" Moi, je ne juge personne.
Et, s’il m’arrive de juger,
mon jugement est vrai
parce que je ne suis pas seul :
j’ai avec moi le Père, qui m’a envoyé. "
ÉVANGILE DE SAINT JEAN
lundi de la cinquième semaine
N'est-il pas étrange, Chrétiens, qu'uniquement créés pour aimer Dieu, nous ayons peut-être jusques à présent, ignoré en quoi consiste l'amour de Dieu, et que, soumis à la loi, nous ne connaissions pas le premier et le grand précepte de la loi ?
Adoucir les préceptes de la loi de Dieu en leur donnant des interprétations favorables à la nature corrompue, c'est une maxime, Chrétiens, très pernicieuse dans ses conséquences ; mais outrer ces mêmes préceptes, et les entendre dans un sens trop rigide, et au delà des termes de la vérité, c'est un excès que nous devons également éviter. Dire : Ceci n'est pas péché, quand il l'est en effet, c'est une erreur dangereuse pour le salut; mais dire : Ceci est péché quand il ne l'est pas, c'est une autre erreur peut-être encore plus préjudiciable.
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on s'est élevé contre ceux qui par des principes trop larges ont voulu sauver tout le monde ; mais aussi n'est-ce pas d'aujourd'hui qu'on a condamné ceux qui, par l'indiscrète sévérité de leurs maximes, ont exposé tout le monde à tomber dans le désespoir. Il y a plus de quatorze siècles que Tertullien reprochait aux catholiques le relâchement de leur morale ; mais il y a aussi plus de quatorze siècles qu'on a reproché à Tertullien sa rigueur extrême et sans mesure, qui le conduisit enfin à l'hérésie. Il faut tenir le milieu, et, lorsqu'il s'agit de la réprobation d'une âme ou de sa justification, on ne doit être ni trop commode ni trop sévère : mais il faut être sage, et sage selon les règles de la Foi.
BOURDALOUE, SUR L'AMOUR DE DIEU