Saint Eustache et ses Compagnons Martyrs

Vingt septembre ! Date qui marque l'un des plus sombres jalons de l'histoire. A l'apogée de sa puissance, aux grands jours de Pépin et de Charlemagne, la fille aînée de l'Eglise avait couronné sa mère ; reine de fait comme de droit parmi les rois de la terre, l'Eglise, dans son chef, régna jusqu'à l'heure où, après mille ans, Satan mit à profit la ruine de la France tombée, pour dépouiller Pierre du patrimoine qui assurait son indépendance. L'Exaltation de la sainte Croix projette bien toujours sur nous ses rayons.

 

 Comme hier, un groupe de martyrs, une famille entière, le père, la mère, les fils, forment à l'étendard du salut un rempart glorieux. Rien de mieux attesté que l'antiquité de leur culte, en Orient comme en Occident. Moins assurés sont les détails de leur vie. Placide le tribun, dont Josèphe énumère les exploits dans sa Guerre des Juifs, aurait-il quelque rapport avec Eustache célébré en ce jour ? La généalogie de notre Saint le rattacherait-elle à la famille Octavia , d'où sortit Auguste ? Et faut-il voir son direct héritier dans le noble Tertullus confiant à saint Benoît son fils Placide, l'enfant bien-aimé du patriarche, le protomartyr de l'Ordre bénédictin ? Subiaco posséda longtemps la montagne où d'antiques traditions placent le lieu de l'apparition du cerf mystérieux ; Tertullus l'aurait léguée comme héritage patrimonial au monastère auquel il donnait son fils. Mais le temps nous permet à peine de rappeler du moins que ces questions furent posées.

 

Il est peu de Légendes aussi touchantes que celle de nos Martyrs : 

Eustache, appelé aussi Placide, illustre entre les Romains par la naissance, les richesses et la gloire des armes, mérita sous l'empereur Trajan le titre de maître de la milice. Or, un jour que, chassant, il poursuivait un cerf de grandeur extraordinaire, l'animal s'arrêta soudain, et il vit entre ses cornes se dresser brillante l'image du Seigneur crucifié ; il entendit le Christ l'inviter à courir la proie de l'immortelle vie. Théopista, son épouse, et ses deux fils en bas âge, Agapit et Théopiste, entrèrent avec lui dans la milice chrétienne.

 

Bientôt, de retour au lieu où la vision lui était apparue, selon l'ordre qu'il en avait  reçu du Seigneur,  il l'entendit lui annoncer combien il aurait à souffrir désormais pour sa gloire. D'incroyables calamités fondirent, en effet, sur lui, et firent briller son admirable patience. Réduit bientôt à l'indigence la plus extrême, il est contraint de se retirer secrètement. Mais en route, son épouse d'abord, ensuite ses fils, lui sont enlevés dans les plus lamentables circonstances. Longtemps, sous le poids de ses malheurs, il demeura caché dans une contrée lointaine, travaillant aux champs. Enfin une voix du ciel releva son âme ; et les conjonctures devinrent telles que Trajan, l'ayant fait chercher, lui confia de nouveau la conduite de la guerre.

 

Dans cette expédition, il retrouva d'une manière inespérée ses enfants et leur mère. Grandes furent les félicitations de tous, au jour où, vainqueur, il rentra dans Rome. Mais, peu après, l'ordre arriva de sacrifier aux faux dieux en reconnaissance de la victoire. Eustache s'y refusa constamment ; ce fut en vain qu'on chercha par tous les moyens à lui faire abjurer sa foi au Christ. Avec sa femme et ses fils, on le jeta aux lions dont la douceur rendit l'empereur furieux. Il commanda qu'on enfermât les confesseurs dans un taureau d'airain rougi au feu. Ce fut de là qu'ayant consommé leur martyre en glorifiant Dieu, ils s'envolèrent ensemble à l'éternelle félicité le douze des calendes d'octobre. Leurs corps, retrouvés intacts, furent ensevelis pieusement par les fidèles ; on les porta dans la suite avec honneur à l'église bâtie sous leur  nom.

 

 

 Nos épreuves sont légères près des vôtres, ô Martyrs ! Obtenez-nous de ne point tromper la confiance du Seigneur, quand il nous appelle à souffrir pour lui dans ce monde. La gloire au ciel est à ce prix. Comment triompher avec le Dieu des armées, si nous n'avons marché sous son enseigne ? or, cette enseigne est la Croix. L'Eglise le sait, et nulles extrémités ne la troublent. Elle n'ignore pas que l'Epoux veille, même quand il semble dormir ; elle compte que ses fils déjà glorifiés la protègent.

 

Ô Martyrs, depuis combien d'années pourtant l’invasion sacrilège assombrit ce jour de votre victoire ! Rome vous gardait avec tant d'amour ! Vengez-vous des audaces de l'enfer, et délivrez-la.

 

DOM GUÉRANGER
L'Année Liturgique

 

VITRAIL DE LA VIE DE SAINT EUSTACHE A LA CATHÉDRALE DE REIMS (XIIIe s.)

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