Le temple fut brûlé trente-huit ans après la mort de Jésus-Christ ; de sorte qu’un grand nombre de ceux qui avaient entendu la prédication du Sauveur purent en voir l’accomplissement.
Le reste de la nation juive s’étant soulevé de nouveau, Adrien acheva de détruire ce que Titus avait laissé debout dans l’ancienne
Jérusalem. Il éleva sur les ruines de la cité de David une autre ville, à laquelle il donna le nom d’Aelia Capitolina ; il en défendit l’entrée aux Juifs sous peine de mort, et fit
sculpter un pourceau sur la porte qui conduisait à Bethléem. Saint Grégoire de Nazianze assure cependant que les Juifs avaient la permission d’entrer à Aelia une fois par an, pour y pleurer ;
saint Jérôme ajoute qu’on leur vendait au poids de l’or le droit de verser des larmes sur les cendres de leur patrie.
Cinq cent quatre-vingt-cinq mille Juifs, au rapport de Dion, moururent de la main du soldat dans cette guerre d’Adrien. Une
multitude d’esclaves de l’un et de l’autre sexe fut vendue aux foires de Gaza et de Membré ; on rasa cinquante châteaux et neuf cent quatre-vingt-cinq bourgades.
Adrien bâtit sa ville nouvelle précisément dans la place qu’elle occupe aujourd’hui ; et, par une providence particulière,
comme l’observe Doubdan, il enferma le mont Calvaire dans l’enceinte des murailles. A l’époque de la persécution de Dioclétien, le nom même de Jérusalem était si totalement oublié, qu’un martyr
ayant répondu à un gouverneur romain qu’il était de Jérusalem, ce gouverneur s’imagina que le martyr parlait de quelque ville factieuse bâtie secrètement par les chrétiens. Vers la fin du VIIe
siècle, Jérusalem portait encore le nom d’Aelia, comme on le voit par le Voyage d’Arculfe, de la rédaction d’Adamannus, ou de celle du vénérable Bède.
Quelques mouvements paraissent avoir eu lieu dans la Judée, sous les empereurs Antonin, Septime Sévère et Caracalla. Jérusalem,
devenue païenne dans ses vieilles années, reconnut enfin le Dieu qu’elle avait rejeté. Constantin et sa mère renversèrent les idoles élevées sur le sépulcre du Sauveur, et consacrèrent les saints
lieux par des édifices qu’on y voit encore.
Ce fut en vain que Julien, trente-sept ans après, rassembla les Juifs à Jérusalem pour y rebâtir le temple : les hommes
travaillaient à cet ouvrage avec des hottes, des bêches et des pelles d’argent ; les femmes emportaient la terre dans le pan de leurs plus belles robes, mais des globes de feu sortant des
fondements à demi creusés dispersèrent les ouvriers, et ne permirent pas d’achever l’entreprise.
Nous trouvons une révolte des Juifs sous Justinien, l’an 501 de Jésus-Christ. Ce fut aussi sous cet empereur que l’église de
Jérusalem fut élevée à la dignité patriarcale.
Toujours destinée à lutter contre l’idolâtrie et à vaincre les fausses religions, Jérusalem fut prise par Cosroès, roi des Perses,
l’an 613 de Jésus-Christ. Les Juifs répandus dans la Judée achetèrent de ce prince quatre-vingt-dix mille prisonniers chrétiens, et les égorgèrent.
Héraclius battit Cosroès en 627, reconquit la vraie croix que le roi des Perses avait enlevée, et la reporta à Jérusalem.
Neuf ans après, le calife Omar, troisième successeur de Mahomet, s’empara de Jérusalem, après l’avoir assiégée pendant quatre mois :
la Palestine, ainsi que l’Égypte, passa sous le joug du vainqueur.
Omar fut assassiné à Jérusalem en 643. L’établissement de plusieurs califats en Arabie et en Syrie, la chute de la dynastie des
Ommiades et l’élévation de celle des Abassides, remplirent la Judée de troubles et de malheurs pendant plus de deux cents ans.
Ahmed, Turc Toulounide, qui de gouverneur de l’Égypte en était devenu le souverain, fit la conquête de Jérusalem en 868 ; mais son
fils ayant été défait par les califes de Bagdad, la cité sainte retourna sous la puissance de ces califes, l’an 905 de notre ère.
Un nouveau Turc, nommé Mahomet-Ikhschid, s’étant à son tour emparé de l’Égypte, porta ses armes au dehors, et soumit Jérusalem l’an
936 de Jésus-Christ.
Les Fatimites, sortis des sables de Cyrène en 968, chassèrent les Ikhschidites de l’Égypte, et conquirent plusieurs villes de la
Palestine.
Un autre Turc, du nom d’ Ortok, favorisé par les Seljoucides d’Alep, se rendit maître de Jérusalem en 984, et ses enfants y
régnèrent après lui.
Mostali, calife d’Égypte, obligea les Ortokides à sortir de Jérusalem.
Hakem ou Hequem, successeur d’Aziz, second calife fatimite, persécuta les chrétiens à Jérusalem vers l’an 996, comme je l’ai déjà
raconté en parlant de l’église du Saint-Sépulcre. Ce calife mourut en 1021
Meleschah, Turc Seljoucide, prit la sainte cité en 1076, et fit ravager tout le pays. Les Ortokides qui avaient été chassés de
Jérusalem par le calife Mostali y rentrèrent, et s’y maintinrent contre Redouan, prince d’Alep. Mais ils en furent expulsés de nouveau par les Fatimites en 1076 : ceux-ci y régnaient encore
lorsque les croisés parurent sur les frontières de la Palestine.
Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem
Jérémie pleurant la destruction de Jérusalem, Rembrandt
" Il éleva sur les ruines de la cité de David une autre ville, à laquelle il donna le nom d’Aelia Capitolina ; il en défendit l’entrée aux Juifs sous peine de mort, et fit sculpter un pourceau sur la porte qui conduisait à Bethléem."