'on amène les condamnés est sauvage et escarpé. Une centaine de
soldats romains, originaires des frontières de la Suisse, étaient postés de coté et d'autre. Quelques-uns étaient près des deux larrons, qu'on n'avait pas conduits tout à fait en haut pour
laisser la place libre, mais qu'on avait couchés sur le dos un peu plus bas, à l'endroit où le chemin se détourne vers le midi, en leur laissant les bras attachés aux pièces transversales de leur
croix. Beaucoup de gens, la plupart de la basse classe, des étrangers, des esclaves, beaucoup de femmes, toutes personnes qui n'avaient point à craindre de se souiller, se tenaient autour de la
plate-forme. Leur nombre allait toujours croissant sur les hauteurs environnantes, où s'arrêtaient beaucoup de gens qui se rendaient à la ville. Vers le couchant, il y avait tout un camp
d'étrangers venus pour la fête. Beaucoup d'entre eux regardaient de loin, d'autres s'approchaient successivement.
Il était à peu près onze heures trois quarts lors de la dernière chute de Jésus et du renvoi de Simon. Les archers tirèrent Jésus avec les cordes pour le relever, délièrent les morceaux de la
Croix et les mirent par terre les uns sur les autres. Hélas ! quel douloureux spectacle se présenta : le Sauveur debout sur le lieu de son supplice, si triste, si pâle, si déchiré, si sanglant !
Les archers le jetèrent à terre en l'insultant : “Roi des juifs, lui dirent-ils, nous allons arranger ton trône.” Mais lui-même se coucha sur la croix de son propre mouvement ; si le triste état
où il se trouvait lui eût permis de le faire plus promptement, ils n'auraient pas eu besoin de le jeter par terre. Ils l'étendirent sur la croix pour prendre la mesure de ses membres, pendant que
les Pharisiens qui se trouvaient là l'insultaient ; puis ils le relevèrent et le conduisirent à soixante-dix pas au nord, à une espèce de fosse creusée dans le roc, qui ressemblait à une cave ou
à une citerne : ils l'y poussèrent si rudement, qu'il se serait brisé les genoux contre la pierre sans un secours miraculeux. Ils en fermèrent l'entrée et laissèrent là des gardes.
J'entendis distinctement ses gémissements plaintifs. Je crois aussi avoir vu au-dessus de lui des anges qui l'empêchaient de se briser les genoux ; cependant il gémit d'une façon qui déchirait le
coeur. La pierre s'amollit sous ses genoux. Ce fut alors que les archers commencèrent leurs préparatifs. Au milieu de la plate-forme circulaire se trouvait le point le plus élevé du rocher du
Calvaire ; c'était une éminence ronde d'environ deux pieds de hauteur, à laquelle on arrivait par quelques degrés. Ils creusèrent là les trous où les trois croix devaient être plantées, et
dressèrent à droite et à gauche les croix des voleurs, qui étaient grossièrement préparées et plus basses que celles de Jésus. Les pièces transversales, contre lesquelles ceux-ci avaient toujours
les mains liées, furent fixées plus tard au-dessous du bout supérieur de la pièce principale.
Ils placèrent la croix du Christ au lieu où ils devaient le clouer, de manière à pouvoir la lever sans peine et la faire tomber dans le trou qui lui était destiné. Ils assujettirent les deux
bras, clouèrent le morceau de bois où devaient reposer les pieds, percèrent des trous pour les clous et pour l'inscription, enfoncèrent des coins au-dessous de chacun des bras, et firent ça et là
quelques entailles, soit pour la couronne d'épines, soit pour les reins du Sauveur, afin que son corps fût soutenu, non suspendu, et que tout le poids ne portât pas sur les mains, qui auraient pu
être arrachées des clous. Ils plantèrent des pieux en terre derrière l'éminence où devait s'élever la croix, et y fixèrent une poutre destinée à servir de point d'appui aux cordes avec lesquelles
ils soulèveraient la croix ; enfin ils firent d'autres préparatifs du même genre.
LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine
Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès Gallica
'Die ekstatische Jungfrau Katharina
Emmerick' par Gabriel von Max, München, Neue Pinakothek