Pourquoi la plupart des chrétiens profitent-ils si peu de la sainte parole que nous leur annonçons ?
En ce temps-là, Jésus enseignait au temple de Jérusalem.
Dans la foule, on avait entendu ses paroles, et les uns disaient :
« C’est vraiment lui, le Prophète annoncé ! »
D’autres disaient :
« C’est lui le Christ ! »
ÉVANGILE DE SAINT JEAN
samedi de la quatrième semaine
N'est-il pas évident que le principe d'un mal si déplorable et si pernicieux dans le christianisme est qu'on ne la reçoit plus, cette parole, que comme parole des hommes, sans penser qu'elle part de plus haut, et de Dieu même ?
Nulle disposition intérieure pour recueillir cette manne divine que les ministres du Seigneur leur distribuent, et qui doit être la nourriture de leurs âmes et leur entretien. Le Saint-Esprit ne veut pas que nous nous présentions a l'autel du Dieu vivant pour le prier, sans nous y être préparés ; et l'on se présente a la chaire de Jésus-Christ pour l'écouter, sans être rentré en soi-même, ni s'être éprouvé soi-même. Comme si la chaire où Dieu nous fait annoncer ses ordres ne nous devait pas être, selon la belle remarque de saint Athanase, aussi vénérable que l'autel où il nous dispense ses grâces ; et comme si la parole que nous lui adressons dans l'oraison était plus respectable pour nous que celle qu'il nous adresse lui-même en nous instruisant, ou qu'on nous adresse en son nom ? De là même nulle réflexion de l'esprit, nulle attention à des vérités qu'on ne peut trop méditer, ni trop pénétrer. Le prédicateur, après s'être consumé de veilles et d'études pour se les rendre plus présentes et se les bien imprimer, épuise encore ses forces à les développer telles qu'il les a conçues, et à les proposer dans tout leur jour; mais l'auditeur, ou plongé dans une lente paresse qui l'assoupit, ou dissipé par de volages idées qui tour à tour se succèdent et qui l'égarent, n'entend rien, pour ainsi parler, de tout ce qu'il entend, n'en prend rien, ou n'en conserve rien.
Or, si l'on regardait la parole de Dieu comme parole de Dieu, on y apporterait tout un autre esprit, et tout un autre cœur. Je veux dire qu'on y apporterait un saint recueillement de l'âme, un humble sentiment de sa propre bassesse, et de la grandeur souveraine du maître dont on va recevoir les salutaires leçons, une intention actuelle d'en profiter et de les pratiquer ; qu'on y apporterait la docilité des enfants, pour apprendre ses devoirs et pour les connaître ; une soumission, une fidélité prête à tout entreprendre ; un plein abandon de soi-même à tous les mouvements qu'il plairait à Dieu d'inspirer, et à toutes les grâces dont il voudrait nous éclairer et nous toucher. Cette seule pensée : Dieu m'appelle, et, par la bouche de son ministre, c'est lui-même qui me va donner ses divins enseignements, lui-même qui me va révéler ses mystères, qui me va découvrir ses voies, qui me va déclarer ses volontés, qui va m'expliquer son Evangile et ses sacrés oracles : ce seul souvenir, mes Frères, exciterait tout votre zèle et réveillerait toute votre ardeur.
BOURDALOUE, SUR LA PAROLE DE DIEU