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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

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Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SALVE REGINA

12 mars 2010 5 12 /03 /mars /2010 21:00

XX. JÉSUS DEVANT HÉRODE

Le palais du Tétrarque Hérode était situé au nord du forum, dans la nouvelle ville : il n'était pas éloigné de celui de Pilate. Une escorte de soldats romains, dont la plupart venaient des pays situés entre la Suisse et l'Italie, s'était jointe au cortège ; et les ennemis de Jésus, furieux de toutes les courses qu'on leur faisait faire, ne cessaient d'outrager le Sauveur et de le faire maltraiter par les archers. Hérode, averti par l'envoyé de Pilate, attendait le cortège dans une grande salle où il était assis sur des coussins formant une espèce de trône. Beaucoup de courtisans et de gens de guerre se tenaient autour de lui.

Les Princes des prêtres entrèrent par le péristyle et se placèrent des deux côtés ; Jésus resta sur le seuil. Hérode était très flatté de ce que Pilate lui reconnaissait, en présence des prêtres juifs, le droit de juger un Galiléen. Il se réjouissait aussi de voir devant lui, dans cet état d'abaissement, ce Jésus qui avait toujours dédaigné de se montrer à lui. Jean avait parlé de Jésus en termes si magnifiques et Hérode lui-même avait reçu tant de rapports à son sujet des Hérodiens et de tous ses espions, que sa curiosité était vivement excitée. Il se préparait à lui faire subir devant ses courtisans et les Princes des prêtres un interrogatoire prolixe dans lequel il voulait montrer combien il était habile et bien informé. Pilate lui avait fait savoir qu'il n'avait trouvé aucun crime dans cet homme, et l'hypocrite avait vu là un avertissement de traiter froidement les accusateurs, ce qui redoublait la fureur de ceux-ci. Ils présentèrent tumultueusement leurs griefs aussitôt qu'ils furent entrés ; mais Hérode regarda Jésus avec curiosité, et quand il le vit si défait, si meurtri, avec sa chevelure en désordre, son visage sanglant, son vêtement souillé, ce prince voluptueux et mou ressentit une pitié mêlée de dégoût. Il proféra un des noms de Dieu (cela ressemblait à Jéhova), détourna son visage avec répugnance, et dit aux prêtres : "Emmenez-le, nettoyez-le ; comment pouvez-vous mettre en ma présence un homme si sale et si meurtri ? Les archers emmenèrent Jésus dans le vestibule : on apporta de l'eau dans un bassin et on le nettoya sans cesser de le maltraiter : car son visage était couvert de plaies qu'on frotta rudement et brutalement.


Hérode reprocha aux prêtres leur cruauté ; il semblait qu'il voulût imiter la manière d'agir de Pilate, car il leur dit aussi : "On voit bien qu'il est tombé entre les mains des bouchers, vous commencez les immolations avant le temps", sur quoi les Princes des prêtres reproduisirent avec insistance leurs plaintes et leurs accusation. Lorsqu'on ramena Jésus devant lui, Hérode voulut feindre la bienveillance, et lui fit apporter un verre de vin pour réparer ses forces, mais Jésus secoua la tête et ne but pas.

Hérode parla avec beaucoup d'emphase et longuement ; il répéta à Jésus tout ce qu'il savait de lui, il lui fit beaucoup de questions et lui demanda même de faire un prodige ; mais Jésus ne répondait pas un mot et restait devant lui les veux baissés, ce qui irrita et déconcerta Hérode. Il ne voulut pourtant pas le laisser voir et continua ses questions. D'abord il chercha à le flatter : "Je suis peiné de voir peser sur toi des accusations aussi graves ; j'ai beaucoup entendu parler de toi : sais-tu que tu m'as offensé à Thirza lorsque tu as délivré, sans ma permission, des prisonniers que j'avais fait mettre là ; mais tu l'as peut-être fait avec une bonne intention. Maintenant que le gouverneur romain t'envoie à moi pour te juger, qu'as-tu à répondre à toutes ces accusations ?... Tu gardes le silence ?... On m'a beaucoup parlé de la sagesse de tes discours et de tes doctrines, je voudrais t'entendre répondre à tes accusateurs. Que dis-tu ? est-il vrai que tu es le roi des Juifs ? Es-tu le Fils de Dieu ? Qui es-tu ? On dit que tu as fait de grands miracles : fais-en quelqu'un devant moi. Il dépend de moi de te faire relâcher ; est-il vrai que tu as rendu la vue à des aveugles-nés ? ressuscité Lazare d'entre les morts ? nourri des milliers d'hommes avec quelques pains ? Pourquoi ne réponds-tu pas ? Crois-moi, fais un de tes prodiges, cela te sera utile".

Comme Jésus continuait à se taire, Hérode parla avec beaucoup de volubilité : "Qui  es-tu ? disait-il. Qui t'a donné cette puissance ? Pourquoi ne la possèdes-tu plus ? Es-tu celui dont la naissance est racontée d'une manière merveilleuse ? Des rois de l'Orient sont venus vers mon père pour voir un roi des Juifs nouveau-né ; est-il vrai, comme on le dit, que cet enfant c'était toi ? As-tu échappé à la mort qui a été donnée à tant d'enfants ? Comment cela s'est-il fait ? Comment est-on resté si longtemps sans parler de toi ? Ou bien ne rattache-t-on a toi cet événement que pour faire de toi un roi ? Réponds donc ? Quelle espèce de roi es-tu ? En vérité, je ne vois rien de royal en toi ! On dit qu'on t'a récemment conduit en triomphe jusqu'au Temple, qu'est-ce que cela signifie ? Parle donc ! Réponds-moi ! D'où vient que les choses ont pris une telle tournure !"

Tout ce flux de paroles n'obtint aucune réponse de la part de Jésus. Il me fut expliqué aujourd'hui, comme cela m'avait été déjà dit précédemment, que Jésus ne lui parla pas, parce qu'il se trouvait excommunié à raison de son mariage adultère avec Hérodiade et du meurtre de Jean-Baptiste. Anne et Caïphe profitèrent du mécontentement que lui causait le silence de Jésus et recommencèrent leurs accusations : ils ajoutèrent qu'il avait traité Hérode de renard, qu'il avait travaillé depuis longtemps à l'abaissement de la puissance de sa famille, qu'il avait voulu établir une nouvelle religion et célébré la Pâque la veille. Hérode, quoique irrité contre Jésus, n'en resta pas moins fidèle à ses vues politiques. Il ne voulait pas condamner Jésus, car il éprouvait devant lui une terreur secrète, et il avait souvent des remords du meurtre de Jean, puis il détestait les Princes des prêtres qui n'avaient pas voulu excuser son adultère et l'avaient exclu des sacrifices à cause de ce crime.


Sur toute chose on ne voulait pas condamner celui que Pilate avait déclaré innocent, et il convenait à sa politique de se montrer obséquieux envers le gouverneur en présence des Princes des prêtres. Il accabla Jésus de paroles méprisantes, et dit à ses serviteurs et à ses gardes, dont il y avait bien deux cents dans son palais : "Prenez cet insensé, et rendez à ce roi risible les honneurs qui lui sont dus ; c'est plutôt un fou qu'un criminel".
Ils conduisirent donc le Sauveur dans une grande cour où ils lui prodiguèrent les mauvais traitements et les moqueries. Cette cour était comprise entre les ailes du palais, et Hérode les regarda pendant quelque temps du haut d'un toit en terrasse. Anne et Caïphe, qui étaient toujours derrière lui, essayèrent encore par tous les moyens imaginables de le pousser à condamner Jésus ; mais Hérode leur dit, de manière à être entendu des Romains : "Ce serait un crime pour moi de le juger", il voulait dire sans doute : "un crime contre le jugement de Pilate qui a eu la politesse de l'envoyer devant moi".

Les Princes des prêtres et les ennemis de Jésus voyant qu'Hérode ne voulait pas entrer dans leurs vues, envoyèrent quelques-uns des leurs dans le quartier d'Acra pour dire à plusieurs Pharisiens qui s'y trouvaient de se rendre avec leurs adhérents dans les environs du palais de Pilate : ils firent aussi distribuer de l'argent dans la multitude pour la porter à demander tumultueusement la mort de Jésus. D'autres furent chargés de menacer le peuple du courroux céleste si on n'obtenait pas la mort de ce blasphémateur sacrilège. Ils devaient ajouter que si Jésus ne mourait pas, il s'unirait aux Romains pour anéantir les Juifs, et que c'était là l'empire dont il avait toujours parlé. Ailleurs ils répandaient le bruit qu'Hérode l'avait condamné, mais ils ajoutaient que le peuple devait exprimer sa volonté ; qu'on craignait les partisans de Jésus ; que s'il était délivré, la fête serait troublée par eux et par les Romains, avec l'aide desquels ils exerceraient une cruelle vengeance. Ils répandirent ainsi les bruits les plus contradictoires et les plus propres à inquiéter, afin d'irriter et de soulever le peuple : quelques-uns d'entre eux, pendant ce temps, donnaient de l'argent aux soldats d'Hérode, afin qu'ils maltraitassent Jésus jusqu'à le faire mourir, car ils désiraient qu'il perdit la vie avant que Pilate pût le mettre en liberté.


Pendant que les Pharisiens complotaient ainsi, Notre Seigneur avait à souffrir les brutalités d'une soldatesque grossière à laquelle Hérode l'avait livré. Ils le poussèrent dans la cour, et l'un d'eux apporta un grand sac blanc qui se trouvait dans la chambre du portier et où il y avait eu autrefois du coton. On y fit un trou à coups d'épée et on le jeta avec de bruyants éclats de rire sur la tête de Jésus. Un autre de ces soldats apporta un lambeau d'étoffe rouge qu'on lui passa autour du cou ; le sac lui tombait sur les pieds. Alors ils s'inclinèrent devant lui, le poussant, l'injuriant, crachant sur lui, le frappant au visage, parce qu'il n'avait pas voulu répondre à leur roi, lui rendant mille hommages dérisoires, lui jetant de la boue, le tirant comme pour le faire danser ; puis, l'ayant jeté par terre, ils le traînèrent dans une rigole qui faisait le tour de la cour de sorte que sa tête sacrée frappait contre les colonnes et les angles des murailles : ils le relevèrent ensuite et recommencèrent leurs insultes.


Il y avait là environ deux cents soldats et serviteurs d'Hérode appartenant à différents pays, et chacun d'eux se faisait gloire d'imaginer quelque nouvel outrage pour Jésus. Ils faisaient tout cela précipitamment, en se poussant les uns les autres et au milieu des huées. Quelques-uns étaient gagnés par les ennemis du Sauveur pour assener des coups de bâton sur sa tête sacrée. Jésus les regardait avec un sentiment de compassion. La douleur lui arrachait des soupirs et des gémissements, mais ils en prenaient occasion pour le railler en contrefaisant sa voix ; à chaque nouvel outrage, ils éclataient de rire, et aucun n'avait pitié de lui. Su tête était tout ensanglantée et je le vis tomber trois fois sous leurs bâtons ; mais je vis aussi au-dessus de lui des anges en pleurs qui lui oignaient la tête, et il me fut révélé que sans cette assistance d'en haut, les coups qui lui étaient portés auraient été mortels. Les Philistins qui tourmentèrent Samson aveugle dans la carrière de Gaza étaient moins violents et moins cruels que ces hommes.


Le temps pressait ; les Princes des prêtres devaient bientôt se rendre au Temple. et lorsqu'ils surent que tout était disposé suivant leurs instructions, ils prièrent encore une fois Hérode de condamner Jésus. Mais celui-ci qui avait ses vues relativement à Pilate lui renvoya Jésus revêtu de son vêtement de dérision.


XXI. JÉSUS RAMENÉ D'HÉRODE A PILATE


Ce fut avec un redoublement de fureur que les ennemis de Jésus le ramenèrent d'Hérode à Pilate. Ils étaient honteux de revenir sans l'avoir fait condamner au lieu ou il avait déjà été déclaré innocent. Aussi prirent-ils un autre chemin deux fois plus long, pour le montrer dans son humiliation à une autre partie de la ville, pour pouvoir le maltraiter d'autant plus longtemps, et aussi pour laisser à leurs agents le temps de travailler le peuple selon leurs vues. Ce chemin était plus rude et plus inégal, et tant qu'il dura, les archers maltraitèrent Jésus. Le long vêtement qu'on lui avait mis l'empêchait de marcher, il tomba plusieurs fois dans la boue, et fut relevé à coups de pied et à coups de bâton sur la tête ; il eut à subir des outrages infinis, tant de la part de ceux qui le conduisaient que de la part du peuple rassemblé sur la route. Pour lui, il demandait à Dieu de ne pas en mourir, afin d'accomplir sa Passion et notre Rédemption.


Il était environ huit heures un quart lorsque le cortège arriva au palais de Pilate par un autre côté en traversant le forum. La foule était très nombreuse ; tous étaient groupés selon les pays auxquels ils appartenaient ; les Pharisiens couraient parmi le peuple et l'excitaient. Pilate, se souvenant de la sédition des zélateurs Galiléens à la dernière Pâque, avait rassemblé à peu près un millier d'hommes, qui occupaient le prétoire, le corps de garde, les entrées du forum et celles de son palais.

La sainte Vierge, sa soeur aînée Marie, fille d'Héli, Marie, fille de Cléophas, Madeleine, et plusieurs autres des saintes femmes, au nombre de vingt, se tenaient dans un lieu où elles pouvaient tout entendre. Jean s'y trouvait aussi au commencement. Jésus, couvert de son manteau de dérision, était conduit à travers les huées de la populace : car les Pharisiens avaient rassemblé sur son passage tout ce qu'il y avait de plus vil et de plus pervers dans le peuple et ils lui donnaient l'exemple de l'insulte et de l'outrage. Un serviteur d'Hérode était déjà venu dire à Pilate que son maître était très reconnaissant de sa déférence : mais, ajoutait-il, n'ayant vu qu'un fou stupide dans le célèbre Galiléen, il l'avait traité comme tel, et le lui renvoyait. Pilate fut satisfait de ce qu'Hérode avait fait comme lui, et n'avait pas condamné Jésus. Il lui fit faire de nouveau ses compliments et ils devinrent amis, d'ennemis qu'ils étaient depuis que l'aqueduc s'était écroulé. 

Jésus fut conduit de nouveau devant la maison de Pilate. Les archers lui firent monter l'escalier avec leur brutalité accoutumée ; mais il s'embarrassa dans son vêtement, et tomba sur les degrés de marbre blanc qui se teignirent du sang de sa tête sacrée. Les ennemis de Jésus qui avaient repris leurs places à l'entrée du forum, rirent de sa chute ainsi que la populace, et les archers le frappèrent à coups de pied pour qu'il se relevât. Pilate était appuyé Sur son siège, qui ressemblait à un petit lit de repos ; la petite table était devant lui ; comme précédemment il était entouré d'officiers et d'hommes tenant des écritures.

Il s'avança sur la terrasse, et dit aux accusateurs de Jésus : “Vous m'avez livré cet homme comme un agitateur du peuple ; je l'ai interrogé devant vous, et je ne l'ai point trouvé coupable de ce que vous lui imputiez. Hérode ne l'a point trouvé criminel non plus, car je vous ai envoyés à lui, et je vois qu'il n'a point porté de sentence de mort. Je vais donc le faire fouetter et le renvoyer.” De violents murmures s'élevèrent parmi les Pharisiens et les distributions d'argent parmi le peuple se firent avec une nouvelle activité. Pilate accueillit ces démonstrations avec un grand mépris, et y répondit par des paroles piquantes. Il leur demanda, entre autres choses, s'ils ne verraient pas aujourd'hui verser assez de sang innocent dans leurs immolations d'agneaux.


Or, c'était le temps où le peuple venait devant lui, avant la célébration de la fête, pour lui demander, d'après une ancienne coutume, la délivrance d'un prisonnier. Les Pharisiens avaient envoyé d'avance leurs agents pour exciter la foule à ne pas demander la délivrance de Jésus, mais son supplice. Pilate espérait qu'on lui demanderait de relâcher Jésus, et il imagina de donner le choix entre lui et un affreux scélérat, nommé Barabbas, que tout le peuple avait en horreur et qui était déjà condamné à mort. Il avait commis un meurtre dans une sédition, et je l'ai vu se rendre coupable de bien d'autres crimes ; il s'était livré à des sortilèges, et avait arraché à des femmes enceintes le fruit qui était encore dans leurs entrailles. J'ai oublié le reste.

Il y eut un mouvement parmi le peuple sur le forum : un groupe s'avança ayant en tête ses orateurs, qui crièrent à Pilate : “Faites ce que vous avez toujours fait pour la fête”. Pilate leur dit : “C'est la coutume que je vous délivre un criminel à la Pâque. Qui voulez-vous que Je vous délivre : Barabbas, ou Jésus, le Roi des Juifs, Jésus, qu'on dit être l'oint du Seigneur ?”

Pilate, toujours indécis, appelait Jésus roi des Juifs, parce que cet orgueilleux Romain voulait leur témoigner son mépris en leur attribuant un si pauvre roi qu'il mettait en concurrence avec un assassin ; mais il lui donnait aussi ce nom par une sorte de persuasion que Jésus pouvait être en effet le Roi miraculeux, le Messie promis aux Juifs, puis il cédait à ce pressentiment qu'il avait de la vérité, parce qu'il sentait bien que les Princes des prêtres étaient pleins d'envie contre Jésus qu'il considérait comme innocent.

A cette demande de Pilate, il y eut quelque hésitation dans la multitude, et quelques voix seulement crièrent : “Barabbas !” Pilate ayant été appelé par un serviteur de sa femme, quitta un instant la terrasse, et le serviteur lui montra le gage qu'il avait donné, en lui disant : “Claudia Procle vous rappelle votre promesse de ce matin”. Pendant ce temps, les Pharisiens et les Princes des prêtres étaient dans une grande agitation ; ils se rapprochaient du peuple, menaçaient et ordonnaient ; mais ils avaient peu à faire pour l'exciter.

Marie, Madeleine, Jean et les saintes femmes se tenaient dans un coin du forum, tremblant et pleurant. Quoique la mère de Jésus sût bien que sa mort était le seul moyen de salut pour les hommes, elle était pleine d'angoisse et de désir de l'arracher au supplice ; de même que Jésus, devenu homme et destiné au supplice de la croix par sa libre volonté, n'en souffrait pas moins comme un homme ordinaire toutes les peines et les tortures d'un innocent conduit à la mort et horriblement maltraité, de même Marie souffrait toutes les douleurs que peut ressentir une mère à la vue d'un fils vertueux et saint, ainsi traité par un peuple ingrat et cruel. Elle et ses compagnes tremblaient, se désolaient, espéraient, et Jean s'éloignait souvent d'elles pour voir s'il n'aurait pas quelque bonne nouvelle à leur rapporter. Marie priait pour qu'un si grand crime ne s'achevât pas. Elle disait comme Jésus au jardin des Oliviers : “Si cela est possible, que ce calice s'éloigne.”
Elle espérait encore un peu parce que le bruit courait dans le peuple que Pilate voulait délivrer Jésus ; non loin d'elle étaient des groupes de gens de Capharnaüm que Jésus avait guéris et enseignés, ils faisaient semblant de ne pas la connaître, et regardaient à la dérobée les malheureuses femmes cachées sous leurs voiles. Mais Marie pensait, et tous pensaient comme elle, que ceux-ci, du moins, repousseraient certainement Barabbas, pour avoir leur bienfaiteur et leur sauveur. Il n'en fut pourtant pas ainsi.

Pilate avait renvoyé son gage à sa femme pour lui indiquer qu'il voulait tenir sa promesse. Il s'avança de nouveau sur la terrasse, et s'assit auprès de la petite table. Les Princes des prêtres avaient aussi repris leurs sièges, et Pilate cria de nouveau : “Lequel des deux dois-je vous délivrer ?” Ici s'éleva un cri général dans tout le forum : “Nous ne voulons point celui-ci ; donnez-nous Barabbas !” Pilate dit encore : “Que dois-je donc faire de Jésus, qui est appelé le Christ, le Roi des Juifs ?” Tous crièrent tumultueusement : “Qu'il soit crucifié ! Qu'il soit crucifié !” Pilate demanda pour la troisième fois : “Mais qu'a-t-il fait de mal ? Je ne trouve point en lui de crime qui mérite la mort. Je vais le faire fouetter et le laisser aller”. Mais le cri : “Crucifiez-le ! Crucifiez-le !” éclata partout comme une tempête infernale ; les Princes des prêtres et  les Pharisiens s'agitaient et criaient comme des furieux.

Alors le faible Pilate délivra le malfaiteur Barabbas, et condamna Jésus à la flagellation. 


LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès
Gallica

Anna Katharina Emmerick
'Die ekstatische Jungfrau Katharina Emmerick' par Gabriel von Max,  München, Neue Pinakothek

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12 mars 2010 5 12 /03 /mars /2010 16:00

XVII. JÉSUS DEVANT PILATE

Il était à peu près six heures du matin, selon notre manière de compter, lorsque la troupe qui conduisait le Sauveur si horriblement maltraité arriva devant le palais de Pilate. Anne, Caiphe et les membres du conseil venus avec eux s'arrêtèrent aux sièges placés entre le marché et l'entrée du tribunal. Jésus fut traîné par les archers ; quelques pas plus avant, jusqu'à l'escalier de Pilate. Pilate était sur la terrasse qui faisait saillie, couché sur une espèce de lit de repos, et ayant devant lui une petite table, trois pieds sur laquelle se trouvaient quelques attributs de sa dignité et d'autres objets dont je ne me souviens pas. A ses côtés étaient des officiers et des soldats : on tenait élevés près de lui les insignes de la puissance romaine. Les Princes des prêtres et les Juifs se tenaient loin du tribunal parce qu'autrement ils auraient contracté une souillure légale : il y avait une limite tracée qu'ils ne franchirent pas.


Lorsqu'il vit arriver Jésus au milieu d'un si grand tumulte, il se leva, et parla aux Juifs d'un ton aussi méprisant que pourrait le faire un orgueilleux général français aux envoyés d'une pauvre petite ville allemande. “Que venez-vous faire de si bonne heure ? Comment avez-vous mis cet homme dans un tel état ? Commencez-vous sitôt à écorcher et à immoler vos victimes ?” Pour eux ils crièrent aux bourreaux : “En avant ! menez-le au tribunal !” Puis ils répondirent à Pilate : “Ecoutez nos griefs contre ce scélérat ; nous ne pouvons pas entrer dans le tribunal, pour ne pas nous rendre impurs.”

Lorsqu'ils eurent proféré ces paroles à haute voix, un homme de grande taille et d'un aspect vénérable s'écria, au milieu du peuple qui se pressait derrière eux dans le forum : “Non, vous ne devez pas entrer dans ce tribunal, car il est sanctifié par le sang innocent ; lui seul peut y entrer, lui seul parmi les Juifs est pur comme les innocents qui ont été massacrés là”. Après avoir ainsi parlé avec beaucoup d'énergie, il se perdit dans la foule. Il s'appelait Sadoch. C'était un homme riche, cousin d'Obed, le mari de Séraphia, appelée depuis Véronique ; deux de ses enfants étaient au nombre des saints Innocents égorgés par l'ordre d'Hérode dans la cour du tribunal. Depuis ce temps, il avait renoncé au monde, et sa femme et lui avaient vécu dans la continence, comme faisaient les Esséniens. Il avait vu et entendu une fois Jésus chez Lazare. Lorsqu'il le vit traîné si misérablement au pied de l'escalier de Pilate, un vif souvenir de ses enfants immolés se réveilla dans son coeur, et il rendit ce témoignage éclatant de l'innocence du Sauveur. Les accusateurs de Jésus avaient trop à faire avec Pilate et ils étaient trop irrités de ses procédés envers eux et de l'humble position qu'il leur fallait garder devant lui pour pouvoir s'occuper de l'exclamation de Sadoch.

Les archers firent monter à Jésus les degrés de marbre, et le menèrent ainsi sur l'arrière de la terrasse d'où Pilate parlait aux prêtres juifs. Celui-ci avait beaucoup entendu parler de Jésus. Lorsqu'il le vit si horriblement défiguré par les mauvais traitements, et conservant toutefois une expression de dignité que rien ne pouvait effacer, il éprouva un sentiment de dégoût et de mépris pour les Princes des prêtres, lesquels l'avaient fait prévenir d'avance qu'ils amenaient à son tribunal Jésus de Nazareth, coupable de crimes capitaux, et il leur fit sentir qu'il n'était pas disposé à le condamner sans preuves, il leur dit d'un ton de maître : “De quoi accusez-vous cet homme ? - Si ce n'était pas un malfaiteur, répondirent-ils avec humeur, nous ne vous l'aurions pas livré. - Prenez-le, répliqua Pilate, et jugez-le selon votre loi. -Vous savez, dirent les Princes des prêtres, que nous n'avons qu'un droit restreint lorsqu'il s'agit de la peine capitale”.

Les ennemis de Jésus étaient pleins de violence et de précipitation ; ils étaient pressés d'en finir avec Jésus avant le temps légal de la fête, afin de pouvoir sacrifier l'agneau pascal. Ils ne savaient pas que le véritable agneau pascal était celui qu'ils avaient amené au tribunal du juge idolâtre, au seuil duquel ils ne voulaient pas se souiller, afin de pouvoir ce jour même célébrer leur Pâque.

Lorsque le gouverneur romain leur enjoignit de faire connaître leurs griefs, ils présentèrent trois chefs d'accusation principaux, dont chacun était prouvé par dix témoins ; ils s'efforcèrent surtout de présenter Jésus à Pilate comme criminel de lèse-majesté, devant par conséquent être condamné par le gouverneur romain, car dans les causes qui n'intéressaient que leur loi religieuse et leur temple, ils avaient le droit de décider eux-mêmes. Ils accusèrent d'abord Jésus d'être un séducteur du peuple qui troublait la paix publique et incitait à la révolte, et ils produisirent quelques témoignages à ce sujet. Ils dirent ensuite qu'il rassemblait de grandes réunions d'hommes, qu'il violait le Sabbat, qu'il guérissait le jour du Sabbat. Ici Pilate les interrogea sur un ton de moquerie : “Vous n'êtes pas malades apparemment, dit-il, autrement ces guérisons ne vous mettraient pas tellement en colère.” Ils ajoutèrent qu'il séduisait le peuple par d'horribles enseignements, qu'il disait qu'on devait manger sa chair et boire son sang pour avoir la vie éternelle. Pilate fut choqué de l'emportement furieux avec lequel ils présentaient cette accusation ; il regarda ses officiers en souriant, et adressa aux Pharisiens des paroles piquantes, comme celles-ci : “On croirait presque que vous voulez suivre sa doctrine et obtenir la vie éternelle ; car vous semblez vouloir manger sa chair et boire son sang.”

Leur deuxième accusation était que Jésus excitait le peuple à ne pas payer l'impôt à l'empereur. Ici Pilate, en colère, les interrompit du ton d'un homme chargé spécialement de veiller à ces sortes d'objets. “C'est un gros mensonge, leur dit-il : je dois savoir cela mieux que vous.” Les Pharisiens alors mirent en avant le troisième grief : “Cet homme obscur, d'extraction basse et équivoque, s'est fait un grand parti, et a dit malheur à Jérusalem ; il répand en outre parmi le peuple des paraboles à double sens sur un roi qui prépare les noces de son fils. Un jour la multitude, rassemblée par lui sur une montagne, voulu le faire roi, mais il a trouvé que c'était trop tôt et s'est caché. Dans les derniers jours il s'est produit davantage, il s'est fait préparer une entrée tumultueuse à Jérusalem et il a fait crier : Hosanna au fils de David ! Béni soit l'empire de notre père David qui arrive ! il s'est fait rendre les honneurs royaux, car il a enseigné qu'il était le Christ, l'oint du Seigneur, le Messie, le roi promis aux Juifs, et il se fait ainsi appeler.” Ces allégations furent encore appuyées par dix témoins.


Lorsqu'il fut dit que Jésus se faisait appeler le Christ, le Roi des Juifs, Pilate sembla pensif. Il alla de la terrasse dans la salle du tribunal qui y était attenante, jeta en passant un regard attentif sur Jésus, et ordonna aux gardes de le lui amener dans la salle. Pilate était un païen superstitieux, d'un esprit mobile et facile à troubler ; il n'ignorait pas que les prophètes des Juifs leur avaient annoncé depuis longtemps un oint du Seigneur, un Roi libérateur et Rédempteur, et que beaucoup de Juifs l'attendaient. Il savait aussi que des rois de l'Orient étaient venus vers le vieil Hérode, pour rendre hommage à un roi nouveau-né des Juifs, et qu'Hérode, à cette occasion, avait fait égorger un grand nombre d'enfants. Il avait bien ouï parler de ces traditions sur un Messie et un Roi des Juifs ; mais il n'y croyait pas, en païen qu'il était, et, s'il avait cherché à s'en rendre compte, il se serait figuré, comme les Juifs instruits d'alors et les Hérodiens, un roi puissant et victorieux. Il lui parut d'autant plus ridicule qu'on accusât cet homme qui paraissait devant lui dans un tel état d'abaissement et de souffrance, de s'être donné pour ce Messie et ce Roi. Mais les ennemis de Jésus ayant présenté ceci comme une attaque aux droits de l'empereur, il fit amener le Sauveur devant lui pour l'interroger.


Pilate regarda Jésus avec étonnement, et lui dit : “Tu es donc le Roi des Juifs ?” et Jésus répondit : “Dis-tu cela de toi-même, ou est-ce que d'autres te l'ont dit de moi ?” Pilate choqué que Jésus pût le croire assez extravagant pour adresser de lui-même une semblable question à un pauvre homme dans un état si misérable, lui dit avec quelque dédain : “Suis-je un Juif pour m'occuper de pareilles misères ? Ton peuple et ses prêtres t'ont livré à moi comme ayant mérité la mort pour cela. Dis-moi ce que tu as fait.” Jésus lui dit avec majesté : “Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, j'aurais des serviteurs qui combattraient pour m'empêcher de tomber entre les mains de mes ennemis : mais mon royaume n'est pas de ce monde”. Pilate fut quelque peu troublé à ces graves paroles, et lui dit d'un ton plus sérieux : “Es-tu donc roi ?” Jésus répondit : “Comme tu le dis, je suis Roi. Je suis né et je suis venu dans ce monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix.” Pilate le regarda, et dit en se levant : “La vérité ! Qu'est-ce que la vérité ?” il y eut encore quelques paroles, dont je ne me souviens pas bien.


Pilate revint sur la terrasse. Il ne pouvait pas comprendre Jésus ; mais il voyait bien que ce n'était pas un roi qui pût nuire à l'empereur, puisqu'il ne prétendait à aucun royaume dans ce monde. Or, l'empereur s'inquiétait peu des royaumes de l'autre monde. Il cria donc aux Princes des Prêtres, du haut de la terrasse : “Je ne trouve aucun crime en cet homme”.  Les ennemis de Jésus s'irritèrent, et ce fut un torrent d'accusations contre lui. Mais le Sauveur restait silencieux, et priait pour les pauvres hommes, et lorsque Pilate, se tournant vers lui, lui dit : “N'as-tu rien à répondre à ces accusations ?” Jésus ne répondit pas un mot au point que Pilate, surpris, lui dit encore : “Je vois bien qu'ils font des mensonges contre toi”.

Mais les accusateurs continuèrent à parler avec fureur, et dirent : “Comment ! vous ne trouvez pas de crime en lui ? N'est-ce point un crime que de soulever le peuple, de répandre sa doctrine dans tout le pays depuis la Galilée jusqu'ici ?”
Lorsque Pilate entendit ce mot de Galilée, il réfléchit un instant, et dit : “Cet homme est-il Galiléen et sujet d'Hérode ? - Oui, répondit-on ; ses parents ont demeuré à Nazareth, et son séjour actuel est Capharnaüm. - Puisqu'il est sujet d'Hérode, répliqua Pilate, menez-le devant lui : il est ici pour la fête, et peut le juger.” Alors il fit reconduire Jésus hors du tribunal, et envoya un officier à Hérode, afin de lui faire savoir qu'on amenait devant lui Jésus de Nazareth, son sujet. Pilate était bien aise de se dérober ainsi à l'obligation de juger Jésus, car cette affaire lui était désagréable. Il désirait aussi faire une politesse à Hérode avec lequel il était brouillé, et qui avait toujours été très curieux de voir Jésus.

Les ennemis du Sauveur, furieux d'être ainsi renvoyés par Pilate en face de tout le peuple et obligés d'aller devant Hérode, firent tomber toute leur colère sur Jésus. On le lia de nouveau, et on le traîna, en l'accablant d'insultes et de coups, à travers la route qui remplissait le forum, jusqu'au palais d'Hérode qui n'était pas très éloigné. Des soldats romains s'étaient joints au cortège.


Pendant le dernier entretien, Claudia Procle, la femme de Pilate, lui avait fait dire par un domestique qu'elle désirait vivement lui parler, et, pendant qu'on conduisait Jésus à Hérode, elle se tenait secrètement sur une haute galerie, et regardait le cortège avec beaucoup de trouble et d'angoisse.
 


XVIII. ORIGINE DU CHEMIN DE LA CROIX

Pendant tout ce débat, la mère de Jésus, Madeleine et Jean s'étaient tenus dans un coin du forum, regardant et écoutant avec une douleur profonde. Lorsque Jésus fut mené à Hérode, Jean conduisit la sainte Vierge et Madeleine sur tout le chemin qu'avait suivi Jésus. Ils revinrent ainsi chez Caïphe, chez Anne, dans Ophel, à Gethsémani, dans le jardin des Oliviers ; et dans tous les endroits où le Sauveur était tombé, où il avait souffert, ils s'arrêtaient en silence, pleuraient et souffraient avec lui. La sainte Vierge se prosterna plus d'une fois, et baisa la terre aux places où son fils était tombé. Madeleine se tordait les mains, et Jean pleurait, les consolait, les relevait, les conduisait plus loin. Ce fut là le commencement du saint chemin de la Croix et des honneurs rendus à la Passion de Jésus, avant même qu'elle ne fût accomplie.

Ce fut dans la plus sainte fleur de l'humanité, dans la mère virginale du Fils de l'homme, que commença la méditation de l'Eglise sur les douleurs de son rédempteur. Dès ce moment, quand il n'était encore qu'à la moitié de sa voie douloureuse, la mère pleine de grâce arrosait de ses pleurs et révérait les traces des pas de son fils et de son Dieu. O quelle compassion ! Avec quelle force le glaive tranchant et perçant ne s'enfonça-t-il pas dans son coeur ! Elle, dont le corps bienheureux l'avait porté, dont le sein bienheureux l'avait allaité, cette bienheureuse qui avait entendu réellement et substantiellement le Verbe de Dieu, Dieu lui-même dès le commencement, qui l'avait conçu et gardé neuf mois sous son coeur plein de grâce, qui l'avait porté et senti vivre en elle avant que les hommes ne reçussent de lui la bénédiction, la doctrine et le salut, partageait toutes les souffrances de Jésus, y compris son violent désir de racheter les hommes par ses douleurs et sa mort. C'est ainsi que la Vierge pure et sans tâche inaugura pour l'Eglise le Chemin de la Croix, pour y ramasser à toutes les places, comme des pierres précieuses, les inépuisables mérites de Jésus-Christ, pour les cueillir comme des fleurs sur la route, et les offrir à son Père céleste pour ceux qui ont la foi. Tout ce qu'il y a jamais eu, et tout ce qu'il y aura jamais de saint dans l'humanité, tous ceux qui ont soupiré après la rédemption, tous ceux qui ont jamais célébré avec une compassion respectueuse l'amour et les souffrances du Sauveur, faisaient ce chemin avec Marie, s'affligeaient, priaient, s'offraient en sacrifice dans le coeur de la mère de Jésus qui est aussi une tendre Mère pour tous ses frères réunis par la foi dans le sein de l'Eglise.


Madeleine était comme hors d'elle-même à force de douleur. Elle avait un immense et saint amour pour Jésus ; mais lorsqu'elle aurait voulu verser son âme à ses pieds, comme l'huile de nard sur sa tête, un horrible abîme s'ouvrait entre elle et son bien-aimé. Son repentir et sa reconnaissance étaient sans bornes, et quand elle voulait élever vers lui son coeur, comme le parfum de l'encens, elle voyait Jésus maltraité, conduit à la mort à cause de ses fautes dont il s'était chargé. Alors ces fautes pour lesquelles Jésus avait tant à souffrir, la pénétraient d'horreur ; elle se précipitait dans l'abîme du repentir, sans pouvoir l'épuiser ni le combler ; elle se sentait de nouveau entraînée par son amour vers son Seigneur et Maître, et elle le voyait livré aux plus horribles traitements. Ainsi son âme était cruellement déchirée et ballottée entre l'amour, le repentir, la reconnaissance, l'aspect de l'ingratitude de son peuple, et tous ces sentiments s'exprimaient dans sa démarche, dans ses paroles, dans ses mouvements.


Jean aimait et souffrait. Il conduisait pour la première fois la Mère de son Maître et de son Dieu, qui l'aimait aussi et souffrait aussi pour lui, sur ces traces du chemin de la Croix où l'Eglise devait la suivre, et l'avenir lui apparaissait.


XIX. PILATE ET SA FEMME


Pendant qu'on conduisait Jésus à Hérode et que là encore on l'injuriait et on le raillait, je vis Pilate aller vers sa femme, Claudia Procle ils se rendirent ensemble dans une petite maison située sur une terrasse du jardin, derrière le palais. Claudia était troublée et vivement émue. C'était une grande et belle femme, mais pâle. Elle avait un voile qui pendait derrière elle ; cependant on voyait ses cheveux rassemblés autour de sa tête et entremêlés de quelques ornements ; elle avait aussi des pendants d'oreilles, un collier, et sur la poitrine une espèce d'agrafe qui maintenait son long vêtement. Elle s'entretint longtemps avec Pilate ; elle le conjura par tout ce qui lui était sacré de ne point faire de mal à Jésus, le Prophète, le Saint des Saints, et elle lui raconta quelque chose des visions merveilleuses qu'elle avait eues au sujet de Jésus la nuit précédente.

Pendant quelle parlait, je vis la plupart de ces visions ; mais je ne me souviens pas bien de la manière dont elles se suivaient. Je me rappelle toutefois qu'elle vit les principaux moments de la vie de Jésus : l'Annonciation de Marie, la Nativité, l'adoration des bergers et celle des rois, la prophétie de Siméon et d'Anne, la fuite en Egypte, la tentation dans le désert, etc. Elle vit un ensemble de tableaux de sa vie publique, si sainte et si bienfaisante. Il lui apparut toujours environné de lumière, et elle vit la malice et la cruauté de ses ennemis sous les formes les plus horribles ; elle vit ses souffrances infinies, sa patience et son amour inépuisables, la sainteté et les douleurs de sa mère. Ces visions lui donnèrent beaucoup d'inquiétude et de tristesse, car tous ces objets étaient nouveaux pour elle, elle en était saisie et pénétrée, et elle voyait plusieurs de ces choses, le massacre des enfants par exemple et la prophétie de Siméon, se passer dans le voisinage de sa maison. Pour moi, je sais bien à quel point un coeur compatissant peut être déchiré par ces visions, car l'on comprend bien ce que doivent éprouver les autres lorsqu'on l'a ressenti soi-même.


Elle avait souffert toute la nuit, et aperçu plus ou moins clairement bien des vérités merveilleuses, lorsqu'elle fut réveillée par le bruit de la troupe qui conduisait Jésus. Lorsqu'elle jeta les yeux de ce côté, elle vit le Seigneur, l'objet de tous ces miracles qui lui avaient été montrés, défiguré, meurtri, maltraité par ses ennemis, et traîné par eux à travers le forum pour être conduit chez Hérode. Son coeur fut bouleversé à cette vue, et elle envoya aussitôt chercher Pilate, auquel elle raconta dans son trouble ce qui venait de lui arriver. Elle ne comprenait pas tout, et surtout ne pouvait pas bien l'exprimer ; mais elle priait, suppliait et adressait à son mari les instances les plus touchantes.


Pilate était étonné et troublé ; il rapprochait ce que lui disait sa femme de tout ce qu'il avait recueilli çà et là sur Jésus, se rappelait la fureur des Juifs, le silence de Jésus, et ses merveilleuses réponses à ses questions. Il était agité et inquiet ; il céda aux prières de sa femme, et lui dit : “J'ai déclaré que je ne trouvais aucun crime en cet homme. Je ne le condamnerai pas, j'ai reconnu toute la malice des Pharisiens”. Il parla aussi de ce que lui avait dit Jésus ; il promit à sa femme de ne pas condamner Jésus, et lui donna un gage comme garantie de sa promesse. Je ne sais si c'était un joyau, un anneau ou un cachet. C'est ainsi qu'ils se séparèrent.


Pilate était un homme corrompu, indécis, plein d'orgueil et de bassesse à la fois : il ne reculait pas devant les actions les plus honteuses lorsqu'il y trouvait son profit, et en même temps il se livrait lâchement aux superstitions les plus ridicules lorsqu'il était dans une position difficile. Cette fois, il était très embarrassé, et il était sans cesse auprès de ses dieux, auxquels il offrait de l'encens dans un lieu secret de sa maison, et auxquels il demandait des signes. Une de ses pratiques superstitieuses était de regarder des poulets manger.

Mais toutes ces choses me paraissaient si horribles, si ténébreuses et si infernales, que j'en détournais la vue avec dégoût et que je ne puis les redire exactement. Ses pensées étaient confuses, et Satan lui soufflait tantôt un projet, tantôt un autre. Il songeait d'abord a délivrer Jésus comme innocent, puis il craignit que ses dieux ne se vengeassent sur lui, Pilate, s'il sauvait Jésus, qui semblait être une sorte de demi dieu, et qui pouvait leur faire tort. "Peut-être, se disait-il, c'est une espèce de  dieu des Juifs ; il y a tant de prophéties d'un roi des Juifs qui doit régner partout, c'est un Roi semblable que les mages de l'Orient sont venus chercher ici ; il pourrait peut-être s'élever au-dessus des mes dieux et de mon empereur, et j'aurais une grande responsabilité s'il ne mourait pas. Peut-être sa mort sera-t-elle le triomphe de mes dieux". Puis les songes merveilleux de sa femme lui revenaient à l'esprit, et jetaient un grand poids dans la balance en faveur de la délivrance de Jésus. Il finit par se décider tout à fait dans ce sens.

Il voulait être juste, mais il ne le pouvait pas, car il avait demandé : "Qu'est-ce que la vérité ?" et il n'avait pas attendu la réponse : "La vérité, c'est Jésus de Nazareth, le roi des Juifs". La plus grande confusion régnait dans ses pensées ; je n'y pouvais rien comprendre et lui-même ne savait pas ce qu'il voulait, autrement il n'aurait pas consulté ses poulets.


Le peuple se rassemblait en foule toujours croissante sur le marché, et dans le voisinage de la rue par laquelle on conduisait Jésus à Hérode. Les groupes se formaient dans un certain ordre, d'après les lieux d'où chacun était venue à la fête, et les Pharisiens les plus haineux de tous les endroits où Jésus avait enseigné étaient près de leurs compatriotes, travaillant et excitant contre le Sauveur les gens indécis.

Les soldats romains étaient en grand nombre dans le corps de garde voisin du palais de Pilate ; tous les postes importants de la ville étaient aussi occupés par eux.



LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès
Gallica

Anna Katharina Emmerick
'Die ekstatische Jungfrau Katharina Emmerick' par Gabriel von Max,  München, Neue Pinakothek

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12 mars 2010 5 12 /03 /mars /2010 10:00

XV. JESUS EST CONDUIT A PILATE

On conduisit le Sauveur à Pilate à travers la partie la plus fréquentée de la ville, laquelle en ce moment fourmillait de Juifs venus de toutes les parties du pays pour les fêtes de Pâques, sans parler d'une multitude d'étrangers. Le cortège descendit la montagne de Sion par le côté du nord, traversa une rue étroite située au bas, puis se dirigea par le quartier d'Acra, le long de la partie occidentale du Temple, vis-à-vis du grand forum ou marché. Caïphe, Anne et beaucoup de membres du grand conseil marchaient devant en habits de fêtes et on portait derrière eux des rouleaux d'écritures ; ils étaient suivis d'un grand nombre de Scribes et de plusieurs autres personnes, parmi lesquels se trouvaient tous les faux témoins et les méchants Pharisiens qui s'étaient donnés le plus de mouvement lors de la mise en accusation de Jésus. A une petite distance venait le Sauveur entouré d'une troupe de soldats et de ces six agents qui avaient assisté à son arrestation ; les archers le conduisaient avec des cordes. La populace affluait de tous les côtés, et se joignait au cortège avec des cris et des imprécations ; des groupes se pressaient sur tout le chemin.


Jésus n'était couvert que de sa robe de dessous toute souillée d'immondices ; la longue chaîne passée autour de son cou frappait contre ses genoux lorsqu'il marchait, ses mains étaient liées comme la veille, et les archers le traînaient encore avec des cordes attachées à sa ceinture. Il allait chancelant, défiguré par les outrages de la nuit, pâle défait, le visage enflé et meurtri, la barbe et les cheveux en désordre ; et les injures et les mauvais traitements continuaient sans relâche.

On avait ameuté beaucoup de populace, pour parodier en quelque sorte son entrée royale du Dimanche des Rameaux. On lui donnait par dérision plusieurs des titres qu'on donne aux rois ; on jetait sous ses pieds des pierres, des morceaux de bois, de sales haillons ; on se raillait de mille façons de cette entrée triomphale. Les bourreaux le traînaient avec leurs cordes par-dessus tous ces objets qui encombraient la voie, le secouant, le poussant et le maltraitant sans relâche.


Non loin de la maison de Caïphe attendait la sainte mère de Jésus, serrée dans l'angle d'un bâtiment, avec Jean et Madeleine. Son âme était toujours avec Jésus ; toutefois, quand elle pouvait l'approcher corporellement, l'amour ne lui laissait pas de repos, et la poussait sur les traces de son Fils. Après sa visite nocturne au tribunal de Caïphe, elle était restée quelque temps au Cénacle, plongée dans une douleur muette ; puis, lorsque Jésus fut tiré de sa prison pour être de nouveau amené devant ses juges, elle se leva, mit son voile et son manteau, et sortant la première, elle dit à Madeleine et à Jean : “Suivons mon Fils chez Pilate ; je veux le voir de mes yeux.” Ils se rendirent par un chemin détourné à un endroit où devait passer le cortège, et où ils attendirent. La mère de Jésus savait bien ce que souffrait son Fils, elle l'avait toujours présent à l'esprit ; toutefois son oeil intérieur ne pouvait le voir aussi défait et aussi meurtri qu'il l'était par la méchanceté des hommes, parce que ses douleurs lui apparaissaient adoucies dans un auréole de sainteté, d'amour et de patience.

Mais voici que l'ignominieuse, la terrible réalité s'offrit à sa vue. C'étaient d'abord les orgueilleux ennemis de Jésus, les prêtres du vrai Dieu, revêtus de leurs habits de fête, avec leurs projets déicides et leur âme pleine de malice, de mensonge et de fourberie. Horrible spectacle ! Les prêtres de Dieu étaient devenus les prêtres de Satan. A leur suite venaient les faux témoins, les accusateurs sans foi, la populace avec ses clameurs, puis enfin Jésus, le Fils de Dieu, le Fils de l'homme, le Fils de Marie, horriblement défiguré et meurtri, enchaîne, frappé, poussé, se traînant plus qu'il ne marchait, perdu dans un nuage d'injures et de malédictions. Ah ! s'il n'eût pas été le plus misérable, le plus délaissé, le seul priant et aimant dans cette tempête de l'enfer déchaîné, sa mère ne l'eût jamais reconnu dans cet état. Quand il s'approcha, elle s'écria en sanglotant : “Hélas ! est-ce là mon fils ? Ah ! c'est mon fils ; ô Jésus, mon Jésus !” Le cortège passa près d'elle, le Sauveur lui jeta un regard touchant, et elle perdit connaissance. Jean et Madeleine l'emportèrent ; mais à peine se fut-elle remise un peu, qu'elle se fit conduire par Jean au palais de Pilate.

Jésus devait éprouver sur ce chemin comment les amis nous abandonnent dans le malheur ; car les habitants d'Ophel étaient tous rassemblés sur son passage, et quand ils virent Jésus si humilié et si défiguré, au milieu des bourreaux : qui l'injuriaient et le maltraitaient, ils furent ébranlés dans leur foi, ne pouvant se représenter ainsi le roi, le prophète, le Messie, le Fils de Dieu. Les Pharisiens se moquaient d'eux à cause de leur attachement à Jésus.


“ Voilà votre roi, disaient-ils ; saluez-le. N'avez-vous rien à lui dire, maintenant qu'il va à son couronnement, avant de monter sur son trône ? Ses miracles sont finis : le grand-prêtre a mis fin à ses sortilèges” et autres discours de cette sorte. Ces pauvres gens, qui avaient reçu tant de grâces et de bienfaits de Jésus, furent ébranlés par le terrible spectacle que leur donnaient les personnages les plus révérés du pays, les Princes des prêtres et le Sanhédrin. Les meilleurs se retirèrent en doutant, les pires se joignirent au cortège autant qu'il leur fut possible ; car les Princes des prêtres avaient mis des gardes çà et là pour maintenir la route libre et empêcher tout mouvement tumultueux.
 


XVI. PALAIS DE PILATE ET SES ALENTOURS


Au pied de l'angle nord-ouest de la montagne du Temple est situé le palais du gouverneur romain Pilate. Il est assez élevé, car on y arrive par plusieurs degrés de marbre, et il domine une place spacieuse entourée de galeries où se tiennent des marchands : un corps de garde et quatre entrées, au couchant au nord, au levant et au midi où se trouve le palais de Pilate, interrompent cette enceinte du marché qui s'appelle le forum et qui, vers le couchant s'étend encore au delà de l'angle nord-ouest de la montagne du Temple.
De ce point du forum on peut voir la montagne de Sion. Il est plus élevé que les rues qui y aboutissent ; dans certains endroits les maisons des rues voisines s'appuient au coté extérieur de son enceinte. Le palais de Pilate n'y est pas attenant, mais il en est séparé par une cour spacieuse. Cette cour a pour porte, vers l'orient, une grande arcade donnant sur une rue qui mène à la porte des Brebis et ensuite au mont des Oliviers, au couchant est une autre arcade par où l'on va à Sion, à travers le quartier d'Acra. De l'escalier de Pilate, on a vue, au nord, par-dessus la cour, jusque sur le forum, à l'entrée duquel sont des colonnes et quelques sièges de pierre tournés vers le palais.

Les prêtres juifs n'allèrent pas plus loin que ces sièges, afin de ne pas se souiller en entrant dans le tribunal de Pilate. La limite qu'ils ne devaient pas franchir était marquée par une ligne tracée sur le pavé de la cour. Près de la porte occidentale de la cour était bâti dans l'enceinte du marché, un grand corps de garde, se joignant au nord avec le forum et le prétoire. On appelait prétoire la partie du palais où Pilate rendait ses jugements. Ce corps de garde était entouré de colonnes : au centre se trouvait un espace à ciel ouvert, et au-dessous régnaient des prisons où les deux larrons étaient enfermés. Il y avait là beaucoup de soldats romains. Non loin de ce corps de garde, près des galeries qui l'entouraient. s'élevait sur le forum même la colonne où Jésus fut flagellé ; il y en a plusieurs autres dans l'enceinte de la place, les plus proches servent à infliger les punitions corporelles, les plus éloignées à attacher des bestiaux mis en vente. Vis-à-vis le corps de garde s'élève, au-dessus du forum, une terrasse où se trouvent des bancs de pierre ; c'est comme un tribunal. De ce lieu, appelé Gabbatha, Pilate prononce ses jugements solennels. L'escalier de marbre qui monte au palais conduit à une terrasse découverte, d'où Pilate parle aux accusateurs assis sur les bancs de pierre à l'entrée du forum. Ils peuvent s'entretenir en parlant haut et distinctement.

Derrière le palais de Pilate sont d'autres terrasses plus élevées, avec des jardins et une maison de plaisance. Ces jardins unissent le palais du gouverneur avec la demeure de sa femme, qui s'appelle Claudia Procle. Derrière ces bâtiments est encore un fossé qui les sépare de la montagne du Temple. Il y a aussi de ce côté des maisons habitées par des serviteurs du Temple. Attenant la partie orientale du palais de Pilate, se trouve ce tribunal du vieil Hérode, où les saints Innocents furent égorgés dans une cour intérieure. Il y a eu quelque chose de changé dans les distributions, l'entrée est placée aujourd'hui vers l'orient : il y en a cependant aussi une pour Pilate au palais duquel elle touche. De ce coté de la ville courent quatre rues dans la direction de l'ouest ; trois conduisent au palais de Pilate et au forum, la quatrième passe au nord du forum et mène à la porte par laquelle on va à Bethsur. Près de cette porte et dans cette rue est la belle maison que possède Lazare à Jérusalem, et où Marthe a aussi une demeure à elle. Celle de ces quatre rues qui est la plus voisine du Temple vient de la porte des Brebis, près de laquelle se trouve, à droite en entrant, la piscine des Brebis. Cette piscine est adossée à la muraille dans laquelle sont pratiqués des arcades formant une voûte au-dessus de ses eaux. Celles-ci ont en avant du mur un écoulement dans la vallée de Josaphat, ce qui fait qu'il y a, en cet endroit, une espèce de bourbier devant la porte. La piscine est entourée de quelques bâtiments. C'est là qu'on lave d'abord les agneaux avant de les conduire au Temple ; ils sont lavés une seconde fois solennellement dans la piscine de Bethsaïda, au midi du Temple. Dans la seconde rue est une maison qui a appartenu à sainte Anne mère de Marie, où sa famille et elle se tenaient lorsqu'ils venaient à Jérusalem pour les fêtes. C'est aussi dans cette maison, si je ne me trompe, que fut célébré le mariage de Joseph et de Marie.
 

Le forum, comme je l'ai dit, est plus élevé que les rues adjacentes, et il y a dans celles-ci des conduits d'eau qui aboutissent à la piscine des Brebis. Il y a un forum semblable sur la montagne de Sion, devant l'ancien château de David. Le Cénacle est au sud-est, dans le voisinage, et au nord se trouvent le tribunal d'Anne et celui de Caïphe. Le château de David est une forteresse abandonnée, avec des cours, des salles et des écuries vides qu'on loue à des caravanes et à des étrangers pour eux et leurs bêtes de somme. Cet édifice est depuis longtemps désert, je le vis déjà dans cet état à l'époque de la naissance de Jésus-Christ. Le cortège des trois rois avec ses nombreuses bêtes de somme y fut conduit alors, dès leur entrée dans la ville.


Lorsque je vois dans les temps anciens des palais et des temples descendre ainsi aux usages les plus vils, je pense toujours à ce qui arrive aussi de notre temps, où tant de beaux ouvrages de la foi et de la piété d'une autre époque, tant d'églises et de couvents magnifiques sont détruits et ravagés, ou employés à des usages mondains, si ce n'est criminels. La petite église de mon couvent, qui était pour moi le ciel sur la terre, et où le roi du ciel et de la terre aimait tant à habiter parmi nous, pauvres pécheresses, dans le Très Saint Sacrement, est maintenant sans toiture et sans fenêtres ; on a enlevé toutes les pierres tombales qui s'y trouvaient. Notre pauvre cloître, où j'étais plus heureuse dans ma cellule, avec ma chaise brisée, qu'un roi ne peut l'être sur son trône, car je pouvais voir la partie de l'église où se trouvait le Saint Sacrement, où sera-t-il dans quelque temps ? Bientôt on saura à peine en quel lieu tant d'âmes consacrées à Dieu ont prié pendant une longue suite d'années pour le monde entier et pour toutes les pauvres âmes délaissées. Mais Dieu le saura, car il n'y a point d'oubli chez lui ; le passé et l'avenir lui sont présents ; et de même qu'il me fait voir, présents près de lui, tous les anciens événements, de même tout le bien fait en des lieux oubliés, tout le mal fait en des lieux souillés et profanés, se conservent près de lui pour le jour où il faudra lui rendre compte, et où tout sera rigoureusement payé. Il n'y a point devant Dieu d'acception de lieux et de personnes ; il tient compte même de la vigne de Naboth. J'ai souvent entendu dire que notre couvent a été fondé par deux pauvres religieuses, avec une cruche d'huile et un sac de fèves. Tous les intérêts bien gagnés de ce capital, comme de tous les capitaux, seront comptés au jour du jugement. On dit souvent qu'une pauvre âme reste en peine à cause de deux pièces de monnaie injustement acquises et non restituées ; que Dieu remette leur dette à tous ceux qui se sont jamais emparés du bien des pauvres et de l'Eglise et leur donne le repos éternel.



LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès
Gallica

Anna Katharina Emmerick
'Die ekstatische Jungfrau Katharina Emmerick' par Gabriel von Max,  München, Neue Pinakothek

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12 mars 2010 5 12 /03 /mars /2010 05:00

XIII. JUGEMENT DU MATIN

Au point du jour, Caïphe, Anne, les Anciens et les Scribes se rassemblèrent de nouveau dans la grande salle du tribunal pour rendre un jugement tout à fait régulier : car il n'était pas conforme à la loi qu'on jugeât la nuit, et il pouvait y avoir seulement une instruction préparatoire, à cause de l'urgence. La plupart des membres avaient passé le reste de la nuit dans la maison de Caïphe, où on leur avait préparé des lits de repos. Plusieurs, comme Nicodème et Joseph d'Arimathie, vinrent au point du jour.

L'assemblée était nombreuse et il y avait dans toutes ses allures beaucoup de précipitation. Comme on voulait condamner Jésus à mort. Nicodème, Joseph et quelques autres tinrent tête à ses ennemis, et demandèrent qu'on différât le jugement jusqu'après la fête, de peur qu'il ne survint des troubles à cette occasion ; ils ajoutèrent qu'on ne pouvait point asseoir un jugement sur les griefs portés devant le tribunal, puisque tous les témoins s'étaient contredits. Les Princes des prêtres et leurs adhérents s'irritèrent et firent entendre clairement à ceux qui les contrariaient qu'étant soupçonnés eux-mêmes d'être favorables à la doctrine du Galiléen ce jugement ne leur déplaisait tant que parce qu'il les atteignait aussi. Ils allèrent jusqu'à vouloir exclure du conseil tous ceux qui étaient favorables à Jésus ; ceux-ci de leur côté protestèrent qu'ils ne prenaient aucune part à tout ce qui pourrait être décidé, quittèrent la salle et se retirèrent dans le Temple.


Caïphe ordonna d'amener Jésus devant ses juges et de se préparer à le conduire vers Pilate immédiatement après le jugement. Les archers se précipitèrent en tumulte dans la prison, délièrent les mains de Jésus en l'accablant d'injures, lui arrachèrent le vieux manteau dont ils l'avaient revêtu, le forcèrent à coups de poing à remettre sa longue robe encore toute couverte des ordures qu'ils y avaient jetées, lui attachèrent de nouveau des cordes au milieu du corps et le conduisirent hors de la prison. Tout cela se fit précipitamment et avec une horrible brutalité. Jésus fut conduit à travers les soldats déjà rassemblés devant la maison, et quand il parut à leurs yeux, semblable à une victime qu'on mène au sacrifice, horriblement défiguré par les mauvais traitements, vêtu seulement de sa robe toute souillée, le dégoût leur inspira de nouvelles cruautés ; car la pitié ne trouvait point de place dans ces hommes au coeur dur.


Caïphe, plein de rage contre Jésus qui se présentait devant lui dans un état si déplorable, lui dit : “Si tu es l'oint du Seigneur, le Messie, dis-le-nous.” Jésus leva la tête et dit avec une sainte patience et une gravité solennelle : “ Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; et si je vous interroge, vous ne me répondrez pas, ni ne me laisserez aller ; mais désormais le Fils de l'homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu”. Ils se regardèrent entre eux et dirent à Jésus avec un rire dédaigneux : “Tu es donc le Fils de Dieu ?” Et Jésus répondit avec la voix de la vérité éternelle : “Vous le dites, je le suis”. A cette parole, ils crièrent tous : “Qu'avons-nous besoin de preuves ? Nous venons de l'entendre de sa propre bouche”.

En même temps il prodiguaient les termes de mépris à Jésus, ce misérable, ce vagabond, ce mendiant de basse extraction qui voulait être leur Messie et s'asseoir à la droite de Dieu. Ils ordonnèrent aux archers de le lier de nouveau, et lui firent mettre une chaîne autour du cou, ainsi qu'on le faisait aux condamnés à mort, afin de le conduire à Pilate. Ils avaient déjà envoyé un messager à celui-ci pour le prier de se tenir prêt à juger un criminel, parce qu'ils devaient se hâter à cause de leur fête. Ils parlaient entre eux avec dépit de ce qu'il leur fallait aller d'abord vers le gouverneur romain ; car, quand il s'agissait de quelque chose de plus que de leurs lois religieuses et de la police du Temple, ils ne pouvaient rendre exécutoire une sentence de mort sans son concours. Or, pour donner à la condamnation de Jésus une plus grande apparence de justice, ils voulaient le faire juger aussi comme coupable envers l'empereur, et c'est sous ce rapport que la chose était principalement du ressort de Pilate.

Les soldats étaient déjà rangés devant la maison ; il y avait en outre beaucoup d'ennemis de Jésus et de populace. Les Princes des prêtres et une partie du conseil allaient en avant, puis venait le Sauveur mené par les archers et entouré de soldats ; la populace fermait la marche. C'est dans cet ordre qu'ils descendirent de Sion dans la partie inférieure de la ville, se dirigeant vers le palais de Pilate. Une partie des prêtres qui avaient assisté au conseil se rendit au Temple, où ils avaient à s'occuper des cérémonies du jour.


XIV. DÉSESPOIR DE JUDAS


Pendant qu'on conduisait Jésus à Pilate, le traître Judas qui ne s'était pas beaucoup éloigné, entendait ce qui se disait dans la foule, et son oreille était frappée de paroles semblables à celles-ci : “On le conduit à Pilate ; le grand Conseil a condamné le Galiléen à mort, il doit être crucifié, on ne le laissera pas en vie, on l'a déjà terriblement maltraité, il est d'une patience qui confond ; il ne répond rien, il a dit seulement qu'il était le Messie et qu'il siégerait à la droite de Dieu ; c'est pourquoi on le crucifiera : s'il n'avait pas dit cela, on n'aurait pas pu le condamner a mort. Le coquin qui l'a vendu était son disciple, et avait, peu de temps avant, mangé l'agneau pascal avec lui : je ne voudrais pas avoir pris part à cette action ; que le Galiléen soit ce qu'il voudra, au moins n'a-t-il pas livré son ami à la mort pour de l'argent ; vraiment ce misérable mériterait aussi la potence”.

Alors l'angoisse, le remords trop tardif et le désespoir luttaient dans l'âme de Judas. Satan le poussa à s'enfuir en courant. Le faisceau des trente pièces d'argent, suspendu à sa ceinture, était pour lui comme un éperon de l'enfer, il le prit dans sa main pour l'empêcher de le frapper ainsi dans sa course, il courait en toute hâte, non pas après le cortège pour se jeter aux pieds de Jésus et demander son pardon au Rédempteur miséricordieux, non pour mourir avec lui, non pour confesser, plein de repentir, sa faute devant Dieu, mais pour rejeter loin de lui, en face des hommes, son crime et le prix de sa trahison.

Il courut comme un insensé jusque dans le Temple où plusieurs membres du conseil s'étaient rendus après le jugement de Jésus. Ils se regardèrent avec étonnement ; puis, avec un sourire de mépris, ils fixèrent leurs regards hautains sur Judas qui tout hors de lui, arracha de sa ceinture les trente pièces d'argent, et, les leur présentant de la main droite, dit dans un violent désespoir : “Reprenez votre argent avec lequel vous m'avez entraîné à vous livrer le juste, reprenez votre argent, délivrez Jésus, je romps notre pacte : j'ai péché grièvement, car j'ai livré le sang innocent”. Mais les prêtres lui témoignèrent tout leur mépris : ils retirèrent leurs mains de l'argent qu'il leur tendait, comme pour ne pas se souiller en touchant la récompense du traître, et lui dirent : “Que nous importe que tu aies péché ! si tu crois avoir vendu le sang innocent, c'est ton affaire : nous savons ce que nous avons acheté, et nous l'avons trouvé digne de mort. Tu as ton argent : nous ne voulons plus en entendre parler, etc”. Ils lui tinrent ces discours du ton qu'on prend quand on veut se débarrasser d'un importun, et ils éloignèrent de lui. A ces paroles, Judas fut saisi d'une telle rage et d'un tel désespoir qu'il était comme hors de lui : ses cheveux se dressaient sur sa tête : il déchira à deux mains la ceinture où étaient les pièces d'argent, les jeta dans le Temple et s'enfuit hors de la ville.


Je le vis de nouveau courir comme un insensé dans la vallée d'Hinnom : Satan sous une forme horrible était à ses côtés, et lui soufflait à l'oreille, pour le porter au désespoir, toutes les malédictions des prophètes sur cette vallée où les Juifs autrefois avaient sacrifié leurs enfants aux idoles. Il semblait que toutes ces paroles le montrassent au doigt, comme par exemple : “Ils sortiront et verront le cadavre de ceux qui ont péché envers moi, dont le ver ne mourra point, dont le feu ne s'éteindra pas.” Puis il répétait à ses oreilles : “Caïn, où est Abel, ton frère ? Qu'as-tu fait ? son sang crie vers moi, tu es maintenant maudit sur la terre, errant et fugitif.” Lorsqu'il arriva au torrent du Cédron, et vit le Mont des Oliviers, il frissonna, détourna les veux, et entendit de nouveau ces paroles : “Mon ami, qu'es-tu venu faire ? Judas, tu trahis le Fils de l'homme par un baiser !” Il fut pénétré d'horreur jusqu'au fond de l'âme, sa raison commença à s'égarer, et l'ennemi lui souffla à l'oreille : C'est ici que David a passé le Cédron, fuyant devant Absalon : Absalon mourut pendu à un arbre ; David a parlé de toi lorsqu'il a dit : “Ils m'ont rendu le mal pour le bien, la haine pour l'amour. Que Satan soit toujours à sa droite ; lorsqu'on le jugera, qu'il soit condamné : que ses jours soient abrégés, et qu'un autre reçoive son épiscopat. Le Seigneur se souviendra de l'iniquité de ses pères et le péché de sa mère ne sera pas effacé, parce qu'il a poursuivi le pauvre sans miséricorde, qu'il a livré à la mort l'affligé. Il a aimé la malédiction : elle viendra sur lui ; il s'est revêtu de la malédiction comme d'un vêtement elle a pénétré comme l'eau dans ses entrailles, comme l'huile dans ses os ; elle est autour de lui comme un vêtement, comme une ceinture dont il est toujours ceint”.

Judas, livré à ces terribles pensées, arriva au sud-est de Jérusalem, au pied de la montagne des Scandales, en un lieu marécageux, plein de décombres et d'immondices, où personne ne pouvait le voir : le bruit de la ville arrivait de temps en temps jusqu'à lui avec plus de force, et Satan lui disait : “Maintenant on le mène à la mort, tu l'as vendu, sais-tu ce qu'il y a dans la loi : celui qui aura vendu une âme parmi ses frères les enfants d'Israël, et qui en aura reçu le prix, doit mourir de mort. Finis-en, misérable, finis-en !” Alors Judas, désespéré, prit sa ceinture et se pendit à un arbre qui croissait là dans un creux, sortant de la terre en plusieurs tiges : lors qu'il fut pendu, son corps creva et ses entrailles se répandirent sur la terre.


LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès
Gallica

Anna Katharina Emmerick
'Die ekstatische Jungfrau Katharina Emmerick' par Gabriel von Max,  München, Neue Pinakothek

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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 05:00

XI. MARIE DANS LA MAISON DE CAIPHE

La sainte Vierge était constamment en rapport spirituel avec Jésus, elle savait tout ce qui lui arrivait et souffrait avec lui. Elle était comme lui en prière continuelle pour ses bourreaux. Mais son coeur maternel criait aussi vers Dieu pour qu'il ne laissât pas ce crime s'achever, pour qu'il voulût détourner ces douleurs de son très saint Fils, et elle avait un désir irrésistible de se rapprocher de Jésus. Lorsque Jean, après avoir entendu l'horrible cri : “Il est digne de mort”, fut venu la trouver dans la maison de Lazare, située près de la porte de l'Angle, et lui eut raconté l'horrible spectacle auquel il avait assisté, elle demanda ainsi que Madeleine et quelques-unes des saintes femmes, a être menée prés du lieu où Jésus souffrait.

Jean, qui n'avait quitté son divin maître que pour consoler celle qui était le plus près de son coeur après lui, conduisit les saintes femmes à travers les rues éclairées par la lune, et où l'on voyait beaucoup de gens qui retournaient chez eux. Elles marchaient voilées, mais leurs sanglots qu'elles ne pouvaient étouffer attirèrent sur elles l'attention de plusieurs groupes, et elles eurent à entendre bien des paroles injurieuses contre le Sauveur. La mère de Jésus contemplait intérieurement le supplice de son Fils et conservait cela dans son coeur comme tout le reste, elle souffrait en silence comme lui, et plus d'une fois elle tomba évanouie. Comme elle était ainsi sans connaissance dans les bras des saintes femmes, sous une des portes de la ville intérieure, quelques gens bien intentionnés qui revenaient de chez Caïphe la reconnurent, et s'arrêtant un instant avec une compassion sincère, la saluèrent de ces paroles : “O malheureuse Mère, ô Mère riche en douleurs du Saint d'Israël !” Marie revint à elle et les remercia cordialement ; puis elle continua son triste chemin.


Comme elles approchaient de la maison de Caïphe, elles passèrent du côté opposé à l'entrée où il n'y a qu'un seul mur, tandis que du côté de l'entrée, on traverse deux cours et elles rencontrèrent là une nouvelle douleur, car il leur fallut passer par un endroit où l'on travaillait à la croix du Christ sous une tente éclairée par des torches. Les ennemis de Jésus avaient ordonné de préparer une croix pour lui dès qu'on se serait emparé de sa personne, afin d'exécuter le jugement aussitôt qu'il aurait été rendu par Pilate ; car ils voulaient mener le Sauveur devant celui-ci de très bonne heure, et ne prévoyaient pas que cela dût durer si longtemps. Les Romains avaient déjà préparé les croix des deux larrons. Les ouvriers maudissaient Jésus pour qui il leur fallait travailler la nuit ; et leurs paroles allèrent percer le coeur de sa mère déjà percé de mille douleurs. Elle pria toutefois pour ces aveugles qui préparaient avec des malédictions l'instrument de leur rédemption et du supplice de son Fils.


Arrivée dans la cour extérieure, après avoir fait le tour de la maison, Marie, accompagnée des saintes femmes et de Jean, traversa cette cour et s'arrêta à l'entrée de la cour suivante : mais son âme, livrée à des douleurs indicibles était auprès de Jésus. Elle désirait vivement que la porte lui fût ouverte, car elle sentait que cette porte seule la séparait de son Fils, lequel, au second chant du coq, avait été conduit dans le cachot placé sous la maison.

La porte s'ouvrit, et Pierre, précédant plusieurs autres personnes qui sortaient, se précipita au dehors les mains étendues en avant, la tête voilée, et pleurant amèrement. Il reconnut Jean et la sainte Vierge à la lueur des torches et de la lune : ce fut comme si sa conscience réveillée par le regard du fils se présentait maintenant à lui dans la personne de la mère. Marie lui dit : “Simon, que devient Jésus mon fils ?” Et ces paroles retentirent jusqu'au fond de son âme. Il ne put supporter son regard et se détourna en tordant ses mains, mais Marie alla à lui et lui dit avec une profonde tristesse : “Simon, fils de Jean, tu ne me réponds pas ?” Alors Pierre s'écria en gémissant : “O mère, ne me parlez pas ; ils l'ont condamné à mort, et je l'ai honteusement renié trois fois”. Jean s'approcha pour lui parler ; mais Pierre, comme hors de lui-même, s'enfuit de la cour, et gagna cette caverne du mont des Oliviers ou les mains de Jésus priant s'étaient imprimées dans la pierre. Je crois que c'est dans cette même caverne qu'alla pleurer notre père Adam, lorsqu'il vint sur la terre chargée de la malédiction divine.

La sainte Vierge, le coeur déchiré de cette nouvelle douleur de son fils renié par le disciple même qui l'avait reconnu le premier comme fils du Dieu vivant, tomba près de la porte sur la pierre où elle se tenait, et les traces de sa main ou de son pied s'y imprimèrent. Cette pierre existe encore, mais je ne me rappelle plus où. Je l'ai vue quelque part. Or les portes des cours restaient ouvertes à cause de la foule qui se retirait après l'emprisonnement de Jésus, et quand la sainte Vierge fut revenue à elle, elle désira se rapprocher de son fils bien-aimé. Jean la conduisit ainsi que les saintes femmes devant le lieu ou le Seigneur était renfermé. Elle était en esprit avec Jésus, et Jésus était avec elle ; mais cette tendre mère voulait entendre de ses oreilles les soupirs de son fils : elle les entendit et aussi les injures de ceux qui l'entouraient.

Les saintes femmes ne pouvaient s'arrêter longtemps là sans être remarquée : Madeleine montrait un désespoir trop extérieur et trop violent, et quoique la sainte Vierge au plus fort de la douleur conservât une dignité et une décence merveilleuses, elle eut pourtant à entendre ces cruelles paroles : “N'est-ce pas la mère du Galiléen ? son fils sera certainement crucifié  mais pas avant la fête, à moins que ce ne soit le plus grand des scélérats”. Elle s'éloigna alors et, poussée par une inspiration intérieure, alla jusqu'au foyer, dans le vestibule où se trouvait encore un reste de populace. Les saintes femmes la suivaient dans un même silence. A l'endroit où Jésus avait dit qu'il était le Fils de Dieu et où les fils de Satan avaient crié : “Il est digne de mort”, elle perdit encore connaissance, et Jean et les saintes femmes l'emportèrent plus semblable à une morte qu'à une vivante. La populace ne dit rien et resta dans le silence et l'étonnement : c'était comme si un esprit céleste eût traversé l'enfer.


On repassa à l'endroit où se préparait la croix. Les ouvriers ne pouvaient pas plus la terminer que les juges ne pouvaient s'accorder sur la sentence. Il leur fallait sans cesse apporter d'autre bois, parce que telle ou telle pièce n'allait pas ou se fendait, jusqu'à ce que les différentes espèces de bois fussent combinées de la manière que Dieu voulait. J'eus diverses visions à ce sujet. Je vis que les anges les forçaient à recommencer jusqu'à ce que la chose fût faite selon ce qui était marqué ; mais je n'ai pas un souvenir très distinct de cette vision.


XII. JESUS DANS LA PRISON


Jésus était enfermé dans un petit cachot voûté dont une partie subsiste encore. Deux des quatre archers seulement restèrent près de lui, mais ils se firent bientôt remplacer par d'autres. On ne lui avait pas encore rendu ses habits : il était vêtu seulement du vieux manteau couvert de crachats qu'on lui avait mis par dérision : ses mains avaient été liées de nouveau.


Lorsque le Sauveur entra dans la prison, il pria son Père céleste de vouloir bien accepter tous les mauvais traitements qu'il avait eux à souffrir et qu'il allait souffrir encore, comme un sacrifice expiatoire pour ses bourreaux et pour tous les hommes qui, livrés à des tourments du même genre, se rendraient coupables d'impatience et de colère. Du reste ses bourreaux ne lui laissèrent pas même ici un instant de repos. Ils l'attachèrent au milieu de la prison à un pilier et ne lui permirent pas de s'appuyer, de sorte qu'il avait peine à se tenir sur ses pieds fatigués, meurtris et gonflés. Ils ne cessèrent pas de l'insulter et de le tourmenter, et quand les deux archers chargés de le garder étaient las, ils étaient remplacés par deux autres qui imaginaient de nouvelles cruautés.


Je ne puis raconter tout ce que ces méchants hommes firent souffrir au Saint des saints : je suis trop malade, et j'étais presque mourante à cette vue. Ah ! combien il est honteux pour nous que notre mollesse ne puisse dire ou entendre sans dégoût et sans répugnance le récit des innombrables outrages que le Rédempteur a souffert patiemment pour notre salut. Nous sommes saisis d'une horreur comparable à celle du meurtrier forcé de poser la main sur les blessures de sa victime. Jésus souffrit tout sans ouvrir la bouche ; et c'étaient les hommes, les pécheurs qui exerçaient leur rage sur leur frère, leur Rédempteur, leur Dieu. Je suis aussi une pauvre pécheresse, et c'est à cause de moi aussi que tout cela s'est fait. Au jour du jugement où tout sera manifesté, nous verrons tous quelle part nous avons prise au supplice du Fils de Dieu par les péchés que nous ne cessons de commettre et qui sont une sorte de consentement et de participation aux mauvais traitements que ces misérables firent éprouver à Jésus. Ah ! si nous réfléchissions, nous répéterions bien plus sérieusement ces paroles qui se trouvent dans bien des livres de prières : “Seigneur, faites-moi mourir plutôt que de permettre que je vous offense encore par le péché.”


Jésus dans sa prison priait incessamment pour ses bourreaux ; et comme à la fin, accablés de fatigue, ils lui laissèrent un instant de repos, je le vis appuyé au pilier et tout entouré de lumière. Le jour commençait à poindre, le jour de sa Passion, le jour de notre rédemption, et un rayon arrivait en tremblant, par le soupirail du cachot, jusque sur notre saint Agneau pascal tout meurtri qui a pris sur lui tous les péchés du monde. Jésus leva ses mains enchaînées vers la lumière naissante, et pria son Père à haute voix, le remerciant de la manière la plus touchante pour le don de ce jour que les patriarches avaient tant désiré, après lequel lui-même avait soupiré avec tant d'ardeur, depuis son arrivée sur la terre, qu'il avait dit à ses disciples : “Je dois être baptisé d'un autre baptême et je suis dans l'impatience jusqu'à ce qu'il s'accomplisse”.

Combien étaient touchantes ses actions de grâces pour l'arrivée de ce jour qui devait procurer notre salut, le but de sa vie, ouvrir le ciel, vaincre l'enfer, faire jaillir sur les hommes la source des bénédictions et accomplir la volonté de son Père. J'ai prié avec lui, mais je ne puis rendre sa prière, tant j'étais accablée et malade : lorsqu'il remerciait pour ces horribles souffrances qu'il subissait aussi pour moi, je ne pouvais que dire et redire : “Ah ! donnez-moi vos douleurs ; elles m'appartiennent, elles sont le prix de mes péchés”. Il saluait le jour avec une action de grâce si touchante que j'étais comme anéantie d'amour et de pitié, et que je répétais chacune de ses paroles comme un enfant. C'était un spectacle indiciblement triste, attendrissant et imposant de voir Jésus, entouré de lumière, accueillir ainsi le premier rayon du grand jour de son sacrifice. On eut dit que ce rayon venait à lui comme un juge qui vient visiter un condamné dans sa prison pour se réconcilier avec lui avant l'exécution. Les archers qui semblaient s'être assoupis un instant se réveillèrent et le regardèrent avec surprise, mais ils ne le troublèrent pas. Ils avaient l'air étonné et effrayé. Jésus resta un peu plus d'une heure dans cette prison.


Pendant que Jésus était dans le cachot, Judas qui jusque-là avait erré comme un désespéré dans la vallée de Hinnom, se rapprocha du tribunal de Caïphe. Il se glissa près de cet édifice, ayant encore pendues à sa ceinture les trente pièces d'argent, prix de sa trahison. Tout était rentré dans le silence, et il demanda aux gardes de la maison, sans se faire connaître d'eux, ce qu il adviendrait du Galiléen. “Il a été condamné à mort, dirent-ils, et il sera crucifié”. Il entendit d'autres personnes parler entre elles des cruautés exercées sur Jésus, de sa patience, du jugement solennel qui devait avoir lieu au point du jour devant le grand conseil. Pendant que le traître recueillait çà et là ces nouvelles, le jour parut, et on commença à faire divers préparatifs dans le tribunal. Judas se retira derrière le bâtiment pour ne pas être vu : car il fuyait les hommes comme Caïn, et le désespoir s'emparait de plus en plus de son âme.

Mais quel spectacle s'offrit à sa vue. L'endroit où il s'était réfugié était celui où l'on avait travaillé à la croix : les différentes pièces dont elle devait se composer étaient rangées en ordre, et les ouvriers dormaient à côté. Le ciel blanchissait au-dessus de la montagne des Oliviers : il semblait voir avec terreur l'instrument de notre rédemption. Judas tressaillit et s'enfuit : il avait vu le gibet auquel il avait vendu le Seigneur. Il se cacha dans les environs, attendant la conclusion du jugement du matin.


LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès
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Anna Katharina Emmerick
'Die ekstatische Jungfrau Katharina Emmerick' par Gabriel von Max,  München, Neue Pinakothek

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10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 19:00

IX. NOUVEAUX OUTRAGES CHEZ CAIPHE

Lorsque Caïphe quitta la salle du tribunal avec les membres du conseil, une foule de misérables se précipita comme un essaim de guêpes irritées sur Notre Seigneur toujours attaché par des cordes que tenaient deux des quatre premiers archers. Les deux autres s'étaient éloignés avant le jugement pour se faire remplacer par d'autres. Déjà, pendant l'audition des témoins, les archers et quelques autres misérables avaient arraché des boucles entières de la chevelure et de la barbe de Jésus. Des gens de bien ramassèrent en secret quelques-unes de ces mèches de cheveux et se retirèrent en les emportant ; mais plus tard ils ne les retrouvèrent plus. En outre toute cette canaille l'avait couvert de crachats, frappé à coups de poing, poussé avec des bâtons pointus et piqué avec des aiguilles. Maintenant ils se livrèrent sans contrainte à leur rage insensée. Ils lui plaçaient sur la tête des couronnes de paille et d'écorce d'arbre, qu'ils lui ôtaient ensuite en l'injuriant. Ils disaient : “Voici le fils de David avec la couronne de son père. Voici plus que Salomon.  C'est le roi qui fait un repas de noces pour son fils”. C'est ainsi qu'ils se raillaient des vérités éternelles, présentées par lui en paraboles aux hommes qu'il venait sauver ; et ils ne cessaient, en disant ces choses, de le frapper avec leurs poings et leurs bâtons, et de lui cracher à la figure.

Ils tressèrent de nouveau une couronne de grosse paille de froment qu'ils lui mirent sur la tête par-dessus une espèce de bonnet assez semblable à la mitre de nos évêques, après lui avoir ôté sa robe. Il ne lui restait plus que le linge qu'il avait autour des reins avec un scapulaire qui lui couvrait le dos et la poitrine. Ils lui arrachèrent encore ce scapulaire qui ne lui fut plus rendu, et jetèrent sur ses épaules un vieux manteau en lambeaux dont le devant lui venait à peine aux genoux. Ils lui mirent autour du cou une longue chaîne de fer, qui lui descendait comme une étole, des épaules sur la poitrine et pendait jusqu'aux genoux. Elle était terminée par deux lourds anneaux avec des pointes qui lui ensanglantaient les genoux quand il marchait et quand il tombait. Ils lui lièrent de nouveau les mains sur la poitrine, y placèrent un roseau, et couvrirent son divin visage de leurs crachats. Ils avaient versé toute espèce d'immondices sur sa chevelure, ils en avaient souillé sa poitrine et la partie supérieure de son manteau de dérision. Ils lui bandèrent les yeux avec un dégoûtant lambeau d'étoffe, et ils le frappèrent, lui disant : “Grand prophète, dis-nous qui t'a frappé ?” Pour lui, il ne parlait pas, priait intérieurement pour eux et soupirait. L'ayant mis en cet état, ils le traînèrent avec la chaîne dans la salle où le conseil s'était retiré. “En avant le roi de paille”, s'écrièrent-ils en lui donnant des coups de pied et en le frappant de leurs bâtons noueux ; il doit se montrer au conseil avec les marques de respect qu'il a reçues de nous”.

Quand ils entrèrent, ce fut un redoublement d'ignobles railleries et d'allusions sacrilèges aux choses les plus saintes. Ainsi, quand ils crachaient sur lui et lui jetaient de la boue : “Voilà ton onction de roi, ton onction de prophète”, disaient-ils, tournant en ridicule l'onction de Madeleine et le baptême, et encore : “Comment peux-tu te montrer en pareil état devant le grand conseil ? Tu veux toujours purifier les autres et tu n'es pas pur toi-même : mais nous allons te nettoyer”. Alors ils prirent un vase plein d'eau sale et infecte dans laquelle se trouvait un affreux torchon, puis, avec des coups, des huées et des injures entremêlées de compliments et de salutations dérisoires, les uns lui tirant la langue, d'autres lui tournant le dos dans des postures indécentes, ils lui promenèrent ce torchon sur je visage et sur les épaules, faisant semblant de l'essuyer et le souillant plus ignominieusement qu'auparavant. Ils finirent par lui verser sur la figure toutes les immondices contenues dans le bassin, lui disant d'un ton moqueur : “Voici ton onction précieuse, ton eau de nard du prix de trente deniers : c'est ton baptême de la piscine de Bethsaïda”.


Cette dernière moquerie indiquait, sans qu'ils en eussent l'intention, la ressemblance de Jésus avec l'Agneau pascal ; car les victimes d'aujourd'hui étaient d'abord lavées dans l'étang voisin de la porte des Brebis ; puis on les menait à la piscine de Bethsaida où elles recevaient une aspersion cérémonielle avant d'être sacrifiées dans le Temple. Pour eux, ils faisaient allusion au malade de trente-huit ans guéri par Jésus près de la piscine de Bethsaïda ; car je vis cet homme lavé ou baptisé en ce lieu : je dis lavé ou baptisé, parce que cette circonstance n'est pas bien présente à mon esprit.

Après cela, sans cesser de le frapper et de l'insulter, ils traînèrent Jésus autour de la salle devant les membres du conseil qui lui prodiguaient de leur côté les sarcasmes et les insultes. Je vis que tout était plein de figures diaboliques, c'était quelque chose de ténébreux, de désordonné, d'effrayant. Mais je vis souvent une lueur resplendir autour de Jésus depuis qu'il avait dit qu'il était le Fils de Dieu.

Plusieurs des assistants semblaient en avoir une perception, plus ou moins confuse ; du moins ils sentaient avec inquiétude que toutes les ignominies, toutes les insultes ne pouvaient lui faire perdre son inexprimable majesté. La lumière qui environnait Jésus ne paraissait avoir d'autre effet sur ses aveugles ennemis que de redoubler leur rage. Quant à moi, sa gloire m'apparut si éclatante que je ne pu m'empêcher de penser que, s'ils lui avaient voilé le visage, c'était uniquement parce que le grand prêtre ne pouvait plus supporter le regard de Jésus, depuis qu'il avait dit : “Je le suis.”



X. RENIEMENT DE PIERRE


Lorsque Jésus eut dit : “Je le suis” ; lorsque Caïphe déchira ses habits et que le cri : “il est digne de mort !” se fit entendre au milieu du plus horrible tumulte, lorsque le ciel se fut ouvert au-dessus de Jésus, que l'enfer eut déchaîné sa rage et les tombeaux rendu les esprits qui y étaient emprisonnés, lorsque tout fut rempli d'angoisses et de terreur, Pierre et Jean, qui avaient cruellement souffert de l'affreux spectacle qu'il leur avait fallu contempler dans le silence et l'inaction, sans même proférer une plainte, n'eurent pas la force de rester là plus longtemps. Jean alla rejoindre la mère de Jésus, qui se trouvait avec les saintes femmes dans la demeure de Marthe, non loin de la porte de l'Angle, où Lazare possédait une grande et belle maison. Pierre aimait trop Jésus pour le quitter. Il pouvait à peine se contenir et pleurait amèrement, s'efforçant de cacher ses larmes : ne voulant pas rester dans la salle du tribunal où il se serait trahi, il vint dans le vestibule auprès du feu, où des soldats et des gens du peuple se pressaient, tenant d'horribles et dégoûtants propos sur Jésus et racontant les scènes auxquelles ils venaient de prendre part.

Pierre gardait le silence, mais ce silence même et son air de tristesse le rendaient suspect. La portière s'approcha du feu : comme on parlait de Jésus et de ses disciples, elle regarda Pierre d'un air effronté et lui dit : “Tu es aussi un des disciples du Gali1éen”. Pierre, troublé, inquiet, craignant d'être maltraité par ces gens grossiers, répondit : “Femme, je ne le connais pas ; je ne sais ce que tu veux dire”. Alors il se leva, et, cherchant à se délivrer de cette compagnie. Il sortit du vestibule ; c'était le moment où le coq chantait devant la ville. Je ne me souviens pas de l'avoir entendu mais j'en eu le sentiment. Comme il sortait, une autre servante le regarda, et dit à ceux qui étaient près d'elle : “Celui-ci était aussi avec Jésus de Nazareth !” ; et les assistants dirent également : “N'étais-tu pas un de ses disciples” ? Pierre, effrayé, fit des protestations et s'écria : “En vérité, je n'étais pas son disciple ; je ne connais pas cet homme”.

Il traversa la première cour et vint dans la cour extérieure, parce qu'il voyait des personnes de sa connaissance qui regardaient par-dessus le mur et qu'il voulait avertir. Il pleurait, et son anxiété et sa tristesse au sujet de Jésus étaient si grandes, qu'il se souvenait à peine de ce qu'il venait de dire. Il y avait beaucoup de gens dans la cour extérieure, parmi lesquels des amis de Jésus. On ne les laissa pas entrer, mais on laissa sortir Pierre. Quelques-uns grimpaient sur les murs pour entendre ce qui se disait. Pierre trouva là un certain nombre de disciples de Jésus que l'inquiétude avait chassés hors des cavernes du mont Hinnom. Ils vinrent vers Pierre et lui firent des questions, mais il était si troublé, qu'il leur conseilla en peu de mots de se retirer, parce qu'il y avait du danger pour eux. Il s éloigna d'eux aussitôt, errant tristement de côté et d'autre et ils sortirent pour regagner leurs retraites. Ils étaient environ seize, parmi lesquels Barthélémy, Nathanaël, Saturnin, Judas Barsabas, Siméon, qui devint évêque de Jérusalem, Zachée et Manahem, le jeune homme prophétique, l'aveugle-né guéri par Jésus.

Pierre ne pouvait trouver de repos, et son amour pour Jésus le poussa de nouveau dans la cour intérieure qui entourait la maison. On l'y laissa rentrer parce que Joseph d'Arimathie et Nicodème l'y avaient introduit au commencement. Il ne revint pas dans le vestibule, mais il tourna a droite et s'en vint à l'entrée de la salle ronde placée derrière le tribunal, où la canaille promenait Jésus au milieu des huées. Pierre s'approcha timidement, et quoiqu'il vit bien qu'on l'observait comme un homme suspect, son inquiétude le poussa au milieu de la foule qui se pressait à la porte pour regarder. On traînait alors Jésus avec sa couronne de paille sur la tête ; il jeta sur Pierre un regard triste et presque sévère, et Pierre fut pénétré de douleur. Mais comme il n'avait pas surmonté sa frayeur, et qu'il entendait dire à quelques-uns des assistants : “Qu'est-ce que cet homme ?”, il revint dans la cour, marchant d'un pas mal assuré, tant il était accablé de tristesse et d'inquiétude ; puis, comme on l'observait encore dans le vestibule, il s'approcha du feu et resta assis là quelque temps. Mais quelques personnes qui avaient remarqué son trouble se mirent à lui parler de Jésus en termes injurieux. L'une d'elles lui dit : “Vraiment tu es aussi de ses partisans ; tu es Galiléen et ton accent te fait reconnaître”. Comme Pierre voulait se retirer, un frère de Malchus vint à lui et lui dit : “N'est-ce pas toi que j'ai vu avec eux dans le jardin des Oliviers, et qui as blessé mon frère à l'oreille ?”

Pierre, alors dans son anxiété, perdit presque l'usage de sa raison ; il se mit, avec la vivacité qui lui était propre, à faire des serments exécrables et à jurer qu'il ne connaissait pas cet homme ; puis il courut hors du vestibule dans la cour qui entourait la maison. Alors le coq chanta de nouveau, et Jésus, qu'on conduisait de la salle ronde à la prison à travers cette cour, se tourna vers Pierre, et lui adressa un regard plein de douleur et de compassion. Les paroles de Jésus : “Avant que le coq ne chante deux fois, tu me renieras trois fois”, lui revinrent au coeur avec une force terrible. Il avait oublié la promesse faite à son maître de mourir plutôt que de le renier et le menaçant avertissement qu'elle lui avait attiré ; mais lorsque Jésus le regarda, il sentit combien sa faute était énorme et son coeur en fut déchiré. Il avait renié son maître au moment où celui-ci était couvert d'outrages, livré à des juges iniques, patient et silencieux au milieu des tourments : pénétré de repentir et comme hors de lui, il vint dans la cour extérieure, la tête voilée et pleurant amèrement. Il ne craignait plus qu'on l'interpellât : maintenant il aurait dit à tout le monde qui il était et combien il était coupable.


Qui oserait dire qu'au milieu de pareils dangers, en proie à de telles angoisses et à un tel trouble, livré à une lutte si violente entre l'amour et la crainte, accablé de fatigues inouïes et d'une douleur capable de faire perdre la raison, avec la nature ardente et naïve de Pierre il eut été plus fort que lui ? Le Seigneur l'abandonna à sa propre force, et il fut faible comme sont tous ceux qui oublient cette parole : “Veillez et priez pour ne pas tomber en tentation”.


LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès
Gallica

Anna Katharina Emmerick
'Die ekstatische Jungfrau Katharina Emmerick' par Gabriel von Max,  München, Neue Pinakothek

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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 19:00

VIII. JESUS DEVANT CAIPHE

Jésus fut conduit dans le vestibule, au milieu des clameurs, des injures et des coups ; mais bientôt les cris tumultueux cessèrent et l'on n'entendit plus que le sourd murmure et les chuchotements d'une rage contenue. On l'amena devant les juges, et comme il passait près de Pierre et de Jean, il les regarda, mais sans tourner la tête vers eux, afin de ne pas les trahir. A peine fut-il devant le conseil, que Caïphe s'écria : “Te voilà, ennemi de Dieu, qui trouble pour nous cette sainte nuit”. La calebasse où se trouvaient les accusations d'Anne fut détachée du sceptre dérisoire mis aux mains de Jésus.

Lorsqu'elles eurent été lues, Caïphe se répandit en invectives contre le Sauveur ; les archers le frappèrent et le poussèrent avec des petits bâtons ferrés à l'extrémité desquels étaient des espèces de pommeaux terminés en pointe, et ils lui dirent : “Réponds donc ! Ouvre la bouche ! Ne sais-tu pas parler ?” Caïphe, avec plus d'emportement encore qu'Anne n'en avait montré, adressait une foule de questions à Jésus. qui restait là calme, patient, les yeux baissés à terre. Les archers voulaient le forcer à parler : ils le frappaient à la nuque et dans les côtés, ils lui donnaient des coups sur les mains, et le piquaient avec des instruments pointus.

Bientôt commença l'audition des témoins. Tantôt la populace excitée poussait des clameurs tumultueuses, tantôt on écoutait parler les plus grands ennemis de Jésus parmi les Pharisiens et les Sadducéens convoqués à Jérusalem de tous les points du pays. On répétait toutes les accusations auxquelles il avait mille fois répondu : qu'il guérissait les maladies et chassait les démons par le démon, qu'il violait le sabbat, qu'il soulevait le peuple, qu'il appelait les Pharisiens race de vipères et adultères, qu'il prédisait la destruction de Jérusalem, qu'il hantait les publicains, les pêcheurs et les femmes de mauvaise vie, qu'il parcourait le pays avec une suite nombreuse, qu'il se faisait appeler roi, prophète et fils de Dieu, qu'il parlait toujours de son royaume, qu'il rejetait le divorce, qu'il avait crié malheur sur Jérusalem, qu'il se nommait le pain de vie, qu'il enseignait des choses inouïes, disant que quiconque ne mangerait pas sa chair et ne boirait pas son sang, ne pouvait être sauvé, etc. C'était ainsi que ses paroles, ses instructions et ses paraboles étaient défigurées, entremêlées d'injures et présentées comme des crimes. Mais tous se contredisaient et s'embarrassaient dans leurs discours. L'un disait : “il se donne comme roi”. L'autre : “Non, il se laisse seulement appeler de ce nom, et quand on a voulu le proclamer tel, il s'est enfui”. Un troisième : “Il dit qu'il est le fils de Dieu”. Un quatrième : “Non, il ne se nomme le fils que parce qu'il accomplit la volonté du Père”. Quelques-uns disaient qu'il les avait guéris, mais qu'ils étaient retombés malades, que ces guérisons n'étaient que de la sorcellerie, il y avait beaucoup d'accusations et de témoignages sur ce chef de la sorcellerie ; on débitait aussi toute sorte de mensonges et d'assertions contradictoires sur la guérison de l'homme de la piscine de Bethsaïda. Les Pharisiens de Sephoris avec lesquels il avait disputé une fois sur le divorce, l'accusaient de fausse doctrine, et ce jeune homme de Nazareth qu'il n'avait pas voulu prendre parmi ses disciples avait la bassesse de témoigner contre lui. On lui reprochait aussi, entre autres choses, d'avoir absous la femme adultère dans le Temple et incriminé à ce sujet les Pharisiens.


Toutefois on ne pouvait présenter aucune accusation solidement établie. Les témoins comparaissaient plutôt pour lui dire des injures en face que pour rapporter des faits. Ils ne faisaient que se disputer violemment entre eux, et pendant ce temps Caïphe et quelques membres du conseil ne cessaient d'invectiver Jésus : “Quel roi es-tu ? Montre ton pouvoir, fais venir les légions d'anges dont tu as parlé au jardin des Oliviers ! Où as-tu mis l'argent des veuves et des fous que tu as séduits ? tu as dissipé des fortunes entières ; réponds, parle devant le juge ! es-tu muet ? tu aurais mieux fait de te taire devant la populace et les troupeaux de femmes que tu endoctrinais. Là, tu parlais beaucoup trop”.

Tous ces discours étaient accompagnés de mauvais traitements de la part des employés subalternes du tribunal. Ce ne fut que par miracle qu'il put résister à tout cela. Quelques misérables disaient qu'il était bâtard : mais d'autres disaient au contraire que c'était faux, que sa mère avait été une vierge pieuse dans le Temple et qu'ils l'avaient vue fiancer avec un homme craignant Dieu. On reprocha à Jésus et à ses disciples de ne point sacrifier dans le Temple. En effet, je n'ai jamais vu que Jésus ou les apôtres aient amené de victimes dans le Temple, si ce n'est les agneaux de la Pâque. Toutefois Joseph et Anne, pendant qu'ils vivaient, sacrifiaient souvent pour Jésus. Cette accusation était sans valeur, car les Esséniens ne faisaient point sacrifier, et ils n'étaient passibles d'aucune peine pour cela. On représentait sans cesse le reproche de sorcellerie, et Caïphe assura plusieurs fois que la confusion qui régnait dans les dires des témoins était un effet de ses maléfices.


Quelques-uns dirent qu'il avait mangé la Pâque la veille ce qui était contraire à la loi, et que l'année précédente il avait déjà apporté des changements dans la célébration de cette cérémonie ; ce fut l'occasion de nouveaux cris et de nouvelles insultes. Mais les témoins s'étaient encore tellement contredits que Caïphe et les siens étaient honteux et irrités de ce qu'ils ne pouvaient rien avancer qui eût quelque consistance. Nicodème et Joseph d'Arimathie furent sommés de s'expliquer sur ce qu'il avait mangé la Pâque dans une salle appartenant à l'un d'eux, et ils prouvèrent d'après d'anciens écrits que de temps immémorial les Galiléens avaient la permission de manger la Pâque un jour plus tôt. Ils ajoutèrent que du reste la cérémonie avait eu lieu conformément à la loi, puisque des gens du Temple y avaient aidé. Ceci embarrassa beaucoup les témoins, mais Nicodème surtout irrita vivement les ennemis de Jésus lorsqu'il montra dans les archives le droit des Galiléens. Ce droit leur avait été accordé, entre autres motifs dont je ne me souviens plus, parce qu'autrefois il y avait une telle affluence dans le Temple qu'on n'aurait pu avoir fini pour le jour du sabbat s'il avait tout fallu faire dans la même journée. Quoique les Galiléens n'eussent pas fait constamment usage de ce droit, il fut pourtant parfaitement établi par les textes que cita Nicodème ; et la fureur des Pharisiens contre celui-ci s'accrut encore, lorsqu'il représenta combien le conseil devait se sentir offensé par les choquantes contradictions de tous ces témoins dans une affaire entreprise avec tant de précipitation, la nuit d'avant la plus solennelle des fêtes, sous l'empire de préventions les plus opiniâtres. Ils lancèrent des regards furieux contre Nicodème, et firent continuer leur audition de témoins avec un redoublement de précipitation et d'impudence.

Après un grand nombre de dépositions ignobles, absurdes, calomnieuses, il en vint enfin deux qui dirent : “Jésus a dit : Je renverserai le Temple qui a été bâti par les hommes et j'en relèverai en trois jours un nouveau qui ne sera pas fait de main d'homme.” Mais ceux-ci encore n'étaient pas d'accord. L'un disait qu'il voulait construire un nouveau Temple ; qu'il avait mangé une nouvelle Pâque dans un autre édifice parce qu'il voulait abolir l'ancien Temple. Mais l'autre disait que cet édifice était bâti de main d'homme, que par conséquent il n'avait pas pu vouloir parler de celui-là.


Caïphe était plein de colère, car les cruautés exercées envers Jésus, les contradictions des témoins et l'ineffable patience du Sauveur faisaient une vive impression sur beaucoup d'assistants. Quelquefois les témoins étaient presque hués. Le silence de Jésus rendait quelques consciences inquiètes, et dix soldats se sentirent tellement touchés qu'ils se retirèrent sous prétexte de maladie. Comme ils passaient près de Pierre et de Jean, ils leur dirent : “Ce silence de Jésus le Galiléen au milieu de tant de mauvais traitements déchire le coeur. Mais, dites-nous, où devons-nous aller ?” Les deux apôtres, peut-être parce qu'ils ne se fiaient pas à eux et qu'ils craignaient, soit d'être dénoncés par eux comme disciples de Jésus, soit d'être reconnus pour tels par quelqu'un de l'assistance, leur répondirent avec un regard mélancolique et en termes généraux : “Si la vérité vous appelle, laissez-vous conduire par elle : le reste se fera tout seul”. Alors ces hommes quittèrent la salle et sortirent de la ville. Ils en rencontrèrent d'autres qui les conduisirent de l'autre côté de la montagne de Sion, dans les cavernes au midi de Jérusalem, et ils y trouvèrent plusieurs apôtres cachés qui d'abord eurent peur d'eux ; ils leur annoncèrent ce qui arrivait à Jésus et leur dirent qu'eux aussi étaient menacés ; sur quoi ceux-ci se dispersèrent et cherchèrent d'autres asiles.


Caïphe, poussé à bout par les discours contradictoires des deux derniers témoins, se leva de son siège, descendit deux marches et dit à Jésus : “Ne réponds-tu rien à ce témoignage ?” Il était très irrité de ce que Jésus ne le regardait pas. Alors les archers le saisissant par les cheveux, lui rejetèrent la tête en arrière et lui donnèrent des coups de poing sous le menton ; mais ses yeux ne se relevèrent pas. Caïphe alors éleva vivement ses mains et dit avec une voix courroucée : “Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Messie, le Fils de Dieu ?” Il se fit un grand silence, et Jésus, fortifié par son Père, répondit avec une voix pleine de majesté inexprimable, avec la voix du Verbe éternel : “Je le suis, tu l'as dit ! et je vous dis que vous verrez le Fils de l'Homme assis à la droite de la Majesté divine et venant sur les nuées du ciel !” Pendant que Jésus disait ces paroles, je le vis resplendissant : le ciel était ouvert au-dessus de lui, et je vis d'une intuition que je ne saurais exprimer, Dieu, le Père tout-puissant : je vis aussi les Anges et la prière des justes qui montait jusqu'à son trône comme suppliant en faveur de Jésus. Je vis alors comme si la divinité de Jésus disait, au nom du Père et de Jésus à la fois : “Si je pouvais souffrir, je souffrirais, mais parce que je suis miséricordieux, j'ai pris chair dans le fils, afin que le fils de l'homme souffre, car je suis juste, et voici qu'il porte les péchés de tous ceux-ci, les péchés du monde entier”.

Au-dessous de Caïphe, au contraire, je vis l'enfer comme une sphère d'un feu sombre pleine d'horribles figures : il se tenait au-dessus et ne semblait en être séparé que par une mince gaze Je vis que toute la rage des démons était entrée en lui. Toute la maison me parut comme un enfer sortant de terre. Lorsque le Seigneur déclara solennellement qu'il était le Christ, Fils de Dieu, l'enfer sembla tressaillir devant lui, puis tout à coup vomir toutes ses fureurs dans cette maison. Tout ce que je vois m'est montré avec des formes et des figures ; ce langage est pour moi plus exact, plus bref et plus frappant que tout autre, parce que les hommes aussi sont des formes qui tombent sous les sens et ne sont pas purement des mots et des abstractions. Je vis donc l'angoisse ou la fureur des enfers se manifester sous mille formes horribles qui semblaient surgir en divers endroits. Je me souviens entre autres choses d'une troupe de petites figures noires semblables à des chiens qui couraient sur leurs pieds de derrière et armées de longues griffes, je ne saurais plus dire quelle espèce de mal me fut montrée sous cette forme. Je vis beaucoup de spectres effroyables entrer dans la plupart des assistants : quelquefois ils s'asseyaient sur leur tête ou sur leurs épaules. L'assemblée en était pleine et la rage des méchants allait toujours croissante. Je vis aussi dans ce moment d'horribles figures sortir des tombeaux de l'autre côté de Sion. Je crois que c'étaient de mauvais esprits. Je vis beaucoup d'autres apparitions dans le voisinage du Temple et parmi celles-ci beaucoup de figures qui semblaient traîner des chaînes comme des captifs. Je ne sais pas si ces dernières étaient aussi des démons ou des âmes condamnées à habiter certains endroits sur la terre et qui peut-être maintenant se rendaient aux Limbes que le Sauveur leur ouvrait par sa condamnation à mort. On ne peut pas exprimer complètement de semblables choses : on ne voudrait pas scandaliser ceux qui les ignorent ; mais on les sent quand on les voit, et les cheveux se dressent sur la tête. Ce moment eut quelque chose d'horrible. Je crois que Jean vit tout cela, au moins en partie ; car je l'entendis en parler plus tard. Tous ceux qui n'étaient pas entièrement réprouvés ressentirent avec une terreur profonde tout ce qu'il y eut d'horrible en cet instant, et les méchants l'éprouvèrent par un redoublement de haine et de fureur.


Caïphe, inspiré par l'enfer, prit le bord de son manteau, le fendit avec son couteau et le déchira avec bruit, criant à haute voix : “il a blasphémé ! Qu'est-il encore besoin de témoins ? vous avez entendu le blasphème, quelle est votre sentence ?” Alors tous les assistants se levèrent et s'écrièrent d'une voix terrible : “Il est digne de mort ! il est digne de mort !”

Pendant ces cris, les fureurs de l'enter étaient à leur comble. Les ennemis de Jésus étaient comme enivrés par Satan, et il en était de même de leurs flatteurs et de leurs agents. C'était comme si les ténèbres eussent célébré leur triomphe sur la lumière. Tous les assistants chez lesquels il restait une étincelle de bien furent pénétrés d'une telle horreur que plusieurs se voilèrent la tête et se retirèrent. Les plus distingués parmi les témoins quittèrent avec une conscience troublée l'audience où ils n'étaient plus nécessaires. Les autres se pressèrent autour du feu dans le vestibule, où on leur donna de l'argent et où ils mangèrent et burent. Le grand-prêtre dit aux archers : “Je vous livre ce roi ; rendez au blasphémateur les honneurs qu'il mérite”. Puis il se retira avec les membres du conseil dans la salle ronde située derrière le tribunal, et ou l'on ne pouvait pas être vu du vestibule.


Jean, dans sa profonde affliction, pensa à la pauvre mère de Jésus. Il craignait que la terrible nouvelle ne lui arrivât d'une manière plus douloureuse, peut-être, par la bouche d'un ennemi : il regarda encore le Seigneur, disant en lui-même : “Maître, vous savez pourquoi je m'en vais”, et se rendit en hâte près de la sainte Vierge comme s'il y eût été envoyé par Jésus même.

Pierre, accablé d'inquiétude et de douleur, et ressentant plus vivement à cause de sa fatigue la fraîcheur pénétrante du matin, dissimula son désespoir du mieux qu'il put et s'approcha timidement du foyer où se chauffait beaucoup de canaille. Il ne savait que faire, mais il ne pouvait pas s'éloigner de son maître.


LA DOULOUREUSE PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
d'après les méditations de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerick
Traduction de l'Abbé de Cazalès
Gallica

Anna Katharina Emmerick
'Die ekstatische Jungfrau Katharina Emmerick' par Gabriel von Max,  München, Neue Pinakothek  

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