Guillaume de Tyr
Historien français (Syrie vers 1150-Rome 1185)
Archevêque de Tyr (1175) et chancelier du royaume de Jérusalem sous le règne de Baudouin IV, il écrivit une histoire des États latins du Levant, intitulée Historia rerum in partibus
transmarinis gestarum, qui va de 1095 à 1184.
On sait que Jérusalem, la cité sainte et agréable à Dieu, est située au milieu de montagnes très élevées. Les traditions antiques nous apprennent qu'elle était dans le pays de la tribu de Benjamin. Elle était bornée à l'occident par la tribu de Siméon, le pays des Philistins et la mer Méditerranée. Celle-ci, au point où elle en est le plus rapprochée, près de l'antique bourg de Joppé, se trouve encore à vingt-quatre milles de distance, et l'on rencontre, entre la ville et la mer, le château d'Emmaus, qui plus tard fut appelé Nicopolis, et où le Seigneur apparut à deux de ses disciples, après sa résurrection.
On y trouve encore Modin, heureuse forteresse des Machabées ; Nobé, bourg sacerdotal, où David et ses enfants, travaillés de la faim, mangèrent les pains sanctifiés que leur donna le grand-prêtre Achimelech ; Diospolis ou Lydda, où Pierre rendit la santé au paralytique Enée, qui depuis huit ans était couché sur un grabat ; enfin Joppé, où le même Pierre ressuscita l'une de ses disciples, nommée Tabitha, femme riche en bonnes œuvres et en aumônes, et la rendit pleine de vie aux saints et aux veuves. Ce fut encore là, qu'ayant trouvé l'hospitalité chez Siméon le corroyeur, Pierre reçut le messager de Corneille, ainsi qu'on le voit dans les Actes des Apôtres.
A l'orient de Jérusalem on trouve le Jourdain et le désert qui le touche, que fréquentaient les fils des prophètes, et qui en est à quatorze milles de distance environ. On y voit aussi la vallée sauvage, où est maintenant la mer de sel, autrement appelée lac Asphalte ou mer Morte. Avant que le Seigneur mît renversé Sodome, tout ce pays était, comme on le lit dans la Genèse, arrosé d'eaux comme un jardin de délices. En deçà du Jourdain est la ville de Jéricho, que Josué, successeur de Moïse, soumit plus encore par ses prières que par ses armes. Plus tard, le Seigneur, passant à Jéricho, rendit la vue à un aveugle : on y voit aussi Galgala, lieu de retraite d'Élysée.
Au delà du Jourdain étaient Galaad, Basan, Ammon et Moab, qui dans la suite échurent en partage aux tribus de Ruben, de Gad et à la moitié de la tribu de Manassé : tout ce pays est compris aujourd’hui sous la dénomination générale d'Arabie.
Au midi de Jérusalem était la tribu de Juda, dans laquelle on trouve Bethléem, résidence ordinaire du Seigneur, lieu fortuné, témoin de sa nativité, et où fut déposé son berceau ; la ville de Thécua, résidence des prophètes Habacuc et Amos ; Ebron, autrement appelée Cariatharbé, où étaient les vénérables sépulcres des saints Patriarches.
Au nord de Jérusalem sont Gabaon, célèbre par la victoire de Josué, fils de Nun, et par le miracle du soleil arrêté dans sa course ; Sichar, patrie de la Samaritaine, qui s'entretint avec le Seigneur ; Bethel, adoratrice des veaux d'or et témoin des péchés de Jéroboam ; Sébaste, où se trouvent les tombeaux de Jean-Baptiste, d'Élisée et d’Abdias, autrefois appelée Samarie, du nom du mont Somer, sur lequel elle est située, où fut le trône des rois d'Israël : ce fut aussi ce qui fit donner à toute cette contrée le nom de Samarie, qu'elle porte encore aujourd'hui.
On y trouve en outre Neapolis, anciennement appelée Sichem, du nom de son fondateur : ce fut dans cette ville, ainsi que nous l'apprend le livre de la Genèse, que les fils de Jacob, Siméon et Lévi, voulant venger l'outrage fait à leur soeur Dina par Hémor, fils de Sichem, enflammé d'amour pour elle, tuèrent de leur glaive Hémor et ses fils, après quoi ils tinrent le feu à la ville.
GUILLAUME DE TYR, HISTOIRE DES CROISADES, BnF - Gallica
Le site de Sichem à 65 km au nord de Jérusalem, 2 km de Naplouse
Des preuves archéologiques indiquent que la ville a été rasée et reconstruite jusqu'à 22 fois avant sa disparition définitive.
Sichem ou Shechem ou Shkhem ou Shachmu ou Sychar ou Sychem, en Hébreu : שכם / שכם Shékém
Jérusalem au début du XXe siècle