Jérusalem, métropole de la Judée, est située dans un lieu presque entièrement dépourvu de ruisseaux, de fontaines, de bois et de pâturages. Selon les historiens les plus anciens et les traditions des peuples orientaux, elle fut d'abord appelée Salem et ensuite Jébus. Plus tard, David, après en avoir expulsé Jébusée, qui y habitait et avait régné sept ans à Ebron, agrandit la ville et y fixa le siège de son royaume ; elle fut alors appelée Jérusalem.
C'est ce qu'on trouve expliqué dans le passage suivant des Paralipomènes : David, accompagné de tout Israel, marcha ensuite vers Jérusalem, nommée autrement Jébus, dont les Jébuséens s'étaient rendus maîtres ; ceux qui demeuraient dans Jébus dirent alors a David : vous n'entrerez point ici. Néanmoins David prit la forteresse de Sion, qui depuis fut appelée la cité de David. Et il fit publier que quiconque battrait le premier les Jébuséens serait fait chef et général de l'année. Ainsi Joab, fils de Sarvia, monta le premier à l'assaut et fut fait général. David prit son logement dans la citadelle, et c'est ce qui la fit appeler la ville de David. Il fit ensuite bâtir tout autour de la ville, depuis Mello et d'un bout jusqu’à l'autre; et Joab fit réparer le reste de la ville.
Après David, et sous le règne de son fils Salomon, elle fut appelée Hiérosolyme, c'est-à-dire la Jérusalem de Salomon. Les deux excellents écrivains et illustres historiographes, Hégésippe et Josèphe, rapportent qu'en punition des péchés des Juifs, et la quarante-deuxième année après la passion du Seigneur, Titus, fils de Vespasien, empereur magnifique des Romains, mit le siège devant Jérusalem, la prit d'assaut, et, après l'avoir prise, la renversa de fond en comble, selon ce qu'avait dit le Seigneur : Qu'il n'y demeurerait pas pierre sur pierre. Dans la suite, Aelius-Adrien, quatrième empereur romain après Titus, la releva et l'appela de son nom Aelia, ainsi qu'on le voit dans les règlements du concile de Nicée : "Que l'évêque d'Aelia soit honoré de tous, etc." Dans le principe elle était située sur des revers extrêmement rapides, faisant face partie à l'orient et partie au midi, occupant entièrement le flanc de la montagne de Sion et du mont Moriah, en sorte qu'on ne voyait sur le sommet que le temple du Seigneur et la citadelle nommée Antonia. L'empereur Adrien la fit rebatir en entier sur les hauteurs, et dès lors le lieu de la passion et de la résurrection de Notre-Seigneur, qui s'était trouvé auparavant en dehors de la ville, fut renfermé dans l'enceinte des remparts.
Jérusalem est plus petite que les plus grandes villes et plus grande que les villes ordinaires ; sa forme est un carré long, et de trois côtés elle est enfermée et défendue par des vallées extrêmement profondes. A l'orient est la vallée de Josaphat, dont le prophète Joel fait mention en ces termes : Lorsque j'aurai fait revenir les captifs de Juda et de Jérusalem, j'assemblerai tous les peuples et je les amenerai dans la vallée de Josaphat ; j'entrerai en jugement avec eux touchant Israël mon peuple et mon héritage.
Au fond de cette vallée a été construite une noble église en l'honneur de la mère de Dieu ; on croit qu'elle y est ensevelie, et aujourd'hui encore on montre le glorieux sépulcre à tous ceux qui viennent visiter ces lieux. Dans les mois d'hiver le torrent de Cédron, enflé par les pluies, roule ses eaux au pied de cette église. Le bienheureux Jean l'évangéliste en a parlé en disant : Jésus s'en alla avec ses disciples au-delà du torrent de Cédron, où il y avait un jardin. Du côté du midi on trouve la vallée nommée Ennom, contiguë à celle de Josaphat, et qui, lors de la séparation des tribus, servit de limite à celles de Benjamin et de Juda ; Josué l'a décrite en ces termes : Cette frontière monte, par la vallée du fils d'Ennom, au côté méridional des pays des Jébuséens, où est Jérusalem, et de là montant jusqu'au haut de la montagne qui est vis à vis de la ville de Géhennom à l'occident.
On y montre encore le champ qui fut acheté par Judas, le plus pervers de tous les acheteurs, avec l'argent qu'il retira pour prix de sa trahison, après avoir livré le Seigneur ; ce champ est nommé Aceldama, et sert maintenant à la sépulture des pèlerins. Il est fait aussi mention de cette vallée dans les Paralipomènes, au sujet d'Achaz : C'est lui qui offrit de l'encens dans la vallée de Bénennom et qui fit passer ses enfants par le feu, selon la superstition des nations que le Seigneur fit mourir à l'arrivée des enfants d'Israël.
Cette vallée tourne ensuite à l'occident, au point où l'on montre l'emplacement de l'ancienne piscine qui fut célèbre au temps des rois de Juda ; de là elle se prolonge encore vers la piscine supérieure, vulgairement appelée aujourd'hui le lac du patriarche, située à côté de l'ancien cimetière et dans la grotte dite du Lion. Du côté du septentrion on arrive à Jérusalem par un chemin de plaine, où l'on montre encore aujourd'hui le point sur lequel le premier martyr Étienne fut lapidé par les Juifs et rendit l'âme après avoir fléchi les genoux et en priant pour ses persécuteurs.
GUILLAUME DE TYR, HISTOIRE DES CROISADES, BnF - Gallica
Vue de Jérusalem, gravure de W. H. Bartlett (1860) Antique Prints - Marc Dechow
Jérusalem, ou Salem, en Hébreu : ירושלים Yerushalayim, en ancien Français : Solyme, en Grec : Hiérosolyma ou Hiérosolyme, en arabe : القدس al-Quds, pour les arabophones Chrétiens اورشليم Ûrshalîm) antikforever.com