Par un pèlerin
Ce qui reste d'une passion mal éteinte, quoique amortie en apparence, peut détruire et anéantir tout le mérite de notre conversion.
BOURDALOUE
Conversion sincère et sans déguisement ; car, dit saint Bernard, pourquoi nous contrefaire devant Dieu, qui, nous ayant faits ce que nous sommes, voit mieux que nous-mêmes ce qui est en nous et ce qui n'y est pas ? et pourquoi feindre devant les hommes, dont l'estime ne nous justifiera jamais, et dont l'erreur sur ce point fera même un jour notre confusion ?
N'est-ce pas pour cela que saint Paul, représentant aux chrétiens, comme autant d'obligations, les conséquences qu'ils devaient tirer de ce mystère, en revenait toujours à cette loi que Jésus-Christ, notre Agneau pascal, avait été immolé pour nous, et que nous devions célébrer cette fête, non avec le vieux levain, avec ce levain de dissimulation et de malice dont peut-être nos cœurs jusques à présent avaient été infectés : Non in fermento veteri, neque in fermenta malitiœ et nequitiœ ; mais dans un esprit de sincérité et de vérité : Sed in azymis sinceritatis et veritatis (Cor., V,8.) ; pourquoi ? parce que le Seigneur même avait dit que cette sincérité de conversion était la condition essentielle qui devait nous donner avec Jésus-Christ ressuscité une sainte ressemblance.
En effet, ce qui nous perd devant Dieu, et ce qui nous empêche de ressusciter en esprit, comme Jésus-Christ ressuscita selon la chair, c'est communément un levain de péché que nous fomentons dans nous, et dont nous ne travaillons pas à nous défaire.
Je m'explique. On se réconcilie avec son frère et l'on pardonne à son ennemi, mais il reste néanmoins toujours un levain d'aigreur et de chagrin qui diffère peu de l'animosité et de la haine ; on rompt une attache criminelle, mais on ne la rompt pas tellement qu'on ne s'en réserve, pour ainsi dire, certains droits à quoi l'on prétend que la loi de Dieu n'oblige pas en rigueur de renoncer, certains commerces que l'honnêteté et la bienséance semblent autoriser, certaines libertés que l'on s'accorde, en se flattant qu'on n'ira pas plus loin : voilà ce que saint Paul appelle le levain du péché : Neque in fermento malitiœ et nequitiœ.
Or, il faut, mes Frères, ajoutait l'Apôtre, vous purifier de ce levain si vous voulez célébrer la nouvelle pâque. Il faut vous souvenir que, comme un peu de levain, quand il est corrompu, suffit pour gâter toute la masse, aussi ce qui reste d'une passion mal éteinte, quoique amortie en apparence, peut détruire et anéantir tout le mérite de notre conversion : Expurgate vetus fermentum, ut sitis nova conspersio (Ibid.,7.).
BOURDALOUE
SERMON POUR LA FÊTE DE PÂQUES SUR LA RÉSURRECTION DE JÉSUS-CHRIST
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