Les pavillons sont d’énormes constructions couvertes d’un vitrage, et dont les parois, faites de verre et de colonnettes en fonte, sont portées sur des murailles en briques.
Divisés selon l’objet spécial auquel ils doivent servir, ils sont très vastes et élevés au-dessus d’immenses caves qui sont des magasins et qu’on nomme des resserres. La pierre de taille et la brique sont seules entrées dans l’édification de ces souterrains, où les marchands gardent les denrées qu’ils n’ont point vendues, où se fait l’abatage des volailles. Les lapins, les canards vivants, y sont enfermés dans des cages en fil de fer ; le beurre, le fromage, les œufs, sont empilés dans des casiers distincts, et le poisson d’eau douce est conservé dans des bassins grillés traversés par une eau courante toujours renouvelée.
D’énormes rats se promènent la nuit, à la lueur vacillante du gaz, dans ces vastes resserres, où malgré les soins de propreté exigés, malgré une aération qui devrait être suffisante, plane une fade odeur de moisi et de renfermé. Au milieu de ces salles inférieures s’étend, derrière des barrières sévèrement closes, une route droite, abritée sous une voûte et garnie de rails. C’est un chemin de fer ; mais jusqu’à présent il a été inutile, et on peut croire qu’il le sera longtemps encore. On avait eu l’idée de relier les halles au chemin de fer de ceinture par une voie souterraine qui eût singulièrement facilité le transport des denrées. Ce projet a-t-il rencontré trop de difficultés d’exécution, a-t-on reculé devant une dépense qui, trop considérable, n’eût pas été en rapport avec la rémunération présumée ? Je ne sais, toujours est-il qu’on ne l’a pas réalisé.
Dans chacun des pavillons s’élève une large cabane en bois qui, sert de bureau à un inspecteur spécial et à ses employés ; les agents du poids public y ont aussi leur installation, de sorte que le contrôle est permanent, toujours sur les lieux mêmes. Le service intérieur des halles est fait par 481 forts, dont le bénéfice annuel varie entre 1,500 et 3,000 francs. Ces hommes sont organisés en syndicat, et offrent toutes les conditions possibles de probité, de bonne conduite et d’exactitude. Il ne leur suffit pas de sortir intacts d’une enquête très sérieuse faite sur leur vie, il faut encore qu’ils triomphent des épreuves physiques auxquelles on les soumet pour les essayer. Dans les pénibles exercices auxquels ils se livrent presque en se jouant, ils déploient une adresse et une vigueur remarquables. Grâce à leurs larges chapeaux enduits de blanc d’Espagne et à leur colletin en très gros velours d’Utrecht, qui empêchent les fardeaux de glisser, ils ont tes mains libres et gardent une agilité de mouvement surprenante.
Ce sont les forts qui, sous leur responsabilité personnelle, ont mission de décharger les voitures et d’en porter le contenu sur le carreau des ventes.
Maxime Du Camp, Les Halles de Paris, Revue des Deux Mondes, 1868