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"Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.

 

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.

 

Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres."

 

Evangile de Jésus-Christ selon  saint Jean 

   

 

Pentecôte

" Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit."

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean  

 

   

 

 El Papa es argentino. Jorge Bergoglio                 

Saint Père François

 

 

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1er mai 2011 Béatification de Jean-Paul II

Béatification du Serviteur de Dieu Jean-Paul II

 

 

  Béatification du Père Popieluszko

beatification Mass, in Warsaw, Poland

à Varsovie, 6 juin 2010, Dimanche du Corps et du Sang du Christ

 

 

presidential palace in Warsaw

Varsovie 2010

 

 

Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
Sanctuaire de l'Adoration Eucharistique et de la Miséricorde Divine

La miséricorde de Dieu est comme un torrent débordé. Elle entraîne les cœurs sur son passage.
(Saint Curé d'Ars)
 

 


Le côté du Christ a été transpercé et tout le mystère de Dieu sort de là. C’est tout le mystère de Dieu qui aime, qui se livre jusqu’au bout, qui se donne jusqu’au bout. C’est le don le plus absolu qui soit. Le don du mystère trinitaire est le cœur ouvert. Ce n’est pas une image, c’est une réalité. C’est la réalité la plus profonde qui soit, la réalité de l’amour.
Père Marie-Joseph Le Guillou




Dans le cœur transpercé
de Jésus sont unis
le Royaume du Ciel
et la terre d'ici-bas
la source de la vie
pour nous se trouve là.

Ce cœur est cœur divin
Cœur de la Trinité
centre de convergence
de tous les cœur humains
il nous donne la vie
de la Divinité.


Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix
(Edith Stein)



Le Sacré-Cœur représente toutes les puissances d'aimer, divines et humaines, qui sont en Notre-Seigneur.
Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus

 



feuille d'annonces de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre

 

 

 

 

 

 

 

     

The Cambrai Madonna

Notre Dame de Grâce

Cathédrale de Cambrai

 

 

 

Cathédrale Notre Dame de Paris 

   

Ordinations du samedi 27 juin 2009 à Notre Dame de Paris


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Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie à Notre-Dame de Paris


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... ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT ANDRÉ

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Benedict XVI and Cypriot Archbishop Chrysostomos, Church of 

Salutation avec l'Archevêque Chrysostomos à l'église d' Agia Kyriaki Chrysopolitissa de Paphos, le vendredi 4 juin 2010

 

     

 

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Visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem




 






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SALVE REGINA

8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 20:00

Quant aux chrétiens, ils réclamèrent, comme nous allons le voir.

 

 Marc-Aurèle avait embrassé  la profession de philosophe. Le contraste de cette vie solennelle et supérieure au vulgaire lui avait semblé d'un grand effet sur le trône impérial. Il prépara son rôle de longue main, et le suivit jusqu'au bout. Après la prédication de l'Evangile, la philosophie n'était plus qu'une réaction de l'orgueil contre le christianisme qui l'avait dépassée, et la convainquait d'erreurs grossières dans toutes ses écoles sans exception.

 

Le philosophe sincère, et véritable chercheur de la sagesse, accourait au baptême, comme saint Justin ; les autres éprouvaient un éloignement instinctif pour une doctrine qui accueillait le pauvre et l'ignorant aussi bien que le riche et le savant, et n'avait pour l'un comme pour l'autre qu'un même symbole de foi, devant lequel toute pensée humaine devait s'incliner.

 

 Chez Marc-Aurèle, la spécialité était la morale. Il la trouvait toute faite dans l'enseignement chrétien, et, pas plus qu'Epictète, il ne se faisait faute d'y faire des emprunts, sans toutefois trahir la source. Les chrétiens étaient nombreux et puissants dans la société romaine, et il s'était formé insensiblement un courant qui transmettait déjà leurs principes jusqu'à ceux mêmes qui affectaient d'ignorer ce qu'était le christianisme.

 

De là, sous les Antonins, une modification dans les lois, rendues plus conformes à l'équité naturelle. Hadrien avait fait quelque chose dans ce sens. Antonin suivit la même ligne, et Marc-Aurèle continua. C'était le progrès par le christianisme, sans avouer le christianisme.

 

 Quant au dernier de ces empereurs, personne n'ignore avec quelle faveur il a été traité dans la postérité. On a tenu à le juger en faisant abstraction des faits dans lesquels est empreint son caractère véritable, et peu s'en faut que son apothéose ne se soit étendue jusqu'à nos temps. Ses admirateurs se sont fait une loi de l'apprécier uniquement par ses écrits, sans se rendre compte qu'il y pose continuellement. Ses Pensées sont une confidence vaniteuse qu'il daigne faire de sa grande âme, et la candeur de sentiment qui fait le caractère de ses lettres à Fronton rassure peu chez un homme qui répandit par système le sang innocent. On sait, au reste, que les anciens écrivaient d'ordinaire leurs lettres intimes dans la pensée qu'elles iraient plus loin que le destinataire, et un empereur assurément ne pouvait en douter.

 

La moralité de l'époux de Faustine ne saurait se soutenir, et l'on voit qu'elle a toujours embarrassé ses panégyristes. A l'égard de cette ignoble femme, Marc-Àurèle fut-il dupe ou complaisant ? La première supposition n'est pas admissible ; la seconde serait peu honorable dans un moraliste. Au fond, quelle base eût pu avoir une vertu sérieuse, chez un homme qu'aucun principe supérieur ne conduisait ? Sur Dieu, sur l'âme, il en demeure  toujours,  dans  ses  écrits, au  scepticisme. En revanche, sa philosophie se combine parfaitement avec la superstition d'un païen vulgaire. Il ne fait rien pour arrêter la contagion du paganisme oriental qui précipitera la ruine de l'Empire ; mais, dès qu'il s'agit du christianisme, son mépris et sa haine lui inspirent un sang-froid qui fait frémir. A peine sera-t-il assis sur le trône qu'on verra recommencer le carnage des chrétiens dans tout l'Empire.

 

Ce philosophe est en même temps jaloux du courage des martyrs. Plaidant lâchement, au livre Xe de ses Pensées, la cause du suicide, qu'il propose comme le dénouement de la vie d'un sage, il conseille au philosophe une résolution qui doit être l'effet de mûres réflexions et d'un jugement arrêté. "Il faut se garder, dit-il, d'aller à la mort en enfants perdus, comme les chrétiens".  Marc-Aurèle ment ici à sa conscience. Il était à même d'apprendre, par l'Apologie de Justin et par les réponses des chrétiens aux interrogatoires des proconsuls, que si les martyrs s'offraient avec une noble ardeur à la mort, c'est parce qu'ils voulaient fuir le mal auquel on les provoquait, c'est parce qu'ils savaient qu'ils allaient à Dieu par cette voie. Et ce n'était pas la mort seulement que les martyrs affrontaient ; c'étaient d'affreuses tortures inventées par la férocité païenne. Marc-Aurèle a mauvaise grâce de rappeler ces généreux sacrifices à ceux auxquels il conseille de sortir de cette vie par un attentat contre eux-mêmes, et qu'il essaye de rassurer, en leur suggérant les moyens les plus doux.

 

On sut donc de bonne heure, dans tout l'Empire, qu'on ne lui déplairait pas en poursuivant les chrétiens à outrance.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 318 à 321) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 20:00

Le saint pape Pie Ier acheva son pontificat en l'année 150, et on l'ensevelit dans la crypte Vaticane.

 

 L'église de Rome lui donna pour successeur Anicet, syrien de nation, dont le père se nommait Jean. Il habitait dans la ville un quartier désigné plus ou moins exactement par la chronique papale, sous le nom d'Omisa ou Amisa. Le nouveau pape trouvait l'Eglise en paix du côté de César ; mais la chrétienté de Rome avait à souffrir de la part des hérétiques orientaux qui dogmatisaient en dehors de l'Eglise dont ils avaient été repoussés, et ne laissaient pas que d'entraîner dans leurs erreurs un certain nombre d'esprits.

 

En même temps, on était préoccupé de la crainte de voir tôt ou tard une division éclater entre les orthodoxes sur la question de la Pâque, au sujet de laquelle le prédécesseur d'Anicet avait cru devoir faire une démonstration solennelle. Anicet tenait depuis peu de temps le gouvernail du vaisseau de l'Eglise, lorsqu'il vit arriver à Rome un  illustre vieillard, Polycarpe, évêque de Smyrne, disciple autrefois de l’évangéliste saint Jean, et bientôt appelé à la gloire du martyre. Emu au bruit qu'avait fait dans toute l'Eglise le Constitutum de Pie, il venait réclamer le maintien d'une coutume chère aux chrétiens d'Asie, et autorisée par la condescendance du disciple bien-aimé du Seigneur.

 

 En vain Anicet chercha-t-il à le persuader des sages raisons qui avaient porté l'église romaine à choisir le jour du dimanche pour la célébration de la plus solennelle des fêtes, en vain s'efforça-t-il de démontrer à son hôte vénérable que le moment était venu de secouer le dernier lambeau des pratiques judaïques, Polycarpe ne demeura pas convaincu, et Anicet comprit que le moment n'était pas venu encore d'établir dans l'Eglise une parfaite uniformité sur ce point capital de la liturgie. Il renonça à presser davantage le vieillard dont il honorait la haute vertu, et remit à ses successeurs le soin de régler définitivement cette importante question, lorsque le temps aurait enlevé les difficultés de personnes, et amené déjà la plupart des églises, ainsi qu'il arriva, à la pratique romaine. Il voulut même donner à son peuple une preuve de l'estime qu'il professait pour Polycarpe, en l'invitant à célébrer solennellement les saints mystères dans l'assemblée des fidèles de Rome.

 

Mais la soif du martyre dévorait le saint évêque, et il avait fallu le motif de prévenir les troubles dans son église et dans celle de la province d'Asie, pour lui faire entreprendre, à l'âge de quatre-vingts ans, un si long et si  laborieux voyage.  Il  se  sépara donc du successeur de Pierre avec l'espoir d'avoir conjuré de graves dissensions, et repartit pour Smyrne où la couronne l'attendait. Les Actes de son martyre attestent la persécution ouverte et la recherche des chrétiens par les magistrats de l'Empire. On doit donc reporter l'événement aux premières années de Marc-Aurèle,  et non à l'année  155, où l'Eglise jouissait encore de la tranquillité.

 

 Le pontificat d'Anicet ne s'étendit pas au delà de l'année 161, qui vit aussi mourir Antonin, prince digne des regrets de Rome, de l'Empire, et, nous ajouterons, de l'Eglise. Marc-Aurèle lui succéda, associant à l'Empire Lucius Verus. Anicet fut remplacé sur le siège apostolique par Soter. Le nouveau pape, né dans la Campanie, à Fundi, était le fils d'un nommé Concordius.

 

Son pontificat fut plus agité que celui de ses prédécesseurs. Non seulement les hérésies, qu'aucune force extérieure ne réprimait, continuaient leurs ravages ; mais la persécution, qui dormait sous Antonin, allait se réveiller sanglante et perfide sous son successeur. Il était possible de fondre en un même système d'oppression les rescrits de Trajan, d'Hadrien et d'Antonin. Pour cela, il suffisait d'un empereur peu bienveillant envers le christianisme. Ces trois décisions impériales avaient été de plus en plus favorables à la liberté des chrétiens, mais pas une, même celle d'Antonin, n'avait enlevé à ceux-ci la qualité de prévenus d'un délit contraire aux lois de l'Empire. Qu'importait que leurs dénonciateurs eussent été plus ou moins contenus, si un jour les magistrats recevaient l'ordre officiel ou tacite de donner suite à la dénonciation ? Marc-Aurèle n'encourrait pas le reproche d'une tyrannie par trop odieuse, si, laissant tomber les adoucissements ajoutés par Hadrien et par Antonin, il s'en tenait à la ligne de conduite prescrite au proconsul de Bithynie par Trajan.

 

Au fond c'était replacer les chrétiens sous la légalité établie à leur égard par Néron ; on en était quitte pour ne pas l'avouer, et assurément les païens ne réclameraient pas. Quant aux chrétiens, ils réclamèrent, comme nous allons le voir.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 313 à 317) 

 

Cecilia

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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 20:00

Nous verrons la suite de cette affaire sous le pontificat suivant.

 

 Nous avons maintenant à parler du célèbre livre du Pasteur, dont il est question à cette époque, non seulement dans le Liber pontificalis, mais dans la chronique de Félix IV, et, ce qui est encore plus digne de remarque, dans le catalogue des papes du troisième siècle. On y parle d'un nommé Hermès, qualifié frère de Pie, auquel un ange, apparaissant sous la forme d'un pasteur, ordonne de consigner dans un livre ce qu'il lui a fait connaître. Nous avons rencontré sous le pontificat de Clément l'opuscule rédigé par Hermas, et qui porte avec lui sa date. La similitude des noms a fait unir sur les manuscrits l'oeuvre du premier siècle à celle du deuxième, et donner à cet ensemble le titre général de Livre du Pasteur. Or il n'est question de pasteur que dans les deux opuscules postérieurs, qui sont entièrement fondés sur l'apparition d'un ange, ayant les dehors d'un berger et servant d'initiateur à Hermès. On remarque seulement dans un passage du troisième livre qui est intitulé : les Similitudes, qu'une main étrangère a tenté de relier les visions de cette partie avec celles de la première ; mais il n'est pas explicable qu'un même auteur ait pu traiter le même apologue à si peu de pages de distance, et reproduire avec des dissemblances si notables les détails qu'il vient de donner. En admettant deux auteurs, ce retour à un sujet déjà traité n'a rien qui étonne.  Nous donnerons ici quelques traits de l'allégorie du deuxième siècle, si supérieure en grâce et en poésie à celle du premier.

 

 Le sujet est encore l'édification de l'Eglise sous la forme d'une tour, dont les pierres figurent les âmes. Le Pasteur conduit Hermès au lieu où se bâtit cette tour. Il lui montre d'abord une plaine sur laquelle s'élèvent douze montagnes d'aspect très divers, d'où doivent être tirés les matériaux. Ce sont les différentes classes d'hommes que la grâce appelle à former l'Eglise, les uns par la voie de la sainteté, les autres par celle de la pénitence.  Au  milieu de la plaine était une pierre blanche d'une vaste dimension, et surpassant en hauteur les  douze  montagnes. Sa  forme  était carrée, et elle pouvait porter le monde entier. Cette  pierre  semblait  d'une  haute  ancienneté; mais elle avait une porte récemment ouverte, et il en sortait une lumière plus vive que celle du soleil. Le Pasteur enseigne à Hermès que cette pierre est le Fils de Dieu. Elle est ancienne, parce que le Fils de Dieu subsiste avant toute créature. Il a assisté au conseil du Père, lorsqu'il s'est agi de la création. La porte est récente, parce que c'est dans les derniers temps qu'elle a été ouverte, afin que, par elle, les élus pénètrent dans le royaume de Dieu, qui n'a pas d'autre accès. Près de la porte se tenaient douze vierges, placées deux à deux, vêtues de tuniques de lin, ayant le bras droit dégagé avec modestie, et se préparant à accomplir un travail. Elles étaient toutes d'une grande beauté, agiles et posées avec énergie, comme si elles avaient eu le ciel à soutenir. Le Pasteur révélera plus tard à Hermès le nom et la qualité de ces êtres surhumains. Tout à coup six hommes d'un aspect imposant, et tous semblables par les traits du visage, parurent. Ils en appelèrent d'autres qui leur étaient subordonnés, bien qu'ils fussent d'une même nature. Il fut dit plus tard à Hermès que les uns et les autres étaient des anges. Les premiers donnèrent l'ordre aux nouveaux venus de se mettre à bâtir la tour sur la pierre ; car c'est avec le puissant concours des saints anges que s'élève l'Eglise.

 

 Les travailleurs angéliques étaient aidés par les vierges, qui leur présentaient les pierres que les autres anges avaient la charge d'extraire des flancs des douze montagnes. Mais la tour ne s'achevait pas, parce que le Seigneur devait auparavant la visiter, afin de voir s'il n'était pas entré dans sa construction des pierres de rebut qui devraient être rejetées et remplacées. Le Seigneur vint en effet, et les vierges qui gardaient la tour accoururent au-devant de lui, et marchèrent à ses côtés. Il frappait les pierres avec une baguette qu'il avait à la main, et quelques-unes apparaissaient aussitôt couvertes de taches, et d'autres se fendaient. Le Seigneur commanda au Pasteur de purifier toutes ces pierres défectueuses, et de jeter au rebut celles qui ne pourraient convenir. Le Pasteur accomplit l'ordre du Seigneur.

 

 Un grand nombre de ces pierres, ayant subi l'épreuve de la taille, furent replacées dans la construction par la main des vierges, les unes dans l'épaisseur des murs,  les autres  plus en évidence. Quant à celles qui restaient au rebut, elles furent enlevées par douze femmes qui se présentèrent vêtues de tuniques noires, sans ceinture, les épaules découvertes et les cheveux épars. Ces femmes avaient une beauté sauvage, et paraissaient triomphantes en reportant ces pierres aux montagnes d'où on les avait extraites. Le Pasteur les désigna par leur nom à Hermès  : "Ce sont d'abord, lui dit-il, la perfidie, l'intempérance, l'incrédulité et la volupté. Les huit autres sont la tristesse, la méchanceté, la débauche, la colère, le mensonge, la folie, l'enflure et la haine. Le serviteur de Dieu qui les hante, ajouta le Pasteur, pourra voir de ses yeux le royaume de Dieu, mais il n'y entrera pas."

 

 L'oeuvre de la tour étant achevée par les derniers soins du Pasteur et la coopération des douze vierges, celui-ci parla de se retirer et commanda à Hermès d'attendre son retour. "Que ferai-je, seul ici ? répondit Hermès avec anxiété. — Mais tu ne seras pas seul, dit le Pasteur, puisque ces vierges restent avec toi. — Alors, Seigneur, reprit Hermès, recommande-moi à elles." Le Pasteur les appela et leur dit : "Je vous recommande celui-ci, jusqu'à ce que je sois de retour." Elles accueillirent l'étranger avec une gracieuse affabilité, surtout quatre d'entre elles qui semblaient supérieures aux autres ; mais laissons Hermès parler lui-même.

 

" Elles me dirent ensuite : — Le Pasteur ne doit pas revenir ici aujourd'hui. — Que ferai-je donc ? leur répondis-je. — Attends jusqu'au soir ; peut-être viendra-t-il, et parlera-t-il avec toi ; autrement tu demeureras avec nous jusqu'à ce qu'il revienne. — J'attendrai jusqu'à ce soir. S'il ne revient pas, je retournerai à ma maison et je reviendrai le lendemain matin. — Tu nous as été confié ; il ne t'est pas libre de t'éloigner de nous. — Mais où demeurerai-je ? — Tu demeureras avec nous, non comme un époux, mais comme un frère. Ne l'es-tu pas en effet ?

" Cette proposition me rendait confus; alors celle d'entre elles qui semblait la première me serra dans ses bras et me donna un baiser. Toutes les autres vinrent ensuite et m'embrassèrent fraternellement ; puis, me conduisant vers la tour qu'elles  avaient élevée,  elles jouaient amicalement avec moi. Quelques-unes se mirent à chanter des psaumes, pendant que les autres formaient des choeurs de danse. Moi, je marchais avec elles, silencieux et comme rajeuni par la joie. Le soir étant venu, je voulus me retirer ; elles me retinrent. Je restai donc cette nuit avec elles près de la tour. Elles déployèrent sur la terre leurs tuniques de lin, et, m'ayant placé au milieu d'elles, elles ne cessèrent de prier. Comme elles, je priais sans interruption et avec non moins d'ardeur. Leur joie était grande de me voir prier ainsi, et je demeurai dans leur compagnie jusqu'à ce que le jour parût.

" Lorsque nous eûmes adoré le Seigneur, le Pasteur arriva et leur dit : Vous ne l'avez point maltraité ? Elles répondirent : Demande-lui. — Seigneur, dis-je à mon tour, j'ai éprouvé un grand bonheur en demeurant avec elles. — De quoi as-tu soupé ? demanda-t-il. — Je me suis nourri toute la nuit des paroles du Seigneur, lui répondis-je. — Présentement, veux-tu m'écouter ? me dit-il. — Oui, Seigneur, lui répondis-je, et je te prie de satisfaire aux questions que je vais t'adresser. Il me dit : Je remplirai ton désir et je ne te cacherai rien."

 

Le Pasteur donna à Hermès les explications que nous avons indiquées plus haut sur les diverses parties de l'allégorie de la tour, et lorsque celui-ci lui demanda quelles étaient ces vierges qui s'étaient montrées si empressées à son égard, il répondit : "Ce sont les diverses opérations de l'Esprit-Saint dans les âmes ; et nul homme ne peut entrer dans le royaume de Dieu qu'elles ne l'aient revêtu de leur propre tunique. Elles sont les puissances du Fils de Dieu, et en vain porterait-on son nom, si l'on n'était en outre revêtu de ces puissances. Tu as vu ces pierres qui ont été rejetées ; elles portaient son nom, le nom de chrétien ; mais elles n'étaient pas couvertes de la robe de ces vierges. — Et quelle est donc cette robe ? demanda Hermès. — Ce sont leurs noms mêmes, répondit le Pasteur. Quiconque porte le nom du Fils de Dieu doit aussi porter le nom de ces vierges ; car le Fils de Dieu lui-même le porte. Toutes elles ne sont qu'un même esprit, qu'un même corps, et c'est pour cela que leurs vêtements sont d'une même couleur. — Dis-moi maintenant leurs noms, Seigneur, reprit Hermès. — Le Pasteur répondit : Les quatre plus puissantes sont la foi, la tempérance, la force et la patience. Quant aux huit autres, voici leurs noms : la simplicité, l'innocence, la chasteté, la joie du coeur, la vérité, l'intelligence, la concorde et la charité."

 

Le Pasteur continue d'expliquer à Hermès les autres parties de l'apologue dont nous venons de donner les principaux traits, et dont la supériorité sur celui d'Hermas pour l'étendue de la conception et l'importance des détails est de la plus haute  évidence. Nous  avons voulu seulement donner l'idée d'une oeuvre mystique qui se rapporte à l'époque de nos récits.  Rien ne révèle mieux la transformation opérée dans la partie chrétienne de la population de Rome, de cette ville usée par tous les genres de corruption civilisée,  que cette candeur,  cette paix de  l'âme, cette naïveté qui apparaissent d'une manière si touchante dans ces pages. Qu'on lise en regard les apologies de saint Justin ; la même simplicité, la même énergie tranquille nous font découvrir une race d'hommes supérieurs à ce monde visible, et prêts à tout, même au martyre. On  s'explique  ces  épitaphes  concises des tombeaux chrétiens du premier âge, sur lesquels tout souvenir mondain est absent, où seulement on entend parfois le cri, Vivas in Deo,  et cet adieu, In pace. On se rend compte de l'expression naïve des personnages sur les peintures contemporaines  dont les  cubicula des catacombes sont ornés, et qui retracent à la fois tant de vie et tant de calme.

 

La belle allégorie de la tour occupa assez la pensée des chrétiens de cette époque primitive, pour qu'un monument nous soit resté de la popularité dont elle jouissait. Une fresque des catacombes de Naples, portant les caractères de l'époque des Antonins pour la pureté du dessin et la grâce de la composition, représente les vierges d'Hermès, dans leur robe blanche, employées à la construction de la tour. Ce sujet ne se retrouve pas dans la série des peintures des catacombes romaines, dont, il est vrai, la plus grande partie a péri par suite des dévastations et de l'incurie.

 

Le saint pape Pie Ier acheva son pontificat en l'année 150, et on l'ensevelit dans la crypte Vaticane.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 306 à 312) 

 

Cecilia

SAINTE CÉCILE - Santa Cecilia in Trastevere, Rome

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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 20:00

La région où reposèrent ces nobles et primitifs chrétiens est encore reconnaissable par la forme des loculi, et par le style antique des peintures sur le stuc dont les parois sont ornées. C'est là que M. de Rossi a découvert l'antique image de la Vierge dont nous parlerons plus tard.

 

 Les deux filles de Cornélius Pudens, Praxède et Pudentienne, continuèrent d'habiter la maison paternelle du Viminal, que rendait si vénérable le séjour qu'y avait fait le prince des apôtres. Elles y vivaient dans la virginité, et l'une des deux au moins avait reçu le voile sacré, dont saint Clément, au siècle précédent, avait honoré Flavia Domitilla. Leur vie se passait dans la prière, et comme elles désiraient remplir jusqu'aux conseils même du Seigneur, elles se résolurent de vendre leur patrimoine, et d'en distribuer le prix aux pauvres. Leur maison, ainsi que nous l'avons dit plus haut, était un des centres de réunion pour les fidèles ; mais elle pouvait être élevée à un degré supérieur encore, si le pontife consentait à y établir la fontaine baptismale qui était réservée aux principaux sanctuaires. La dignité que cette maison empruntait de ses grands souvenirs semblait appeler cette distinction. Les deux soeurs exprimèrent leur désir au prêtre Pastor, et Pie accorda le privilège. Les Actes disent qu'à la Pâque suivante, il n'y eut pas moins de quatre-vingt-seize personnes baptisées dans ce lieu vénérable. Une si noble origine a rendu sacrée à jamais la basilique Pudentienne,  le plus ancien titre de la ville sainte, connu aujourd'hui sous le nom d'église Sainte-Pudentienne. Elle est appelée aussi, dans les anciens documents, Titulus Pastoris, à cause du prêtre Pastor dont l'influence lui obtint de si grands honneurs, et qui probablement la desservit lui-même.

 

 Une année et demie s'était à peine écoulée que Pudentienne s'envolait de ce monde pour aller recevoir au ciel la couronne des vierges. Praxède conserva vingt-huit jours près d'elle le corps de sa soeur, et l'ensevelit à coté de leur père au cimetière de Priscille. Son affection pour cette soeur chérie a laissé dans l'hypogée des Pudens un monument que nos yeux voient encore. Sur une chaire pontificale, un vieillard est assis ; près de lui est une jeune fille debout, tenant avec respect un voile qu'elle vient de recevoir du pontife. Un troisième personnage, debout aussi, accompagne le vieillard et complète la scène. Dans un tel lieu, et si l'on considère le style encore très correct de la peinture, il n'est pas difficile de reconnaître sur cette fresque la vierge Pudentienne, le pontife qui la consacra et le prêtre dont il fut assisté. Quel autre que Praxède elle-même, appelée à demeurer longtemps encore dans les luttes de la vie, a pu consacrer à son angélique soeur ce touchant témoignage de son respect et de sa tendresse, placé ainsi sous la garde des plus précieux souvenirs de leur famille ? Il est naturel de rapporter cette fresque,  qui est une des  rares peintures historiques des catacombes, à la première moitié du deuxième siècle, la seconde ayant été agitée par la persécution de Marc-Aurèle, sous laquelle Praxède elle-même disparut de ce monde.

 

 Les Actes nous font connaître un pieux Romain nommé Novatus, dont le frère appelé Timothée était prêtre de l'église romaine. Ce zélé chrétien aimait à venir prier dans l'église Pudentienne, et il appartient aux groupes de saints personnages que nous voyons réunis autour de la vierge Praxède. Il possédait sur l'Esquilin des thermes qui n'étaient plus en usage, quoique la construction en fût belle et spacieuse. Sa piété le porta à consacrer cet édifice au culte de Dieu, et deux ans environ après la dédicace de l'église Pudentienne, sentant la mort approcher, il en légua la propriété à son frère Timothée, sous le nom duquel ce nouveau titre figura d'abord. Praxède obtint aisément de Pie l'érection de ce sanctuaire. L'église qui s'élève aujourd'hui sur son emplacement porte le nom de la vierge, et est encore pleine de son souvenir.

 

Le Liber ponlificalis s'accorde avec les Actes de sainte Praxède, pour attribuer à Pie un décret (Constitutum) qui intéressait l'Eglise entière. Selon les Actes, ce décret avait pour objet la fête de Pâque, dont il s'agissait d'amener la célébration au dimanche dans toutes les églises, nonobstant la pratique contraire qui était encore suivie dans un certain nombre de lieux. Cette question reparut vers la fin du siècle, sous le pontificat de Victor ; mais déjà Pie avait senti la nécessité d'établir l'uniformité sur une matière si importante. Il rappelait aux églises lointaines la tradition que saint Pierre, ainsi que nous l'avons dit, avait laissée à ce sujet dans l'église de Rome, et qu'il semblait urgent d'appliquer à toute la chrétienté, maintenant que l'élément judaïque, envers lequel l'Eglise avait dû garder d'abord quelque ménagement, était complètement dissous.

 

Nous verrons la suite de cette affaire sous le pontificat suivant.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 302 à 305) 

 

Cecilia

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1 février 2011 2 01 /02 /février /2011 20:00

A ce moment l'église romaine possédait dans son sein un homme arrivé à la foi chrétienne, après avoir fréquenté les diverses écoles de la sagesse mondaine.

 

 Tour à tour disciple de Zenon, d'Aristote, de Pythagore et de Platon, il avait frappé à toutes les portes, hors à celle d'Epicure, cherchant la vérité ; mais il ne l'avait rencontrée qu'à l'école du Christ, où s'étaient enfin fixés son intelligence et son coeur. Il était né sous Trajan à Flavia Neapolis, ville samaritaine transformée par Vespasien en colonie romaine, et sortait d'une famille grecque. Le désir de puiser à la source apostolique une plus parfaite intelligence de la doctrine divine à laquelle il avait désormais voué sa vie, l'amena à Rome, où il changea son nom grec Symmetrius en celui de Justin qui en était la traduction latine. L'église romaine ne tarda pas à apprécier le mérite de ce philosophe que la foi chrétienne avait conquis pour toujours, et il fut élevé à l'ordre de prêtrise. Une candeur et une générosité d'âme, telles que les païens n'en auraient pu même concevoir l’idée, formaient son caractère, et il était véritablement digne de servir d'organe aux remontrances de l'Eglise, en cette solennelle occasion.

 

 Avant l'année 150, l'apologie de Justin fut déposée entre les mains d'Antonin à qui l'auteur l'adressait, ainsi qu'à Marc-Aurèle et à Lucius Verus, qui y sont qualifiés l'un et l'autre de philosophes. Le ton de ce mémoire est d'une fermeté et d'un désintéressement de la vie, qui durent étrangement étonner ces gentils. Justin se plaint des violences dont les chrétiens vont devenir de nouveau les victimes. Il les montre résolus à tout braver, plutôt que de renoncer à leur foi ; mais en même temps il s'applique à faire voir que c'est cette foi même qui les attache à la vertu, dont la pratique est si favorable à la société et au pouvoir qui la régit. Il établit que les chrétiens sont sujets fidèles par motif de conscience, et que César n'a pas plus à craindre d'eux qu'ils n'ont eux-mêmes peur de César. Après avoir réfuté l'absurde accusation d'athéisme dont on les chargeait, il aborde les dogmes qui sont l'objet de leur croyance, et il en montre le fondement et la beauté. Il n'est pas jusqu'à la croix elle-même, si odieuse aux païens, qu'il ne confesse et ne relève comme un trophée glorieux.

 

Mais il importait aussi de dissoudre les calomnies atroces lancées de toutes parts contre les chrétiens, à la suite des découvertes que la police romaine avait faites sur les moeurs des carpocratiens. Justin se trouve donc amené à dévoiler tous les mystères de l'initiation chrétienne, le baptême avec ses rites et ses engagements à la vertu, le sacrifice avec la transformation du pain et du vin en le corps et le sang de Jésus, n'omettant rien de ce qui se passait dans les assemblées des fidèles. Pour découvrir ainsi à des païens jusqu'aux mystères que la discipline de l'Eglise ne permettait de confier aux catéchumènes qu'à la veille de leur baptême, il avait fallu la dernière extrémité ; et l'avocat du christianisme fut, sans doute, autorisé par le pouvoir compétent à déroger pour cette circonstance à la loi de l'arcane, que l'on sait avoir été fidèlement maintenue dans l'Eglise avant et après l'apologie de saint Justin.

 

 A la fin de ce mémoire éloquent dans sa simplicité, Justin formule l'unique demande des chrétiens à César. Elle consiste à réclamer l'application des mesures prescrites par Hadrien au proconsul d'Asie Minucius Fundanus. Si un chrétien est dénoncé, que l'accusateur fasse contre lui la preuve d'un autre délit que du délit du christianisme ; autrement, que l'accusé soit renvoyé de la plainte.

 

 Les espérances furent dépassées. Le vieil empereur termina la question en adressant, vers l'an 152, un rescrit à l'assemblée des villes d'Asie. C'était en cette contrée que le soulèvement contre les chrétiens s'était produit avec plus de violence, à l'occasion des tremblements de terre. Antonin rappelle dans ce rescrit la décision donnée autrefois par Hadrien, et, enchérissant sur ce que cette décision avait déjà de favorable, il statue que si l'accusation de christianisme est encore portée contre un particulier, le dénonciateur, lors même qu'il ferait la preuve de son accusation, sera puni lui-même comme coupable d'un délit. Cette disposition fut aussitôt mise en pratique dans l'Empire, et Justin lui-même nous l'apprend indirectement, lorsque, s'adressant aux juifs, dans son Dialogue avec Tryphon, il leur dit : "Vous ne pouvez plus aujourd'hui nous maltraiter, parce que ceux qui ont empire sur vous, vous le défendent ; mais dans le passé, toutes les fois qu'il vous a été possible, vous l'avez fait." (Cap. XVI.)

 

 La nécessité où nous sommes de réduire nos récits nous oblige à ne faire que mentionner le rôle du prêtre Justin dans l'église romaine, en qualité de chef de l'école chrétienne qui commence à lui, et se poursuit jusque dans le cours du troisième siècle. Nous ne dirons non plus qu'un seul mot, d'après saint Jérôme, du grand travail qu'il publia pour la réfutation des hérésies qui avaient paru jusqu'alors, ainsi que du traité spécial qu'il écrivit contre Marcion, lequel, s'étant implanté dans Rome, continuait de tendre des pièges ; mais ce qu'il importe de faire ressortir, c'est l'abondance des citations qu'il emprunte aux Evangiles et aux autres livres du Nouveau Testament. Il a fallu toute l'insolence de l'école hégélienne pour oser parler d'une fabrication lente et successive de ces textes sacrés que nous voyons cités mot à mot tels que nous les avons, par saint Clément au premier siècle, et au deuxième par saint Justin et saint Irénée. C'est trop perdre de vue la dignité, la circonspection, les communications incessantes qui faisaient le caractère de l'immense société chrétienne. La période des Antonins est la plus civilisée dont ait joui l'Empire ; c'est aussi celle où l'Eglise s'accrut davantage, quant au nombre et à la considération de ses membres.

 

 Parmi les recrues que fit à Rome le christianisme sous les Antonins, il faut placer celles que lui fournit la famille Annia. Antonin avait pris dans cette famille sa femme Annia Faustina, et Marc-Aurèle était le propre neveu de cette impératrice. Or les monuments de Rome souterraine nous apportent la preuve incontestable de l'entrée des Annii dans l'Eglise chrétienne.

 

Voici donc d'abord une Annia Faustina. Le goût avec lequel sont traités les objets sculptés sur le sarcophage, et qui représentent des génies faisant la vendange,  ne dément pas la fin du deuxième siècle. La Lucinia Faustina qui vient ensuite, et dont le sarcophage offre même un peu plus d'archaïsme, ne saurait être contestée à la famille Annia dans laquelle on rencontre cinq femmes au moins avec le cognomen de Faustina. Acilia Vera n'est pas moins authentiquement un membre de la même famille, dans laquelle est usité le cognomen Verus.  Marc-Aurèle le porte sur ses inscriptions et sur ses médailles : Marcus Annius Aurelius Verus. Quant à Annius Catus, le nomen est exprès, et nous n'avons pas à justifier le cognomen. Les quatre inscriptions sont de la même époque, à en juger par les caractères.  Si on veut les descendre jusqu'aux premières années du troisième siècle,  il n'en demeure pas moins certain que ces Annii chrétiens ont dû vivre vers la fin du règne de Marc-Aurèle et sous celui de Commode, auxquels ils étaient unis par le sang.

 

Leur présence au cimetière de Lucine donne lieu à M. de Rossi de se demander quel lien pouvaient avoir les Annii avec les Caecilii, dont on trouve en si grand nombre les marbres dans cette région des catacombes. Il résout aisément la question, en rappelant qu'une Annia Faustina, petite-fille de Marc-Aurèle et nièce de Commode, épousa un Pomponius Bassus. Or le lien d'alliance qui unissait les Pomponii aux Caecilii date, ainsi que nous l'avons vu, des temps mêmes de la république, et la célèbre Lucine qui fit creuser la crypte de la voie Appienne, près du terrain des Caecilii, était à la fois Pomponia et Caecilia.

 

Mais il est temps de revenir à Cornélius Pudens, que nous avons connu dans sa première jeunesse, à l'avènement de Vespasien. Les Actes de sainte Praxède, rédigés malheureusement trop tard, ne peuvent être considérés comme un document incontestable dans toutes leurs parties ; mais ils renferment, comme nous l'avons dit, certains détails que les monuments ont confirmés, et l'on peut s'en aider dans une certaine mesure pour éclairer et compléter les récits. Sans s'inquiéter de la chronologie, le rédacteur a confondu les deux Pudens, et par suite il a ouvert la voie à des difficultés inextricables. Maintenant que les deux personnages sont reconnus parfaitement distincts, toute difficulté est levée. Rien donc ne s'oppose à ce que disent les Actes, que Pudens prolongea sa vie jusqu'au pontificat de Pie Ier. On l'ensevelit au cimetière de famille, près de son père, l'hôte de saint Pierre, et de sa mère Priscille qui avait donné son nom à la catacombe.

 

La région où reposèrent ces nobles et primitifs chrétiens est encore reconnaissable par la forme des loculi, et par le style antique des peintures sur le stuc dont les parois sont ornées. C'est là que M. de Rossi a découvert l'antique image de la Vierge dont nous parlerons plus tard.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 295 à 301) 

 

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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 20:00

Au milieu de tant de soins, le pieux pontife eut à subir une dure épreuve : ce fut, dans Rome, l'invasion des hérésies orientales.

 

 Depuis la défaite de Simon le Mage,  la chrétienté romaine avait joui d'une paix profonde relativement à la doctrine. Les hérésies judaïsantes avaient fini par s'épuiser, même en Orient ; mais le père du mensonge ne renonçait pas à séduire les âmes, en propageant des systèmes hostiles à la foi. L'Orient lui tenait en réserve, pour attaquer le symbole chrétien, d'un côté le panthéisme qui faisait le fond des théogonies égyptiennes ; de l'autre le dualisme qui, de la Perse,  infectait une partie de l'Asie. Simon avait, du premier coup, essayé une  synthèse  de  ces  erreurs  diverses ;  mais  il s'était éteint rapidement, et son hérésie multiple allait être reprise en sous-oeuvre. L'explosion eut lieu en Orient cette fois encore. Au même moment où un sectaire nommé Saturnin émettait son enseignement fondé sur le dualisme, Basilide produisait la théorie panthéiste de l'émanation sous des obscurités calculées qui devaient en voiler les conséquences aux âmes honnêtes. Son disciple Carpocrate eut moins de pudeur, et dans cette branche de la secte se produisirent bientôt les plus infâmes pratiques. Ce furent ces horreurs qui, ayant été constatées malgré le mystère dont les carpocratiens les entouraient, donnèrent lieu aux atroces calomnies que les païens firent planer, durant plus d'un siècle, sur les chrétiens et sur leurs assemblées. Incestes, promiscuité, anthropophagie, rien n'était mieux démontré que ces crimes, par les découvertes que fit la police de l'Empire dans ces bas-fonds de l'hérésie. Les carpocratiens se vantant d'appartenir au christianisme, il fut aisé aux ennemis de la nouvelle religion, en s'adressant à la crédulité populaire, de répéter et de faire croire en tous lieux que telles étaient les moeurs des sectateurs du Christ.

 

 Un autre rameau du panthéisme, à l'état d'hérésie chrétienne, fut le système de Valentin qui prétendait posséder la gnose supérieure. Un amas de rêveries d'où sortaient ces "interminables généalogies" que saint Paul avait signalées d'avance ( I  Tim., 1), formait le caractère de cette secte qui s'étendit et séduisit beaucoup d'imaginations, jusqu'à ce qu'épuisée par les divisions et subdivisions qu'elle enfantait, elle s'affaissât sur elle-même. Valentin, philosophe égyptien, puis chrétien, avait aspiré à la dignité épiscopale. On le trouva suspect, et son ambition déçue l'entraîna dans la voie de la perdition. Après avoir tenté quelques essais en Orient, il eut l'idée de se montrer à Rome. La vigilance d'Hygin ne tarda pas à démasquer ses mauvais desseins. Par trois fois, il fut condamné et signalé aux fidèles comme un docteur d'impiété, et, ne trouvant pas de crédit pour sa secte, il quitta Rome et s'en alla en Chypre, où il donna pleine carrière à son dogmatisme insensé.

 

 A peine Valentin avait-il délivré l'église romaine de sa présence, qu'un autre sectaire oriental venait à son tour y chercher fortune. C'était Cerdon, disciple de Saturnin, et, comme lui, apôtre du dualisme. Il fut aisé à Hygin de démêler le loup sous ses peaux de brebis. En face de la majesté du siège de Pierre, Cerdon ne put tenir longtemps. Il abjura son erreur ; mais le sectaire ne pouvait mourir en lui. Il revint à son vomissement, et Hygin se vit contraint de le dénoncer et de l'expulser de l'Eglise. Ce fut au milieu de ces labeurs que le zélé pontife quitta ce monde, pour aller recevoir la récompense de sa fidélité dans la garde du dépôt de la foi. Il mourut en l'année 142 , et son corps fut déposé, près de ceux de ses prédécesseurs, à l'ombre de la crypte Vaticane.

 

 Pie Ier fut élu à la papauté en remplacement d'Hygin. II était d'Aquilée, et avait un frère, nommé Pastor, qui servait l'église romaine en qualité de prêtre. Il est probable que le nom sous lequel ils sont connus l'un et l'autre n'était que leur cognomen. Quoi qu'il en soit, on trouve sur les fastes, à l'année 163, un consul du nom de Pastor.

 

 Les premiers jours du pontificat de Pie furent troublés par l'arrivée d'un nouveau sectaire que l'Orient dirigeait encore sur Rome. C'était Marcion, né à Sinope en Paphlagonie. Excommunié pour un crime par son évêque qui était aussi son père, il venait demander sa réhabilitation à l'église romaine. On  lui  répondit que  cette faveur pourrait lui être accordée,  lorsque son évêque aurait levé la sentence portée contre lui. Marcion, dans sa colère, réplique que, puisque l'église romaine lui déniait sa communion,  il allait désormais tout mettre en jeu pour la déchirer. Il alla donc trouver l'hérétique Cerdon, qu'il dépassa bientôt en  audace,  et scandalisa la chrétienté de Rome, en dogmatisant avec fureur, non seulement sous le pontificat de Pie, mais jusque sous Eleuthère. Prenant aussi pour base la doctrine des deux principes, il jugea à propos de simplifier les systèmes orientaux, afin d'arriver à un enseignement plus acceptable aux imaginations moins fantastiques de l'Occident.

 

Ces efforts de l'hérésie pour s'implanter dans Rome devaient être vains.  Quelques  chrétiens sans doute pouvaient être séduits et payer cher leur imprudence ou leur vanité ; mais rien n'était capable de porter atteinte à la pureté de l'église mère. Sa foi, maintenue indéfectible par la prière du Christ, la rendait semblable au rocher, sur lequel le serpent ne saurait laisser sa trace. (Origène, In Matth., sect. XII.) Pour l'hérétique et pour l'hérésie, elle n'avait que des anathèmes ; mais durant plusieurs siècles il lui faudra vivre ayant, non dans son sein, mais près d'elle, de dangereux et obstinés sectaires. Ses vrais enfants ne seront pas trompés ; ils savent tenir à leur place ces prédicants de l'erreur. "Il est en effet, écrivait saint Justin à l'époque où nous sommes parvenus, il est des hommes qui se professent chrétiens et qui ne tiennent pas la doctrine de Jésus-Christ. Nous, ses disciples, nous n'en sommes que plus fermes dans la foi ; car il nous avait annoncé leur venue. En dépit de leur prétention de se couvrir du nom de Jésus, nous ne les désignons pas autrement que par le nom de l'auteur de leur secte. Nous ne communiquons avec aucun d'eux, sachant que, dans leur impiété, ils ne sont pas les adorateurs de Jésus, et ne le confessent que de bouche. Semblables aux gentils, qui appellent Dieu l'ouvrage de leurs mains, c'est eux-mêmes et eux seuls qui s'imposent le nom de chrétiens, et ils participent à des sacrifices qui ne sont que crime et impiété." (Dialog. cont. Tryph., cap. XXXV.)

 

Cependant un bruit de persécution s'était fait entendre sous le bienveillant Antonin. Le péril des chrétiens ne venait pas de quelque nouvel édit, mais de l'aveuglement du peuple qui s'en prenait à eux et réclamait leur supplice, lorsque quelque calamité venait à tomber sur une ville ou sur une province. Le règne d'Antonin ne fut pas exempt de  ces  secousses qui agitaient les populations, et tenaient en éveil leurs mauvais instincts. Des tremblements de terre dans l'Asie Mineure et dans l'île de Rhodes, l'inondation du Tibre, la peste et la famine, de fréquents incendies à Antioche, à Carthage, à Narbonne, à Rome même, où le feu dévora trois cent quarante maisons ; c'était plus qu'il n'en fallait pour surexciter les fureurs de la multitude contre les chrétiens. Il dut y avoir et il y eut en effet çà et là quelques martyrs, et on avait lieu de craindre que la persécution ne vînt à s'étendre. Antonin, par son caractère personnel,  ne causait aucune inquiétude à l'Eglise ; mais son futur successeur, Marc-Aurèle, qui affectait des tendances vers la philosophie, ne  préparait-il  pas  aux  chrétiens  des épreuves sur lesquelles la prudence les obligeait de compter ? Il était notoire que la philosophie ne dédaignait pas  seulement le  christianisme, mais qu'elle le jalousait et le haïssait. Le rhéteur Fronton, précepteur du jeune prince, était soupçonné d'être ennemi des chrétiens, et il se montra tel dans la suite. Lucien poursuivait de ses sarcasmes leur religion dans ses Dialogues, et l'épicurien Celse venait de publier un livre contre le christianisme, sous le titre ambitieux de Discours ami de la Vérité. L'auteur s'était donné la peine de lire les livres des chrétiens, et l'attaque était conduite avec habileté et malice, comme à l'égard d'un adversaire plus redouté encore que méprisé.

 

Entre les systèmes de la philosophie, c'était la nuance stoïcienne qu'avait adoptée le jeune Marc-Aurèle, et il s'en donna les airs toute sa vie. Ce genre de sagesse avait cela de commode que ses sectateurs  pouvaient emprunter au  christianisme, en fait de morale, tout ce que bon leur semblait, et s'en parer comme d'un produit de leur école.  Epictète avait été un grand maître dans ce système d'assimilation, et l'on ne peut disconvenir que beaucoup de traits de sa morale ont été délicatement choisis dans celle des chrétiens.  Quant à Celse, il ne se faisait pas faute d'être épicurien ; mais les deux tendances s'unissaient en parfaite alliance pour faire la guerre au christianisme, qui réprouvait à la fois l'orgueil du stoïcien et les honteux abaissements du sensualisme.  Quant aux rites païens,  ils faisaient partie de la constitution de l'Empire ; les uns et les autres les pratiquaient extérieurement sans y attacher d'importance, à moins qu'il ne s'agît d'y soumettre les chrétiens par la violence et par les supplices.

 

Dans cette situation, il pouvait être avantageux de tenter auprès d'Antonin ce qui avait réussi jusqu'à un certain point à Quadrat et à Aristide auprès d'Hadrien. Une nouvelle apologie du christianisme, déposée aux mains des maîtres du monde, aurait l'avantage d'être un appel à l'opinion publique, en même temps qu'à la conscience probe d'Antonin. La disposition peu bienveillante de la philosophie envers le christianisme, à la veille d'un règne comme celui qui se préparait, semblait aussi demander que l'apologiste lui-même ne fût pas étranger à la philosophie.

 

A ce moment l'église romaine possédait dans son sein un homme arrivé à la foi chrétienne, après avoir fréquenté les diverses écoles de la sagesse mondaine.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 288 à 294) 

 

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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 20:00

Cependant Hadrien ne perdait pas de vue son grand oeuvre à Tibur.

 

La villa grandiose et fantastique qu'il avait élevée à si grands frais était enfin achevée. Il songea à en célébrer solennellement la dédicace ; mais il voulut auparavant consulter les oracles sur la durée d'un monument  destiné  à  immortaliser  son nom. Il  lui fut répondu  par l'oracle  du  temple  d'Hercule qui était célèbre à Tibur : "La veuve Symphorose,  avec ses sept fils,  ne cesse de nous tourmenter en invoquant son Dieu. Qu'elle sacrifie, ainsi que ses enfants, et nous nous engageons à t'accorder tout ce que tu désires."

 

 La sainte veuve du martyr Getulius était ainsi désignée par l'enfer lui-même au ressentiment d'Hadrien. Rome allait voir immoler à ses portes une émule de la mère des Machabées, et un Antiochus ne manquerait ni à elle, ni à ses fils. Peu d'années après, un holocauste tout semblable s'offrit dans l'enceinte même de Rome, en sorte que l'Eglise chrétienne n'eut plus rien à envier à l'ancienne alliance, si justement fière d'avoir une fois produit une telle mère et de tels fils.

 

 Symphorose, entourée de ses sept enfants, fut amenée en présence d'Hadrien,  qui espéra un moment que quelques bienveillantes paroles, sorties de la bouche du maître du monde, triompheraient de la résistance d'une faible femme. La martyre répondit avec dignité : "Mon mari Getulius et son frère Amantius étaient tribuns dans tes armées. Ils ont enduré les supplices plutôt que de consentir à sacrifier aux idoles ; comme de vaillants athlètes, il ont, en mourant, vaincu tes  démons ;  maintenant mêlés  aux anges,  ils jouissent dans les cieux d'une vie sans fin à la cour du roi éternel". La feinte modération d'Hadrien ne put tenir à cette réponse. "Ou tu vas sacrifier avec tes fils aux tout-puissants dieux, s'écria-t-il d'un ton menaçant, ou je te fais immoler toi-même avec tes enfants. — Et d'où me vient ce bonheur, reprit Symphorose, d'être offerte avec mes fils comme une hostie à Dieu ? — Mais c'est à mes dieux, dit l'empereur, que je te ferai immoler. — Tes dieux, repartit Symphorose, ne peuvent pas me recevoir en sacrifice ; mais si tu me fais consumer par les flammes pour le nom du Christ mon Dieu, c'est alors que je brûlerai bien plus ardemment encore tes démons. — A toi de choisir, dit Hadrien : ou sacrifie à mes dieux, ou attends-toi à périr d'une fin cruelle. — Ne te flatte pas, reprit la martyre, d'émouvoir mon âme par une crainte de cette espèce ; moi qui n'ai qu'un désir, celui d'aller me reposer près de mon époux Getulius, que tu as fait mourir pour le nom du Christ."

 

Hadrien la  fit aussitôt conduire au  temple d'Hercule, donnant ordre de la souffleter avec violence, et de la suspendre par les cheveux.  Ayant appris que rien ne pouvait abattre son courage, il commanda  de  la  précipiter dans  l'Anio  avec  une grosse pierre au cou. Symphorose avait à Tibur un frère, membre du conseil de la ville : les Actes ne disent pas qu'il fût chrétien. II témoigna du moins son affection fraternelle en recueillant le corps de la martyre, et l'ensevelit à peu de distance de Tibur.

 

 Le lendemain, Hadrien se fit amener les sept fils de Symphorose. Ils se nommaient Crescent, Julien, Nemesius, Primitivus, Justin, Stacteus et Eugène. Ils se montrèrent invincibles et dignes de leur mère. Par ordre de l'empereur, ils furent conduits près du temple d'Hercule, et immolés cruellement tous les sept. On laissa exposés toute la journée les corps des victimes de ce sacrifice humain, et, le lendemain, Hadrien ordonna qu'on les jetât dans une fosse profonde. C'était là une des scènes dont aimait à se repaître l'imagination malade d'un prince à qui, surtout en ce moment, il fallait du sang et de la superstition.  La haine des pontifes païens donna officiellement au lieu de ce sanglant sacrifice un nom d'exécration  : Ad septem biothanatos. Le biothanate était celui qui avait péri de mort violente. Ces aveugles ne se doutaient pas que cet endroit de la banlieue de Tibur serait un jour vénéré comme le théâtre de la plus noble victoire, et que la Rome nouvelle ouvrirait un de ses sanctuaires à la vaillante mère et à ses sept fils. Les Actes de ces saints martyrs, qui sont originaux, ajoutent qu'après leur immolation, il n'y eut pas de sang chrétien répandu à Rome durant un an et six mois, et qu'on en profita pour élever les trophées de ces glorieuses victimes. Leur martyre se rapporte au 18 juillet de l'année 136.

 

 Un tel incident tenait peu de place dans la vie d'Hadrien, perdu d'ennui au milieu des chefs-d'œuvre de sa villa. Sa santé allait s'altérant de plus en plus, et les sentences de mort arbitrairement lancées venaient sans cesse effrayer le sénat et la ville. Sénateurs, affranchis, miliciens, rien n'était à l'abri. Au milieu de ses accès de mélancolie, qui l'entraînaient parfois jusqu'à la tentation du suicide, le César préparait un tombeau magnifique pour recevoir ses cendres ; mais il avait dû songer aussi à se donner un successeur dans l'Empire. Son choix était allé chercher un Lucius Verus, issu de la famille étrusque des Ceionii. Tout annonçait dans ce personnage un triste César ; mais le monde en fut débarrassé après deux ans, Hadrien vivant encore. Il fallut un nouveau choix. Le vieil empereur se décida en  faveur d'Aurelius Antoninus. Celui-ci était fils du consul Aurelius Fulvus, déjà connu dans nos récits. Il avait épousé Annia Faustina, fille d'Annius  Verus,  préfet de  Rome et trois  fois consul.  Hadrien  exigea  qu'Antonin  adoptât  à son tour Marcus Annius Aurelius, neveu de sa femme, et Lucius Aelius Verus, âgé de huit ans, fils de Lucius Verus à qui la mort venait d'enlever l'héritage de l'Empire.

 

 La famille Annia, nouvelle comme l'avait été celle  des  Flavii, allait  donc  arriver  aux  premières grandeurs de la terre.  Par son alliance avec Antonin, elle entrait en part de la dignité impériale,  et Marc-Aurèle,  qui devait succéder à Antonin, la porterait bientôt sur le trône. Nous aurons à montrer le christianisme pénétrant jusque dans son sein, vers la fin du siècle, de même qu'il avait fait son choix parmi les Flavii, sans consulter Vespasien, et dans les Ulpii, sans en prévenir Trajan.

 

 Cependant le vieux César se débattait entre les serres de la mort qu'il avait si souvent appelée. Antonin dut veiller sans cesse à arrêter les projets homicides que son père adoptif formait chaque jour contre sa propre vie. Enfin le malade transporté à Baïes y expira le 10 juillet 138, et Antonin prit les rênes de l'Empire.

 

Au début de cette même année, le saint pape Télesphore avait terminé son pontificat par un martyre que saint Irénée appelle glorieux. Il fut enseveli dans la crypte Vaticane, et promptement remplacé sur le siège apostolique par Hygin. Celui-ci, comme son prédécesseur, était grec d'origine, né à Athènes, et il avait porté le manteau de philosophe. Le Liber pontificalis déclare que le nom de son père est demeuré inconnu.

 

Ainsi l'année 138 voyait commencer presque en même temps le règne d'Antonin et le pontificat d’Hygin, qui devait s'asseoir à peine quelques années sur la chaire de saint Pierre.

 

Antonin a mérité la reconnaissance de l'Eglise. Peu de princes, dans l'histoire, apparaissent aussi équitables, aussi remarquables par la bonté, et ont su unir avec une si haute puissance une telle modération et une telle possession de soi-même. Sa tolérance envers les chrétiens ne peut être comparée qu'à celle que fit paraître Alexandre Sévère au siècle suivant. Les progrès de l'Eglise, sous ce règne, durent être considérables dans Rome, grâce à une liberté dont on n'avait pas encore joui jusqu'alors. Hygin en profita pour régler  les  charges  ecclésiastiques  dans  son clergé.

 

Les quelques mots que nous fournit le Liber pontificalis doivent s'entendre d'un complément d'organisation.  Nous avons déjà vu saint Clément créer sept notaires, et saint Evariste attribuer un prêtre spécial à chacun des vingt-cinq titres de la ville. Restait à instituer des officiers pour d'autres emplois rendus nécessaires par le développement de la chrétienté urbaine. La richesse temporelle s'était accrue d'une manière considérable ; on ne tardera pas à en voir la preuve sous le pontificat de Soter. Une administration en règle était donc devenue nécessaire. C'est aux diacres qu'elle était confiée ; mais la part principale fut dévolue de bonne heure à celui d'entre eux qui portait le titre d'archidiacre. La garde des archives, la rédaction  des  correspondances  avec toutes les églises, l'expédition des lettres formées, toutes les branches de service d'un si vaste corps, exigeaient des clercs spécialement députés à leurs offices. Le soin des cimetières dont le nombre s'accroissait de jour en jour,  la sépulture des martyrs, réclamaient aussi des hommes fidèles, dont le zèle fût à la hauteur de ces importantes fonctions. Hygin s'occupa de satisfaire à tous ces besoins, et le gouvernement de l'église romaine fut mis sur un pied respectable, comme il convenait à l'église principale.

 

Au milieu de tant de soins, le pieux pontife eut à subir une dure épreuve : ce fut, dans Rome, l'invasion des hérésies orientales.

 

DOM GUÉRANGER

SAINTE CÉCILE ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE AUX DEUX PREMIERS SIÈCLES (pages 280 à 287) 

 

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