Nous entrâmes d’abord dans le sépulcre de la Vierge.
C’est une église souterraine, où l’on descend par cinquante degrés, assez beaux : elle est partagée entre toutes les sectes
chrétiennes : les Turcs mêmes ont un oratoire dans ce lieu ; les catholiques possèdent le tombeau de Marie. Quoique la Vierge ne soit pas morte à Jérusalem, elle fut (selon l’opinion de plusieurs
Pères) miraculeusement ensevelie à Gethsémani par les apôtres. Euthymius raconte l’histoire de ces merveilleuses funérailles. Saint Thomas ayant fait ouvrir le cercueil, on n’y trouva plus qu’une
robe virginale, simple et pauvre vêtement de cette reine de gloire, que les anges avaient enlevée aux cieux.
Les tombeaux de saint Joseph, de saint Joachim et de sainte Anne se voient aussi dans cette église souterraine.
Sortis du sépulcre de la Vierge, nous allâmes voir, dans le jardin des Oliviers, la grotte où le Sauveur répandit une sueur de sang,
en prononçant ces paroles : Pater, si possibile est, transeat a me calix iste.
Cette grotte est irrégulière ; on y a pratiqué des autels. A quelques pas en dehors on voit la place où Judas trahit son maître par
un baiser. A quelle espèce de douleur Jésus-Christ consentit à descendre ! Il éprouva ces affreux dégoûts de la vie que la vertu même a de la peine à surmonter. Et à l’instant où un ange est
obligé de sortir du ciel pour soutenir la Divinité défaillante sous le fardeau des misères de l’homme, cette Divinité miséricordieuse est trahie par l’homme !
En quittant la grotte du Calice d’amertume, et gravissant un chemin tortueux semé de cailloux, le drogman nous arrêta près d’une
roche d’où l’on prétend que Jésus-Christ regarda la ville coupable en pleurant sur la désolation prochaine de Sion. Baronius observe que Titus planta ses tentes à l’endroit même où le Sauveur
avait prédit la ruine de Jérusalem. Doubdan, qui combat cette opinion sans citer Baronius, croit que la sixième légion romaine campa au sommet de la montagne des Oliviers, et non pas sur le
penchant de la montagne. Cette critique est trop sévère, et la remarque de Baronius n’en est ni moins belle ni moins juste.
De la roche de la Prédiction nous montâmes à des grottes qui sont à la droite du chemin. On les appelle les Tombeaux des Prophètes ;
elles n’ont rien de remarquable, et l’on ne sait trop de quels prophètes elles peuvent garder les cendres.
Un peu au-dessus de ces grottes nous trouvâmes une espèce de citerne, composée de douze arcades ce fut là que les apôtres
composèrent le premier symbole de notre croyance. Tandis que le monde entier adorait à la face du soleil mille divinités honteuses, douze pêcheurs, cachés dans les entrailles de la terre,
dressaient la profession de foi du genre humain et reconnaissaient l’unité du Dieu créateur de ces astres à la lumière desquels on n’osait encore proclamer son existence. Si quelque Romain de la
cour d’Auguste, passant auprès de ce souterrain, eût aperçu les douze Juifs qui composaient cette œuvre sublime, quel mépris il eût témoigné pour cette troupe superstitieuse ! Avec quel dédain il
eût parlé de ces premiers fidèles ! Et pourtant ils allaient renverser les temples de ce Romain, détruire la religion de ses pères, changer les lois, la politique, la morale, la raison, et
jusqu’aux pensées des hommes.
Ne désespérons donc jamais du salut des peuples. Les chrétiens gémissent aujourd’hui sur la tiédeur de la foi : qui sait si Dieu n’a
point planté dans une aire inconnue le grain de sénevé qui doit multiplier dans les champs ? Peut-être cet espoir de salut est-il sous nos yeux sans que nous nous y arrêtions ; peut-être nous
paraît-il aussi absurde que ridicule. Mais qui aurait jamais pu croire à la folie de la Croix ?
On monte encore un peu plus haut, et l’on rencontre les ruines ou plutôt l’emplacement désert d’une chapelle.
Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : Voyage de Jérusalem
Chrétiennes au Tombeau de la Vierge, Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouÿ
" Il est partagée entre toutes les sectes chrétiennes : les Turcs mêmes ont un oratoire dans ce lieu. "