Sur la Conversion : véritable conversion

Nous nous trompons nous-mêmes, en confondant les inspirations et les grâces de conversion avec la conversion même ; en nous figurant que nous sommes changés, parce que nous sommes touchés du désir de l'être.

BOURDALOUE

 

 

Car, avouons-le de bonne foi, et puisqu'une expérience malheureuse nous force à le reconnaître, ne nous en épargnons pas la confusion. Le désordre capital qu'on ne peut assez déplorer ni trop vous reprocher, est que dans cette solennité de Pâques, abusant de la pénitence, qui, selon les Pères, est le sacrement de la résurrection des pécheurs, nous mentions souvent au Saint-Esprit, nous imposions au monde et nous nous trompions nous-mêmes.

 

Oui, mes Frères, jusque dans le tribunal de la pénitence nous méfiions au Saint-Esprit, en détestant de bouche ce que nous aimons de cœur ; en disant que nous renonçons au monde, et ne renonçant jamais à ce qui entretient dans nous l'amour du monde ; en donnant à Dieu des paroles que nous ne comptons pas de garder, et que nous ne sommes pas en effet bien déterminés à tenir, ayant avec Dieu moins de bonne foi que nous n'en avons avec un homme, et même avec le dernier des hommes.

 

Nous en imposons au monde par je ne sais quelle fidélité à nous acquitter dans ce saint temps du devoir public de la religion, par l'éclat de quelques bonnes œuvres passagères, par une ostentation de zèle sur des points où, sans être meilleur, on en peut avoir ; par quelques réformes dont nous nous parons et à quoi nous nous bornons, tandis que nous ne travaillons pas à vaincre nos habitudes criminelles, et à mortifier les passions qui nous dominent.

 

Nous nous trompons nous-mêmes, en confondant les inspirations et les grâces de conversion avec la conversion même ; en nous figurant que nous sommes changés, parce que nous sommes touchés du désir de l'être ; et, sans qu'il nous en ait coûté le moindre combat, en nous flattant d'avoir remporté de grandes victoires ; et parce qu'en fait de pénitence tout cela n'est qu'illusion et que mensonge, à tout cela l'Evangile oppose aujourd'hui cette seule règle : Surrexit vere ; il est vraiment ressuscité ; et, par cette règle, nous donne à juger combien nous sommes éloignés des voies de Dieu, puisque entre notre vie nouvelle et la vie glorieuse de Jésus-Christ, il y a une opposition aussi monstrueuse que celle qui se trouve entre l'apparent et le réel, entre le vide et le solide, entre le faux et le vrai.

 

Ah ! mes chers auditeurs, combien de fantômes de conversion, ou, pour user du terme de saint Bernard, combien de chimères de conversions ne pourrais-je pas vous produire ici, s'il m'était permis d'entrer dans le secret des cœurs et de vous en découvrir le fond !

 

Combien de conversions purement humaines, combien de politiques, combien d'intéressées, combien de forcées, combien d'inspirées par un autre esprit que celui qui nous doit conduire quand il s'agit de retourner à Dieu ! conversions, si vous voulez, fécondes en beaux sentiments, mais stériles en effets ; magnifiques en paroles, mais pitoyables dans la pratique ; capables d'éblouir, mais incapables de sanctifier.

 

Combien de consciences se sont présentées devant les autels comme des sépulcres blanchis, et sous cette surface trompeuse cachant encore la pourriture et la corruption ! Sont-ce là les copies vivantes de cet Homme-Dieu, qui renaît du sein de la mort, pour être, comme dit saint Paul, l'aîné d'entre plusieurs frères : Ut sit ipse primogenitus in multis fratribus (Rom., VIII, 29.).

 

Non, non, Chrétiens, ce n'est point par là qu'on a le bonheur et la gloire de lui ressembler; il faut quelque chose de plus, et sans une conversion véritable on n'y peut prétendre.

 

Or, qu'est-ce qu'une véritable conversion ? Comprenez ceci, s'il vous plaît ; c'est-à-dire une conversion de cœur et sans déguisement, une conversion surnaturelle, dont Dieu soit le principe, l'objet et la fin.

 

Que ne m'est-il permis de développer ces deux articles importants dans toute leur étendue !

 

BOURDALOUE

SERMON POUR LA FÊTE DE PÂQUES SUR LA RÉSURRECTION DE JÉSUS-CHRIST

 

Résurrection, Léonard Limosin, Musée du Louvre

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