" En vérité, en vérité je vous le dis :
si quelqu’un garde ma parole, il ne mourra jamais. "
ÉVANGILE DE SAINT JEAN
jeudi de la cinquième semaine
Du reste, convenons aussi qu'il y a bien de l'illusion dans la conduite des hommes à l'égard de ce grand précepte : Diliges Dominum Deum tuum (Luc, X, 27.) :
Vous aimerez le Seigneur votre Dieu.
Rien n'est plus aisé que de dire : J'aime Dieu ;
mais rien dans la pratique n'est plus rare que cet amour : pourquoi ?
C'est que nous nous flattons, et que nous ne distinguons pas le vrai et le faux amour de Dieu.
Non seulement nous trompons les autres par notre hypocrisie, mais nous nous trompons nous-mêmes par un aveuglement volontaire.
Qu'il s'élève dans notre âme le plus léger sentiment d'amour pour Dieu, nous voilà persuadés que tout est fait, et nous croyons avoir la plénitude de ce divin amour. Ce qui n'est souvent qu'affection naturelle, nous le prenons pour un mouvement de la grâce ; ce qui n'est qu'un mouvement de la grâce, nous le regardons comme un effet de notre fidélité ; nous confondons l'inspiration qui nous porte à aimer, avec l'amour même ; et ce que Dieu opère dans nous indépendamment de nous, nous nous l'attribuons, comme si c'était tout ce que Dieu veut que nous fassions pour lui. Mais abus, Chrétiens, et malheur à nous si nous tombons ou si nous demeurons dans de si grossières erreurs !
Aimer Dieu, c'est s'interdire tout ce que défend la loi de Dieu, et pratiquer tout ce qu'elle ordonne ; c'est se renoncer soi-même, c'est faire une guerre continuelle à ses passions ; c'est humilier son esprit, crucifier sa chair, et la crucifier, comme dit saint Paul, avec ses vices et ses concupiscences ; c'est résister aux illusions du monde, au torrent de la coutume, à l'attrait du mauvais exemple ; en un mot, c'est vouloir plaire en tout à Dieu, et ne lui vouloir déplaire en rien.
En l'aimant ainsi d'un amour de préférence, d'un amour de plénitude, il nous reste encore à l'aimer d'un amour de perfection par rapport au christianisme.
BOURDALOUE, SUR L'AMOUR DE DIEU